Macédoine
Autres titres: Opération Macédoine / La femme sandwich / L'incredibile storia di Martha Dubois / Mujer de consumo
Réal: Jacques Scandelari
Année: 1971
Origine: France / Italie
Genre: Comédie
Durée: 77mn
Acteurs: Michèle Mercier, Bernard Fresson, Robert Webber, Pierre Brasseur, Cathy Rosier, Henri Piégay, Venantino Venantini, Xavier Gélin, Annette Poivre, Luigi Cortese, Clément Harari, Florence Blot, Olivier Hussenot, Henri Poirier, Hubert deschamps, Sylvie Bouladoux, Francis Lax, Raymond Buissières, Muse D'Albray...
Résumé: Une agence de publicité prépare une fracassante campagne nommée de façon énigmatique "Macédoine" basée sur un grand concours où se sont inscrites de nombreuses personnes. Partout en France on se demande ce que cache ce nom. Le jour J arrivé les français découvrent qu'il s'agit en fait la femme en tout point parfaite. La gagnante est une petite ouvrière de classe moyenne, Martha. Dés lors les promoteurs vont la transformer en créature de rêve, en star internationale modulable selon le désir de la masse au détriment de sa propre vie personnelle et sentimentale...
Du breton Jacques Scandelari on connait essentiellement sa version avant-gardiste aujourd'hui devenue rarissime si ce n'est invisible de La philosophie dans le boudoir de Sade, ses deux polars réalisés au début des années 80 et surtout son incursion dans le porno gay trash, sous le pseudonyme de Marvin Merkins, avec des oeuvres cultes parfumées à la sueur et au cuir chaud qui n'ont rien à envier aux meilleurs films américains: New-York inferno city, Homologues: La soif du mâle et Un couple moderne. On connait moins, beaucoup moins, son coté plus ludique, plus léger auquel il se laissa aller en 1971
à travers cette comédie sociale intitulée de manière bien mystérieuse Macédoine.
La jeune Martha Dubois est ouvrière. Elle travaille dans une usine qui met en tube du rouge à lèvres, un travail à la chaine morne et répétitif d'autant plus ennuyeux lorsque la machine qui entube tombe en panne. Un matin, excédée, elle manque de respect à sa chef qui la remet vertement à sa place. Dehors, dans tout Paris, tante n ville qu'à la radio et la télévision, une énigmatique campagne publicitaire baptisée Macédoine bat son plein. Tous les foyers tente de découvrir ce qui se cache ou qui se cache sous ce nom. Le grand jour est arrivé. Le mystère est enfin dévoilé. Macédoine est le prototype de la femme parfaite, idéale, dans tous
les sens du terme, crée par une grande agence publicitaire ultra moderne nommée Galassia dirigée par un directeur sans scrupule. Mais qui est donc cette femme parfaite, celle qui parmi toutes les candidatures reçues a été retenue? Martha a la surprise et le plaisir d'apprendre que c'est elle l'élue, une nouvelle qui n'est pas du gout de son fiancé Roger. Il n'était pas au courant qu'elle avait postulé au concours et n'apprécie guère que lors de son interview télévisée Martha ait dit qu'elle était célibataire. Il s'agit là d'une des nombreuses règles que Galassia va imposer à Martha. Elle sera ce qu'ils décideront. Sa vie est soudainement chamboulée. Elle devient une créature médiatique internationale, une
star créée de toutes pièces par des promoteurs sans scrupule qui offrent du rêve aux gens. Son couple ne résiste pas. Roger la quitte. Lors d'un voyage mondain elle s'entiche d'un milliardaire. Mais malgré la gloire, l'argent, le luxe Martha est malheureuse. Les choses simples et surtout le véritable amour lui manque. A sa mort Martha décide de tout abandonner. Elle brise son contrat et quitte sans regret l'agence.
On lit souvent que Macédoine fut le tout premier film mis en scène par Scandelari. Légère erreur! Sa première pellicule fut en fait La philosophie dans le boudoir qu'il tourna en 1969 mais le film ne sortit qu'en 1971 suite à de nombreux problèmes avec la censure avant
d'être rapidement retiré des circuits de distribution pour obscénités avant de ressortir en 1976 sous le titre Sade 76. Macédoine connu également sous le titre Opération Macédoine est donc son second film, une pellicule qui pourra déconcerter ceux qui connaissent le réalisateur via ses autres films.
Il s'agit d'une comédie satirique sur le monde de la publicité et le pouvoir médiatique qu'elle peut exercer sur la masse populaire. Scandelari aborde bien des thèmes: la perversité de la publicité et ses mécanismes qui de manière sournoise endorment, lobotomisent le peuple qui finit par "se robotiser" l'emmenant vers sa destruction, l'influence néfaste qu'elle peut
avoir sur des personnes lambda, scandales et rumeurs qui alimentent les média et au bout du compte la déshumanisation, l'argent comme principal moteur de notre monde moderne. La publicité crée des êtres parfaits modulables à volonté suivant les fluctuations, les demandes, les exigences du marché, de la société. Certains promoteurs n'ont pas peur de jouer avec la mort. Ils ne se donnent aucune limite, se jouant même de la mort en mettant au point des produits cosmétiques inspirés de faits divers tragiques (un meurtre). Elle est là pour soi-disant rendre l'être humain plus heureux, le faire vivre dans un monde parfait où tout s'achète mais au final est-il heureux? La réponse vient de Catherine elle même, en fin
de bande: "Dans la vie on peut tout acheter y compris une maison avec piscine mais on n'achète pas le bonheur". Même si on a tout l'homme ne peut vivre dans un univers dénué de tout amour, de tout sentiment. C'est la raison pour laquelle Martha préférera retourner à sa vie d'avant plutôt que de rester dans ce monde luxueux nourri de mensonges et d'illusions qu'on lui a servi sur un plateau d'argent.
Les sujets abondent, ils sont intéressants, très à la mode en ce tout début d'années 70 où la publicité, les médias explosent. Le cinéma s'en est régulièrement emparés avec bien plus d'originalité que Scandelari à qui on reprochera surtout de n'avoir pas vraiment su les
approfondir. L'ensemble reste un peu trop superficiel pour réellement fonctionner et faire réfléchir. Macédoine ne s'élève guère plus haut qu'une gentille fable sociale qui joue essentiellement sur son aspect comédie agrémenté d'une bonne dose de mélodrame et d'un zeste de science-fiction estampillé années 70 (l'animatrice radio transformée en créature de demain vêtue d'une combinaison garnies de loupiottes). Voilà ce qu'on retient de cette opération publicitaire nommée Macédoine, son coté délicieusement seventies, psychédélico-pop, tout ce visuel fabuleux de cette folle décennie, un vrai témoignage de ce qui se faisait alors en matière de mode et de design sans oublier le Paris version 1971 toujours si agréable à revoir.
Autre point d'intérêt du film sa distribution qui rassemble certains des grands noms du cinéma populaire d'alors, en tête Bernard Fresson dans le rôle du fiancé de Catherine aux cotés notamment de Raymond Buissière et Annette Poivre, Clément Harari, Claude Brasseur (le directeur), Francis Lax, Xavier Gélin, Muse D'Albray sans oublier Venantino Venantini, coproduction italienne oblige. On a même droit à nos Denise Fabre et Léon Zitrone nationaux dans leur propre rôle. Et c'est Michèle Mercier en version brune ici, l'inoubliable Angélique marquise des anges (Scandelari lui fait d'ailleurs un petit clin d'oeil lors du tournage d'un spot publicitaire), qui prête son corps à Martha, la femme parfaite, et
porte des tenues et perruques plus époustouflantes et psychédéliques les unes que les autres. Ah folie des années 70! La presse de l'époque ne se priva d'ailleurs pas d'encenser l'actrice plus sublime que jamais. Rien que pour elle le film se doit être vu.
Macédoine est une gentille petite satire sociale sur le monde de la publicité, du pouvoir et de l'argent dans notre société de consommation confectionnée certes de façon superficielle mais cependant intelligente, une comédie 70s au ton acide plutôt agréable à regarder et dont les thèmes sont toujours autant d'actualité.
On le sait les films de Scandelari sont aujourd'hui difficiles à trouver. Certains comme La
philosophie dans le boudoir sont de petits Graal pour collectionneurs avisés. Macédoine en fait également partie. Le film ne semble pas avoir eu un jour les honneurs d'une édition vidéo française (encore moins DVD) mais étrangement Macédoine est sorti il y a bien des années en DVD en Italie mais sans aucune piste française sous le titre L'incredibile storia di Martha Dubois. Que l'amateur se réjouisse donc et mette la main sur cette édition numérique. Pourquoi Martha Dubois? Catherine, l'héroïne dans la version originale, fut simplement rebaptisée ainsi par nos amis italiens.