Occhi di cristallo
Autres titres: Eyes of cristal / Die angst in deinen augen
Réal: Eros Puglielli
Année: 2004
Origine: Italie / Espagne / Bulgarie
Genre: Giallo
Durée: 107mn
Acteurs: Luigi Lo Cascio, Lucia Jimenez, Josè Angel Egido, Simon Andreu, Carmelo Gomez, Eusebio Poncela, Plamen Peev, Christo Jivko, Tzvetan Philipo, Branimir Miladinov, Ernestina Chinova, Elisabeth Radeva, Federico Di Pofi, Georgi Ivanov Kakanov, Plamena Getova...
Résumé: L'inspecteur Amaldi enquête sur un triple meurtre particulièrement sadique perpétré par un psychopathe qui s'en prend aussi aux animaux. Amaldi soupçonne le meurtrier d'être taxidermiste d'où le surnom que la police lui a donné: l'Empailleur. Amaldi enquête parallèlement sur un homme qui harcèle par téléphone une jeune étudiante dont il va s'éprendre. L'inspecteur et son collègue, l'inspecteur Frese, doivent aussi soutenir un des leurs, l'agent Ajaccio, atteint d'une tumeur au cerveau incurable. Lorsque Ajaccio se met à avoir des flashbacks sur la tragédie qui l'a connu étant enfant les évènements se précipitent. L'incendie de l'orphelinat où il était pensionnaire dans lequel cinq enfants ont été tué a t-il un rapport avec les macabres agissements du tueur qui visiblement tente de créer un être à partir des membres de ses victimes?
Définitivement lancé par Mario Bava au début des années 60 le giallo ou thriller à l'italienne à qui Dario Argento donna ensuite ses lettres de noblesse fut un des genres les plus prisés du cinéma transalpin, atteignant son âge d'or au milieu des années 70. Comme beaucoup d'autres styles cinématographiques le giallo entama un long déclin dés la fin de la décennie malgré les tentatives plus ou moins émérites de quelques réalisateurs qui tentèrent de lui insuffler une seconde vie. Efforts plus ou moins vains d'où de temps à autres émergèrent quelques petites surprises. Que restait il du giallo dans les années 2000 alors
que Argento ne parvenait plus à sortir la tête de l'eau (la poubelle?), que Lamberto Bava pataugeait dans la médiocrité? Pas grand chose si ce n'est une petite perle qui de temps en temps sortait du lot et venait nous étonner. C'est le cas de Occhi di cristallo de Eros Puglielli, jeune metteur en scène romain venu du court-métrage qui signait là son troisième film.
Surnommé l'Empailleur par la police un tueur particulièrement sadique sévit en ville. Le psychopathe a une méthode bien particulière de tuer ses victimes. Après les avoir massacré il semble suivre une démarche très précise en les mutilant. Plus étonnant il s'en prend
aussi aux animaux ce qui laisserait sous-entendre qu'il s'agit d'un chasseur ou d'un taxidermiste. L'inspecteur Giacomo Amaldi est chargé de l'affaire mais de douloureux évènements relatifs à son passé ressurgissent dés qu'il doit faire face à un violeur ou un harceleur. Cet étrange cas le met très mal à l'aise tant et si bien que son collègue, l'inspecteur Frese, se demande si Amaldi est apte à mener les investigations. Les deux inspecteurs doivent aussi apporter leur soutien à un de leurs collègues, le détective Ajaccio, atteint d'une tumeur au cerveau incurable. Parallèlement Amaldi accepte d'enquêter sur un cas de harcèlement téléphonique. Une jeune étudiante en anthropologie, Giuditta, est venue
porter plainte contre un mystérieux homme qui n'arrête pas de l'appeler et la menacer. Amaldi s'éprend doucement de Giuditta. Ils entament une relation amoureuse. Tandis que les meurtres continuent, toujours aussi sauvages, Ajaccio se met à avoir des hallucinations régulières où il se revoit enfant, prisonnier de l'incendie de son orphelinat qui couta la vie à cinq enfants et deux nonnes. Afin de cerner la personnalité du tueur Amaldi demande l'aide d'Avildsen, le professeur d'anthropologie de Giuditta. C'est alors que la jeune étudiante est kidnappée puis Ajaccio assassiné sur son lit d'hôpital. Il semblerait que ses visions de l'orphelinat en feu soient au centre de l'énigme. Elles auraient pu révéler le nom de
l'Empailleur. Amaldi réussit à faire le lien entre Giuditta et tous ces éléments. Il arrive à temps pour la sauver et doit maintenant faire face au psychopathe. Grâce à l'aide de la jeune fille il parvient à le tuer.
Sorti en Italie accompagné d'un gros battage publicitaire Occhi di cristallo, tiré du roman L'impagliatore, était annoncé comme la renaissance du genre. Ce n'est pas un mensonge ni même une affirmation exagérée mais bel et bien une (quasi) évidence. Le film de Puglielli se veut le digne héritier des oeuvres de Argento. Son ombre plane tout au long du métrage et nombreuses sont les références. Le tueur de Puglielli a tout du psychopathe
argentesque, du sadisme à la tenue vestimentaire (la silhouette gantée de noire) sans oublier le trauma qui le pousse à agir ainsi et certains de ses tics directement empruntés au meurtrier des Frissons de l'angoisse. Mais Argento n'est pas la seule référence de Puglielli, le jeune metteur en scène s'est inspiré de bien d'autres classiques tant d'hier que bien plus récents. En fait Occhi di cristallo est un véritable melting-pot de clins d'oeil. Puglielli reprend quelques unes des grandes lignes de La résidence de Serrador, il emprunte pas mal à Seven mais aussi à Zodiac, tout deux de David Fincher, et le final lorgne pas mal du coté de Psychose (est-ce étonnant) avec un soupçon de Lucio Fulci (Non si sevizia un paperino)
pour la chute vertigineuse du tueur (en images de synthèse). Puglielli connait ses classiques. En mélangeant tous ces éléments il concocte un giallo intéressant digne de la grande époque qui de prime abord surprend par sa violence et sa cruauté. En témoignent la longue scène d'ouverture, un triple meurtre d'une sauvagerie sidérante inspiré de Il mostro di Firenze, et quelques séquences assez audacieuses comme cette pauvre femme mutilée dont les membres ont été remplacés par ceux d'une marionnette. Hormis sa violence c'est aussi le ton maladif, dépressif, pour lequel a opté Puglielli qu'on retient. Occhi di cristallo est un film particulièrement sombre, macabre, glauque à l'image même des obsessions, de
la folie de son tueur psychopathe, une véritable machine à tuer qui suit un but très précis, reconstituer un être humain à partir des membres de ses victimes. Mais il n'est pas le seul personnage tourmenté. L'inspecteur chargé de mener l'enquête est un homme perturbé, hanté par son passé qui ressurgit régulièrement. On ne peut pas vraiment dire qu'il respire la joie de vivre même lorsqu'il entame une relation amoureuse avec la jeune étudiante terrifiée par un énigmatique harceleur. Le détective Ajaccio, un orphelin qui enfant a vécu un terrible drame, est en phase terminale et ne peux plus quitter son lit d'hôpital. L'ensemble est ponctué par les visions tragiques d'Ajaccio et les cauchemars du tueur (dont cette
femme qui découvre un sein qui s'avère empaillé!). Difficile de faire plus noir.
Malgré ses qualités Occhi di cristallo divisa fortement la critique qui lors de sa sortie en Italie le considéra comme un film particulièrement mauvais qui rendait très mal hommage au genre. Pourquoi un tel acharnement? En fait Puglielli n'a rien inventé et n'a fait que reprendre une recette éculée sans rien n'y apporter. Pour ceux qui connaissent les rouages du giallo le metteur en scène ne s'est guère foulé. Très vite ils auront compris les tenants et aboutissants de cette intrigue, deviné dès le milieu du métrage l'identité de l'assassin assez évidente. On peut aussi lui reprocher son manque de rigueur et d'avoir utilisé tous les tics du
cinéma de ce début de nouveau millénaire comme ces mouvements de caméra saccadés et névrotiques à la Saw ainsi qu'une esthétique très vidéoclipée. Le plus gros défaut du film pourrait cependant être l'utilisation d'images de synthèse pas très convaincantes comme cette cigogne (témoin du premier meurtre) plutôt ratée et les flashbacks de l'incendie de l'orphelinat. Bienvenue dans les années 2000! Ajoutons quelques répliques par moment idiotes, certaines invraisemblances et un final peu surprenant à qui il manque cette folie dans laquelle baignaient les meurtres, celle du tueur traumatisé à vie par les évènements survenus dans son enfance. On serait presque déçu d'autant plus que la découverte de cet
être recomposé censé être le clou du film est plus grotesque qu'effrayante. Les détracteurs du film pourront donc s'en donner à coeur joie.
Soyons néanmoins réalistes et surtout tolérants. Aussi prévisible et routinier soit-il Occhi di cristallo, tourné non pas en Italie mais à Sofia, est de loin supérieur à bien des productions d'alors et reste une agréable surprise qu'on soit amateur du genre ou simple novice. Certes on accroche ou pas à son coté très clipé mais comment ne pas être subjugué par sa violence graphique, envouté par l'atmosphère maladive, oppressante dans laquelle trempe cette histoire aussi macabre que malsaine, jubilé par tant de clins d'oeil à tous ces grands
classiques d'autant plus qu'on aura également le plaisir de retrouver Simon Andreu (Ajaccio), un des vétérans du cinéma espagnol, entouré ici par Luigi Lo Cascio, un acteur spécialisé dans la dramatique, à qui beaucoup reprochèrent d'être trop mono expressif dans le rôle de l'inspecteur Amaldi. Il change ici de registre et donne dans l'insolite, pas toujours convaincant mais il s'en tire cependant assez bien.
Occhi di cristallo est un retour au giallo fort honorable, un hommage sympathique qu'on prendra plaisir à découvrir et qui surtout ne mérite pas tout ce qui a pu être écrit dessus à l'époque. Puglielli copie certainement Argento mais il réussit là où justement Argento s'enfonçait encore et encore dans la fange pelliculaire. Voilà un giallo pour nostalgiques simplement revu de manière moderne à savourer avec tolérance.