The sex garage
Autres titres:
Real: Fred Halsted
Année: 1972
Origine: USA
Genre: X
Durée: 35mn
Acteurs: Jim Frost, Rick Coates, Joseph yales, Fred Halsted, Eve Orlon...
Résumé: Un jeune mécano fait l'amour à une hippie dans son garage. Un yuppie vient faire huiler sa voiture. La jeune femme, devenue indésirable, s'enfuit. Les deux garçons, désormais seuls, s'adonnent aux plaisirs masculins. Arrive un très séduisant biker aux cheveux longs. Ils les observe puis, excité, les rejoint. Il font du yuppie leur esclave sexuel et satisfont ainsi leur pulsions déviantes. Las, le biker rejoint sa rutilante moto et lui fait l'amour jusqu'à l'orgasme, explosif, métallique...
Pionnier avec Wakefield Poole du film pornographique homosexuel américain, l'ex-diplômé en botanique Fred Halsted tournait son premier film en 1972, L.A plays with itself, une oeuvre étonnante aux prétentions artistiques à la limite de l'expérimental. Cette technique alors très à la mode était surtout un excellent moyen de se faire plus facilement accepter par un vaste public. Bon nombre de réalisateurs y eurent recours, de Poole à James Bidgood en passant par Damiano. L.A plays itself fait surtout figure à part dans le monde du X gay puisqu'il fut le seul et unique film pornographique à entrer au musée des Arts modernes de
New York. Halsted en deux segments y dépeignait deux visions de la sexualité masculine dans la première ville homosexuelle d'Amérique, Los Angeles, deux tableaux radicalement opposés en parfaite adéquation avec le lieu où ils furent tournés. Le premier, pastoral, solaire, est une ode au sexe et à la nature, un poème où les corps font partie intégrante de ce cadre champêtre. Le second est plus brutal, violent, sombre. Il nous plonge dans une autre jungle, en béton cette fois, afin d'illustrer tout un pan d'une culture underground vouée aux pratiques sadomasochistes extrêmes et autres déviations sexuelles qui peuvent conduire à la mort. Morbide, cette deuxième histoire n'est jamais que le reflet d'une violence urbaine
quotidienne où se mêlent psychopathes et débordements sexuels en tout genre.
Second opus du cinéaste, The sex garage tourné la même année fut en fait conçu pour être projeté en guise de prologue à L.A plays itself dans les salles où il passait. Au fil du temps, ce court-métrage de 35 petites minutes fut indissociable du film et joué à chacune de ses projections. The sex garage pourrait très bien être considéré comme le troisième tableau du L.A plays itself puisqu'il s'agit ni plus ni moins que d'une nouvelle face de l'homosexualité découpée en deux histoires qui se passent dans un lieu unique, un garage.
Un jeune garagiste fait l'amour à sa partenaire dans une voiture puis à terre tandis qu'un
yuppie au torse velu se masturbe sous sa douche, le corps couvert de savon. Les mouvements réguliers de son poignet se mêlent aux images du va-et-vient des amants enlacés jusqu'à atteindre ensemble l'extase, quelques rapides plans sur une note manuscrite et quelques dollars qui rappellent au yuppie qu'il doit amener sa voiture au garage afin de la faire huiler. Lorsqu'il arrive, la jeune femme s'enfuit. Le yuppie semble médusé par la beauté du garagiste nu qui s'avance, arrogant, fier, vers lui. Il ne tarde pas à tomber à ses genoux prêt à le sucer, à être sa chose. Arrive un tout aussi séduisant motard aux cheveux longs, l'air christique. Il se joint à eux et très vite le jeune yuppie devient leur
esclave sexuel, une partie de dominant-dominé qui semble pourtant assez vite lasser le motard qui les abandonne pour caresser, lécher, faire l'amour à sa moto, mettre son sexe raide dans le tuyau d'échappement, pénétrer fiévreusement son terrible engin et atteindre la jouissance ultime.
Ce deuxième film est tout aussi déconcertant que pouvaient l'être L.A plays itself et Sextool. Halsted fidèle à cette esthétique expérimentale teintée de lyrisme voire de surréalisme qu'il mêle à la pornographie la plus extrême livre une fois de plus une oeuvre brute de décoffrage qui a pour originalité de mettre en scène une des toutes premières séquences de bisexualité
de l'histoire du cinéma gay américain. Le film s'ouvre en effet sur les ébats d'une hippie qui fait une fellation gourmande au jeune mécanicien avant de lui faire l'amour à même le sol. Comme pour son premier film Halsted alterne et superpose les plans de deux actions différentes rythmées par deux musiques distinctes, celle de son garagiste en pleine action sur le morceau soul When tomorrow comes et celle du yuppie qui se savonne et se masturbe sous la douche sur une douce transcription tout au piano de Jesu joy of a man's desiring. Cette alternance forme un ensemble parfait, beau et lyrique à la fois. On y retrouve un peu la gaieté du premier tableau de L.A plays with itself. La caméra traine, s'égare sur
les corps, insiste sur l'eau qui ruisselle sur le torse du yuppie tout en faisant découvrir le décor au spectateur, des dollars, des notes, des calendriers de filles nues, des magazines X hétéros, toute l'armada du petit garagiste hétérosexuel de base qui du fond de l'atelier se donnait jadis du plaisir. Ce plaisir est celui que le séduisant mécanicien prend à se faire sucer puis en pénétrant sa compagne, le même que prend le yuppie sous sa douche.
Son arrivée au garage va changer la donne. La jeune femme s'enfuit, effrayée, sentant très bien que sa présence est devenue indésirable dans cet univers d'hommes. Comme hypnotisé par ce splendide hippie nu immobile sur un pneu, telle une splendide statue
grecque sur son socle, le yuppie s'approche de lui, commence à le vénérer puis à lui lécher les pieds et le sucer au son d'une musique sinistre. Arrive un biker, cheveux longs, blouson en cuir, bottes et jeans, lunettes de soleil, un slip blanc qui ne semble jamais avoir été lavé tant il parait sale en opposition à la propreté presque virginale du yuppie sous sa douche.
Dans un premier temps il les regarde puis il s'approche. Commence alors une partie à trois, plus brute, plus violente. Comme pour L.A plays itself on retrouve ce renversement de situation. Du plaisir solaire on passe à une excitation beaucoup plus extrême où le yuppie devient l'esclave de ses deux partenaires au cours d'une partie de sexe crasse. Après avoir
revêtu la petite culotte oubliée par la jeune hippie, transformé pour l'occasion en petite "salope", le yuppie est sodomisé par le biker tandis que le garagiste le piétine et lui plonge la tête dans la cuvette des toilettes. Accompagnée d'une partition musicale synthétique faite de sons distordus, assourdissants, la séquence montée de manière frénétique, hallucinatoire, se présente comme une sorte de kaléidoscope malsain, inquiétant, un cauchemar triolique dont une toute une série de photos de femmes d'une autre époque sont témoins qui se terminera en apothéose lorsque, fatigué de ce jeu dans lequel il ne semble plus prendre goût, le biker rejoindra sa moto pour lui faire l'amour. L'engin rutilant devient un protagoniste
à part entière, une sorte de partenaire d'huile et de métal qu'il lèche et caresse avec tendresse tout en se masturbant. Aux pieds du yuppie et à son sexe, il leur préfère guidon et pédales, à sa peau le cuir doux et froid. Cette ultime histoire se terminera sur un coït mécanique explosif lorsque le biker, au bord de l'extase, pénétrera le tuyau d'échappement étincelant dans un va-et-vient fébrile avant de finir par éjaculer sur le cuir de la selle et l'enduire de son sperme qui se mélange à la graisse et à l'huile. Les trois hommes quittent ensuite le garage au son du Jesu joy of a man's desiring.
The sex garage est en tout sens dans la parfaite continuité de L.A plays itself, un travail tout
à fait représentatif de l'univers de Halsted qui trouvera son apogée l'année suivante avec Sextool. The sex garage pourrait tout simplement être le prolongement du deuxième tableau de L.A plays itself. Après la face lumineuse, joyeuse, du sexe au naturel Halsted explore une fois de plus à sa façon les méandres d'une sexualité masculine beaucoup plus sombre, plus perverse, la face déviante de l'homme qui après avoir connu quasiment tous les débordements sexuels avec ses pairs se tournera vers la machine pour des plaisirs interdits inédits et novateurs. Pathétique certes, triste, mais n'est ce pas là une forme d'aboutissement logique, si radicale soit elle, à cette lassitude.
Etrange, dérangeant, paroxysmique, The sex garage, petit chef d'oeuvre artistique parmi les chefs d'oeuvres d'un cinéma masculin pré-condom, l'ère bénie où les hommes qui aiment les hommes n'avaient bien heureusement pas encore recours au plastique, devrait d'une part réjouir tous les invétérés de cette époque magique que furent les années 70, les amoureux de cheveux longs qui flottent aux épaules, ces visages christiques sur jeans moule-sexe, de cette décennie capillaire où la beauté de l'homme fut à son apogée. D'autre part il devrait ravir tous les adorateurs de plaisirs crasses, ceux qui aux senteurs de rose préfèrent le sexe viril et trouvent l'extase dans le creux d'un slip sale dans des toilettes de
fonction... ou le sexe mâle dans toute sa déviante splendeur.
Quant aux acteurs le réalisateur ne fait que reprendre une partie du casting de son premier film. On y retrouve le blond Jim Frost, l'auto-stoppeur de L.A, Joseph Yales, le petit ami et grand amour du cinéaste, Rick Coates, le naturiste de L.A. Quant à Halsted, le jock-strap usagé, il s'octroie le rôle du motard, plus séduisant, plus foudroyant, plus christique que jamais, le charme et la beauté estampillés 70s à leur summum. La hardeuse Eve Orlon interprète quant à elle la hippie.
Pour l'anecdote si The sex garage fut régulièrement amputé de quelques plans lors de ses projections publiques, il fut surtout le premier film à être à l'origine d'une descente de police dans un cinéma de New-York, la séquence avec la moto, le bike-fucking, ayant été jugée inacceptable et contre-nature. Quelle sottise!