Le cochon
Autres titres: The pig
Réal: Jean-Michel Barjol / Jean Eustache
Année: 1970
Origine: France
Genre: Documentaire
Durée: 51mn
Acteurs:
Résumé: Dans la campagne cévennoise cinq agriculteurs tuent un cochon pour le transformer en diverses préparations culinaires...
Proche du cinéaste Jean Eustache et de l'écrivain Christophe Donner dont il adapta à l'écran un des romans (Le petit Joseph) Jean-Michel Barjol fait partie de ces réalisateurs un peu à part dans l'univers du cinéma français. Auteur de documentaires et de courts-métrages reconnus pour leur authenticité et leur coté profondément humain, pour la plupart tournés dans les années 60 (Nadia, La peau dure, Au temps des châtaignes, San Pietro, Histoire d'arbres...), J.M Barjol s'est aussi laissé tenter par le grand écran en réalisant moyens et longs métrages dont en 1970 le très décrié Le cochon, un croisement entre Le
sang des bêtes de Georges Franju et Guinea pig, qu'il co-signe avec son ami Jean Eustache ce qui valut à ce dernier d'être fortement pointé du doigt, son public se demandant comment il avait pu participer à un tel documentaire.
Car plus qu'un moyen-métrage Le cochon est avant tout un documentaire, un mondo à la française tourné dans un noir et blanc morbide qui un jour d'hiver suit un groupe d'agriculteurs des Cévennes sur le point d'abattre un porc. Le film montre les différentes étapes de l'opération, de l'abattage de l'animal à sa transformation en diverses charcuteries et autres préparations. Et lorsqu'on lit de l'abattage du pauvre cochon à sa transformation en
charcuterie cela signifie bel et bien qu'on assiste à toutes les étapes y compris les plus insupportables, d'autant plus insupportables que nous sommes en 1970 en pleine campagne. On abat, on tue à l'ancienne. Difficile de ne rien ressentir à la vue de ce pauvre petit cochon, seul dans sa soue, qui fixe la caméra d'un regard attendrissant, ignorant que d'ici quelques minutes il va être égorgé vivant. Première étape, on le voit trainé à l'extérieur entrain de pousser des cris de terreur avant qu'on ne lui tranche la gorge pour le vider de son sang. Il agonise puis meurt enfin. Aussitôt les paysans lui coupent la tête qu'ils suspendent à un crochet puis il est ébouillanté, vidé, étripé, démembré, dépecé, désossé.
Chaque morceau est ensuite soigneusement taillé puis préparé et cuisiné: jambons, saucissons, boudins, pâtés... cela va leur prendre toute la journée. Lorsque arrive le soir ils se retrouvent tous les cinq en famille, entre amis du village, autour d'une table, pour le verre de l'amitié et fêter l'évènement.
Le cochon est ce qu'on pourrait appeler une pièce de boucherie, un cours sur la fabrication de nos jambons, nos saucissons, nos terrines et autres régals dont on se repait, tels qu'on les fabriquait autrefois, de manière artisanale. C'est aussi un documentaire sur le quotidien
de ces agriculteurs qui chaque jour fabriquent la viande que nous achetons, nous nourrissent mais se nourrissent eux-mêmes également. Certes on pourra trouver le film ignoble, inhumain mais c'est ainsi que pendant des siècles la viande était préparée avant que ne se mettent en place les techniques modernes d'abattage. La caméra capte la précision de chacun de leur geste née d'un savoir-faire ancestral, enregistre la banalité de leur conversation difficilement compréhensible car en partie en patois cévennois, traduit l'amitié qui lie ces paysans.
Très loin de Babe le cochon, ces 52 minutes auront certainement du mal à trouver leur
public comme ce fut le cas pour Le sang des bêtes. Toutes les ligues de défense des animaux seront au bord de la nausée comme toutes ces nouvelles vagues aujourd'hui très à la mode qui crieront au scandale: les végans, les écolos et bien d'autres encore en oubliant que c'est ainsi que pendant des siècles les anciennes générations ont vécu et que dans nos campagnes ces traditions subsistent encore. C'est ainsi qu'il faut voir Le cochon.
En bon carnivores que nous sommes n'oublions pas l'adage: tout est bon dans le cochon! Un bon jambon avec son petit beurre parisien, un petit saucisson fumé à l'ail, une belle tartine de terrine de campagne sur une tranche de seigle, un bon boudin aux oignons ou un bon rôti de porc avec ses petites pommes de terres grenaille: la vie en deux mots! Et ce n'est pas le Maniaco qui dira le contraire. Au diable les végans et autres gâcheurs de plaisir!