Franco Gasparri: Le prince du romantisme
Son nom fait encore rêver toutes celles qui dans les années 70 eurent le coeur qui battait la chamade en découvrant au fil des pages les romantiques aventures dont il fut le héros. Véritable sex symbol de toute une Italie fleur bleue, incarnation même de la beauté masculine, il reste aujourd'hui bien des années après sa mort le prince incontesté du roman-photo avant que le cinéma ne s'empare du phénomène en lui donnant sa chance à travers quelques mélodrames pas toujours réussis. Stelvio Massi lui créera surtout un personnage sur mesure, celui d'un jeune flic marginal au coeur tendre, avant que le destin ne vienne à jamais briser le rêve. Quatorze ans pile après sa disparition, le Maniaco tenait à rendre hommage à l'inoubliable Franco Gasparri.
Fils adoptif du célèbre peintre et dessinateur d'affiches Rodolfo Gasparri, Franco est né le 31 octobre 1948 à Senigallia. Sa mère devant travailler après que son père les ait abandonné alors qu'il n'avait que 3 ans, ce sont ses grands-parents maternels, de modestes pêcheurs, qui vont l'élever. Franco vit une enfance heureuse, entouré de leur amour. Il part habiter Rome lorsque sa mère épouse Rodolfo Gasparri. Dés cet instant, le jeune garçon va baigner dans l'univers artistique de par les activités de son beau-père. Rodolfo aime photographier son fils, l'habiller, le déguiser. Franco y prend goût. Il côtoie également le milieu du cinéma et c'est tout naturellement qu'il fait ses premiers pas d'acteur à l'âge de 13 ans lorsque Gianfranco Parolini, un ami proche de la famille, l'engage sur le tournage de La furia di Ercole / Samson contre Hercule. Les grands-parents de Franco n'arrêtaient d'en faire son éloge. Il récidive avec Goliath chez les géants de Guido Malatesta. Le jeune garçon étonne non seulement par le sérieux dont il fait preuve mais également par son aisance devant la caméra. Ce sera pourtant là les deux seuls films qu'il tournera durant son adolescence. L'avenir du jeune Franco se jouera ailleurs.
Conscient de sa beauté physique, Franco va dés le début des années 70 tenter sa chance dans un support alors très en vogue en Italie, le roman-photo. Il se présente chez Sogno, un des gros éditeurs du moment, qui accepte de l'embaucher le temps d'une histoire pour laquelle il interprète un carabinier. Si Sogno refusera de faire appel à ses services une seconde fois, Franco a sans le savoir ouvert la porte qui le mènera au succès. Puisque Sogno ne veut plus de lui, déterminé, il se présente à la Lancio, le plus important des éditeurs de roman-photo italiens dont il deviendra le Divo. C'est pour Franco le début de la gloire. En quelques mois il côtoie les plus grandes stars du genre, il va surtout devenir le sex symbol de tout un pays, l'incarnation même de la beauté masculine pour des milliers d'italiennes,jeunes ou moins jeunes, qui ne rêvent plus que ce latin lover, tendre et ténébreux. Franco Gasparri devient un véritable phénomène, son ascension est fulgurante. Franco en est conscient comme il est conscient de sa beauté qu'il entretient tout en sachant rester lui même. La gloire ne lui a jamais tourné la tête, il a su rester simple et naturel, un garçon plein d'humanité comme en témoignent sa mère Viola, ses proches, ses amis et les comédiens dont il fut le partenaire à l'écran dont Zeudi Aaraya avec qui il fut très ami. Franco était dans la vie comme il était à l'écran, quelqu'un de secret, de taciturne, qui ne parlait pas beaucoup et n'aimait guère s'ouvrir. En fait, Franco avait peur des gens, de la foule.
Du roman-photo au cinéma il n'y a souvent qu'un pas que Franco franchit en 1974. Après un court passage chez Jean-Pierre Lefebvre pour Ultimatum, il retrouve donc les caméras qu'il n'avait plus vu depuis son adolescence puisqu'il va être le principal protagoniste aux cotés de Renzo Montagnani et surtout la superbe Zeudi Araya du nouveau film de Domenico Paollela, La preda, qu'il tournera dans les somptueux décors naturels de Colombie. Voilà un rôle taillé sur mesure pour le ténébreux Franco qui y joue un jeune aventurier contrebandier qui va tomber follement amoureux de Zeudi, une esclave qui désire fuir cette vie miséreuse. Véritable mélodrame, violent et désespéré, sur fond d'océan, Franco forme avec la belle actrice érythréenne un inoubliable couple. Le public ne s'y trompe pas, le film est un succès. Franco est comblé d'autant plus que sa femme, Stella Maccalé, est enceinte et accouchera d'une petite fille prénommée elle aussi Stella.
Suite au triomphe de La preda, il n'est donc pas surprenant que l'année suivante les producteurs décident de reformer le couple et c'est Pier Ludovico Pavoni, le spécialiste de l'érotisme, qui est chargé de cette mission. Ils tournent donc ensemble La peccatrice, un nouveau mélodrame qui prend cette fois pour décor les terres sauvages et arides de la Solfataria, en Sicile. Tout magnifique soit il, la recette ne prend pas, faute en incombe à une mise en scène trop linéaire et une histoire peu originale qui se contente de rester dans la superficialité malgré la profondeur du sujet. Totalement inexpressif, Franco, le brushing impeccable, se contente de froncer les sourcils et prendre des poses de roman-photo. Il
trouve avec La peccatrice la moins bonne interprétation de sa brève carrière d'acteur.
C'est alors que Stelvio Massi va créer pour lui le personnage de l'inspecteur Mark Terzi qu'il incarnera dans trois films entre 1975 et 1976, Mark Il poliziotto / Un flic voit rouge, Il poliziotto spara per il primo / Marc la gâchette et Mark colpisce ancora / Agent très spécial 44. Contrairement aux personnages incarnés par ses confrères Maurizio Merli, Luc Merenda ou même Tomas Milian, Terzi est un flic jeune, marginal, anticonformiste, aux méthodes très personnelles mais au coeur tendre même s'il ne montre jamais ses sentiments. Tout aussi inégaux soient ils, les trois films seront de jolis succès au box office italien, un succès dû en majeure partie à la présence de Franco. Pourtant Agent très spécial 44 sera son ultime film.
Si Franco met de coté son métier de comédien, il poursuit celui de star de roman-photo. Il collectionne les histoires et son succès ne se démentira pas jusqu'à la fin de la décennie. En 1978, il est pour la deuxième fois père d'une petite fille prénommée Luna. Si sa vie était jusque là un véritable paradis, c'est une brusque descente aux enfers qu'il va connaitre en 1980. Passionné de moto, Franco va être victime d'un très grave accident de la moto, une kawasaki 900, sa grande passion, lorsqu'un camion va se jeter sur lui le 4 juin 1980. Le choc est d'une violence inouïe. Franco est transporté d'urgence à l'hôpital. S'il en sort vivant, il sera malheureusement paraplégique, cloué à vie dans un fauteuil roulant. Après de longs mois passés à l'hôpital, Franco déclara: "J'étais beau, riche, célèbre, plein d'espoir et de projets, heureux. En un instant tout s'est terminé".
Malgré sa paralysie, Franco continuera cependant de travailler. Il assouvira sa passion artistique d'une manière différente, en écrivant désormais des scénarii de romans-photos. Il s'éteindra malheureusement le 28 mars 1999 suite à une insuffisance respiratoire à l'hôpital de Nancy. Il n'avait que 51 ans. Franco sera enterré près de San Felice de Circeo, un endroit où il aimait passé ses vacances en famille. Bien des années après sa disparation, personne n'a oublié Franco. Ses amis, sa famille et ses admiratrices lui rendent régulièrement hommage. Sa fille Stella, également comédienne, lui a consacré en 2008 un émouvant documentaire, Un volto tra la folla. Franco Gasparri, appunti, frammenti, ricordi di un fotoromanzo italiano.
C'est ainsi que s'en est allé le petit prince mais comme le héros de St Exupéry il restera à tout jamais dans nos coeurs, immortel, souriant à la vie qui lui fut si cruelle comme il souriait à toutes celles dont il fit chavirer les sens à travers les pages des romans qu'il illuminait de sa ténébreuse beauté.