Bent

Réal: Sean Matthias
Année: 1997
Origine: Angleterre / Japon
Genre: Drame
Durée: 105mn
Acteurs: Lothaire Bluteau, Clive Owen, Ian McKellen, Mick Jagger, Jude Law, Nikola Coster-Waldau, Brian Webber, Gresby Nash...
Résumé: Berlin- 2eme guerre mondiale- Dans les bordels berlinois Max vit son homosexualité de façon violente avec un jeune danseur. Quand celui ci est égorgé par les SS, Max fuit mais il est capturé et déporté à Dachau. Contraint de faire l'amour au cadavre d'une enfant de 13 ans, ce à quoi il prend goût, il est déclaré hétérosexuel. Mais son homosexualité resurgit lorsqu'il rencontre Horst, compagnon de camp. Les deux hommes vont devoir cacher leur amour naissant...
Bent- état du pénis en demi érection en phase d'excitation- est bien plus qu'un simple film sur le nazisme et les rapports entre bourreaux SS et déportés. Le principal sujet du film est Max, un homme qui accepte d'aimer un autre homme et vice versa. c'est l'histoire d'une passion, d'une relation quasi mythique entre deux hommes qui refusent au départ ce qu'ils sont dans le contexte des camps de la mort.
L'ouverture du film est étonnante, vertigineuse plongée dans le milieu gay berlinois et ses bordels décadents où se retrouve toute une faune bigarrée entre orgies carnavalesques et cabarets avant-gardistes. Une fois celle ci passée, tout le film est un ( très?) long face à face entre les deux protagonistes, Max et Horst, un long échange verbal entre deux hommes incarcérés dans un camp. Tout passe par le texte et la portée du discours. Tous les sentiments et la tragédie de la situation passe par les mots créant un univers intime et terriblement fragile. Bent est un chant d'amour avant de se muer en chant de mort.
C'est la solitude, celle des lieux, celle des hommes et celle des sentiments. Hormis quelques officiers SS fantomatiques, il n'y a que ces deux hommes dans ce camp évoluant dans un nu total tant des corps que des décors. Ce sont deux hommes seuls face à la solitude de leurs sentiments qu'ils doivent taire.
Tiré d'une pièce de théâtre, Bent est une métaphore sur la solitude des homosexuels face à l'incompréhension et la cruauté du monde que les entoure symbolisé ici par les SS et ce camp. Cette tragédie est en fait une visualisation de la peur inconsciente de vivre son homosexualité au grand jour, de la cruauté des autres face aux homosexuels et du comportement de ces derniers qui en découle. c'est ce comportement qu'incarne Max.
Avant sa déportation il refusait d'assumer son homosexualité et la réalité des sentiments entre deux hommes en vivant des relations violentes et cruelles avec de jeunes débauchés. Le sexe est violence, le sexe est sale, il ne peut exister d'amour entre deux hommes. Il est égoïste et Max ne pensait qu'à satisfaire ses instincts.
Le film se divise en quatre parties:
La première est donc ce bordel, la visualisation de cet univers décadent où Max vit sa sexualité égoïstement, sauvagement.
La deuxième débute lors de sa déportation. Devant cacher son homosexualité, il est contraint de violer le cadavre d'une enfant. Il rencontre alors Horst, son compagnon de camp mais il continue à cacher son homosexualité même s'il tente de le sauver. Une fois de plus il ne pense qu'à son propre salut.
La troisième verra Max admettre son homosexualité mais il se leurre en la justifiant par l'absence de sexe. Ceci donnera une magnifique scène d'une rare intensité. Au garde à vous, côte à côte sous un soleil de plomb, Max et Horst vont se faire l'amour par la force des mots jusqu'à atteindre l'orgasme. On retrouve là toute la force des dialogues et l'impact de la parole, l'efficacité de la suggestion verbale.
Lors de la quatrième partie, Max admettra enfin son homosexualité et l'existence de l'amour intense qui peut unir deux hommes. c'est là une déclaration d'amour, une déclaration de mort.
Bent est le parcours initiatique d'un homme se révélant au grand jour quitte à être tué, nouvelle et intelligente métaphore sur le rejet et la condamnation de l'homosexualité dans notre société.
Intelligente certes mais alors d'où vient cet ennui qui suinte du film? Outre le très beau début dans les décors décadents de ce bordel pour hommes, la débauche sexuelle et l'égorgement du jeune danseur, Bent souffre tout simplement de sa transposition à l'écran. Ce qui passe sur une scène ne passe forcément à l'écran d'autant plus que Matthias a gardé une mise en scène très théâtrale donnant un coté artificiel à l'ensemble.
Les décors sont ceux d'une pièce: un camp de concentration factice entièrement reconstitué en studio, une carrière fait office de camp de travail, tout sonne faux jusqu'à cette neige artificielle qui simule l'hiver. Artifice pour un film artifice qui pourtant au départ n'a rien d'artificiel puisqu'il est porteur d'un message universel. Dommage!
Lassants aussi sont ces dialogues incessants donnant une impression de cours magistral de philosophie tandis que Max et Horst passent leur temps à faire des va-et-vient géométriques dans des espaces tout aussi géométriques en portant des pierres en polystyrène.
Bent perd beaucoup de son pouvoir émotionnel sur grand écran et les sentiments, la passion, le désespoir de ces deux hommes ne passent pas ou passent mal.
On saluera tout de même l'interprétation des deux acteurs principaux, excellents dans leur composition tragique, Lothaire Bluteau et le décharné Clive Owen . On soulignera l'apparition de Ian McKellen et la composition de Mick Jagger en travelo décadent tout en résille et talons aiguilles.
Bent, message d'amour et de tolérance universel, fait partie de ses oeuvres cérébrales prodigieusement belles pour certains mais également ennuyantes pour d'autres.