Homologues ou la soif du mâle
Autres titres: Men's country
Real: Jacques Scandelari
Année: 1977
Origine: France
Genre: X
Durée: 90mn
Acteurs: Gérard Bonhomme, Ivan Leprince, Eric Guadagnan, Jean-Pierre Loupmon, Gino, Johnny, Ludo, Jean-Pierre, Mike, Marcelle, Mike Carton, Gabsi, Gianfranco Longhi...
Résumé: Gérard, un jeune et beau garçon viril, aimerait savoir s'il est plutôt dominant ou soumis, ce qu'il aime vraiment en sexe. De rendez-vous en rendez-vous, de plan en plan il va découvrir toutes les possibilités qu'offre le milieu homosexuel, attisant ainsi sa soif de sexe mais déchiré également entre le désir d'amour et son besoin insatiable de plaisirs charnels...
Originaire de Bretagne Jacques Scandelari signe son premier long métrage en 1969, La philosophie dans le boudoir, une sorte d'OVNI dans l'univers du cinéma érotique français d'alors, une oeuvre audacieuse tirée des écrits du Marquis De Sade qui secouera la censure obligeant le cinéaste à retirer certaines scènes jugées odieuses. Pour son deuxième film il s'oriente vers la comédie et signe en 1971 Macédoine avant de se tourner dés 1977, après la réalisation de quelques documentaires, vers le porno gay, un genre auquel il donnera deux gros classiques, deux titres incontournables du hardcore gay
français de la première heure, Homologues ou la soif du mâle et New-York city inferno.
Le réveil sonne. Gérard se lève, pisse dans le lavabo, se secoue le gland, se rase puis se fait couler un bain. Nous sommes samedi. Apprêté Gérard sort et se rend à l'adresse d'une petite annonce repérée dans Libération. Il se rend chez un homme. Gérard se demande s'il est soumis ou plutôt dominant. Il veut trouver la réponse à sa question à une époque où Sade n'a jamais été aussi présent. Commence alors pour Gérard toute une série d'aventures que le cinéaste se propose de nous faire suivre. Au fil de la journée et des suivantes le jeune homme multiplie les expériences. Un cuistot dans la cuisine de son petit
restaurant, le client d'un bar repéré alors qu'il joue au flipper, une boite gay où les corps à demi nus se déhanchent, un joli client qu'on ramène et baise sauvagement dans la voiture dans la boue sous la pluie avant de vivre une nuit de passion à l'abri dans une chambre. Gérard aurait-il trouvé l'amour? Trois loubards baisent dans le jardin de Marcelle la cartomancienne, en fait un travesti. Elle fait les lignes de la main de Gérard, lui prédit un bonheur entrecoupé qui finit par se briser, regarde par la fenêtre les voyous faire l'amour au milieu des chats et des chiens. Ils continuent leurs ébats sur le canapé de la voyante. Gérard s'en va, rejoint un de ses amants d'un jour entrain de baiser avec trois autres
hommes. Gérard tente de l'en empêcher et faillit pour se faire violer. Dégouté, il fuit à travers les rues de Paris. Les trois garçons se livrent à une partouze endiablée au son d'une musique lancinante qui n'est pas sans rappeler le One of these days du Floyd. Gérard retrouve le garçon de la boite et s'évade avec fuyant le sexe peut être au profit de l'amour.
Fasciné par Sade semble t-il puisqu'il l'avait mis en scène dans La philosophie dans le boudoir et y fera de nouveau référence dans New-York city inferno Scandelari pour son premier porno gay laisse l'ombre du Divin Marquis planer tout au long du métrage. "Jamais l'ombre de Sade n'a été aussi présente qu'aujourd'hui" dit une des voix off des intervenants.
"Nous sommes entrés dans l'ère de Sade, dans un monde où tous les plaisirs nous sollicitent" dit une autre voix. "Sade est de plus en plus présent, aucune de ses visions ne paraît plus impossible" commente Gérard. Le Marquis est bel et bien au centre de cette histoire, de ce film-réalité, ce pseudo documentaire qui tente de mettre en image les questions que se pose Gérard, beau jeune blond, viril, parfaite incarnation du mâle de cette fin d'années 70. Gérard a besoin de savoir s'il existe en lui un besoin de soumission ou de domination. "Je ne sais pas mais je vais savoir" dit-il en montant l'escalier qui mène à la chambre de son premier rendez-vous. Accompagné des fameux homologues annoncés par
le titre, les commentaires off d'anonymes qui évoquent, parlent de leur sexualité, Homologues ou la soif du mâle traite de cette dualité que connaissent beaucoup d'homosexuels déchirés entre la quête de l'amour, du couple, et la tentation, le désir dévorant de sexe, de découvrir, vivre, multiplier les plaisirs dans un milieu qui permet cette multiplicité et offre d'infinies possibilités. Tel un gémeau l'homosexuel a deux êtres en lui avec qui il doit vivre avant de découvrir sa vérité, trouver son équilibre sous peine d'être malheureux toute sa vie. Et c'est là que réside toute la difficulté. Mais c'est peut être aussi cette difficulté, ces choix qui donnent le courage de vivre.
Si Homologues c'est l'amour contre les plaisirs charnels c'est également un voyage comme le dit la cartomancienne, celui d'hommes qui découvrent, vivent pleinement leur sexualité dans une société où le sexe prend de plus en plus d'importance, où les tabous se brisent ou tentent d'être brisés. En ce sens le titre du film prend toute sa signification. La soif du mâle c'est la soif insatiable, inextinguible de sexe que le milieu gay permet d'étancher grâce aux infinies possibilités de rencontres ('Y a trop de mecs dans le milieu pour tomber amoureux" dit un témoin, "J'ai 20 ans et j'ai du rencontrer 900 mecs, un peu plus un peu moins" confesse un garçon) et un impressionnant éventail de pratiques sexuelles que
Sade, plus présent que jamais dans notre monde contemporain, n'aurait pas renié. Multiplier les aventures, les expériences, se dépasser, aller toujours plus loin dans l'escalade, être de plus en plus exigeant, vivre ses pulsions, ses fantasmes sans gêne ni chaine au sens figuré du terme même si elles peuvent aussi être présentes au sens propre, assouvir ses désirs qu'on apprend à découvrir comme savoir si on a besoin de soumission ou de domination. L'esprit du marquis est en totale adéquation avec notre époque, avec le milieu homosexuel que Scandelari illustre, met en scène dans un voyage à travers Paris filmé de manière presque clandestine. Sa caméra suit son personnage central dans ses
séances de baise au gré de ses pérégrinations, recueille les coïncidences d'anonymes, homos, bis ou hétéros. "Je ne prend mon pied qu'avec des mecs qui ne sont pas pédés" affirme un de ces témoins. "Les femmes aiment aussi se faire enculer" affirme un autre, "A 5 ans j'avais des tendances sadomaso avec ma petite soeur, à 12 ans je bandais quand je me foutais à poil dans les vestiaires avec les petits jeunes eux aussi à poil, aujourd'hui quand je vois un beau mec dans le métro je me retourne, les bonnes femmes j'en ai rien à foutre. Je préfère aimer un mec. Esthétiquement un mec c'est pus beau qu'une bonne femme." confesse un troisième. "Y a des mecs qui aiment se foutre un doigt dans le cul
pour jouir plus vite et désirent avoir des rapports avec des garçons même en secret. Pour les garder car elles les aiment leur femme sont obligés de leur mettre un doigt" remarque un quatrième. Tous ces témoignages déclinés dans le langage fleuri du quotidien sont le constat de la diversité des gouts, des tendances, des penchants sexuels de l'homme, du mâle qui en parle à coeur ouvert sous couvert de l'anonymat.
Beaucoup moins trash que dans New-York city inferno les scènes pornographiques qui composent les trois quart du métrage sans être forcément percutantes font cependant toute mouche, filmées de façon presque clandestine en caméra espion, toujours dans un souci
de pseudo documentaire. Il pénètre l'intimité de ses protagonistes et place son public en position de voyeur jouissif (l'éblouissante et fantasmatique séquence d'ouverture avec ce gros plan sur le sexe de Gérard qui pisse dans le lavabo puis prend son bain... le quotidien de tout vrai mâle qui comblera de bonheur les urophiles). Mais on retiendra surtout celle où dans les cuisines d'un restaurant Gérard donne du plaisir au cuistot qui nu sous son tablier se laisse pénétrer par divers fruits et légumes phalliques traditionnels (bananes, carotte, concombre) ou plus inhabituels voire insolites, un bel artichaut qui sans mal s'enfonce dans son intimité culienne avant que Gérard ne le sodomise et éjacule sur une tarte aux fraises
qu'il servira à une innocente cliente. C'est du sexe viril, direct, fort, parfois crasse (les ébats sur le sol boueux), celui qui sent la transpiration et les phéromones, que nous offre le cinéaste qui caresse, visite ces superbes phallus et fessiers musclés dont il multiplie les gros plans. On se rencontre, on s'empoigne, on se prend, on se quitte. La soif du mâle c'est enchainer sodomies, 69 gourmands, anulingus et fellations ce qui n'exclut pas une part d'onirisme teintée d'un zeste d'homo-érotisme bucolique (les jeunes loubards nus dans le parc, s'aimant en groupe lors de jolis ralentis ou ces mêmes anges des rues s'ébattant dans le jardin de Marcelle au milieu des chats et des chiens qui, observateurs, viennent par
instant lécher le corps nu des voyous lorsqu'ils n'aboient pas ou ne se lavent pas, impassibles), une manière de filmer quelques instants de bonheur, de paix, peut être d'amour même furtif dans un univers de chair.
Tourné dans le Paris de cette fin de décennie qu'on prend toujours grand plaisir à revoir Homologies ou la soif du mâle devrait également satisfaire tous les amateurs de beauté masculine estampillée années 70. Jeunes loubards aux cheveux longs, à la peau négligée, hommes moustachus aux muscles bandés vêtus de ces fameux petits shorts de satin coloré et grosses chaussettes de sport, de jean moulant sous lequel on ne portait pas
souvent de slip et si on en mettait il était de préférence blanc.. De quoi étourdir nos sens même si on sait que malheureusement une partie du casting est aujourd'hui disparue. Gérard Bonhomme (Gérard le principal interprète) dont ce fut l'unique film est mort jeune, emporté à la fin des années 80 par la première vague du Sida.
Joliment photographié par le réalisateur (Eric à New York, A la recherche de Douglas) et producteur (Johan... ) François About, disparu des écrans depuis sa sortie en 1977 avant une projection exceptionnelle à la cinémathèque en 2016, Homologues ou la soif du mâle fait aujourd'hui partie des grands classiques de l'âge d'or du porno gay français, un petit
bijou du hardcore vintage époque pré condom, cette ère bénie où tout était permis en gardant à l'esprit comme le rappelle Gérard la chance d'avoir la liberté de pouvoir faire l'amour à d'autres hommes alors que dans certains pays avoir une relation homosexuelle est encore puni de la peine de mort.
Avec La philosophie dans le boudoir Scandelari prouvait qu'il était non seulement un élément essentiel de l'érotisme français des années 70 mais avec Homologues puis New-York city inferno qu'il est aussi un des piliers de la pornographie gay tricolore aux cotés
notamment de Jean-Etienne Siri, Norbert Terry, Lionel Soukaz et Benoit Achenoul. Il serait grand temps que des éditeurs rendent enfin hommage au cinéaste en sortant l'intégralité de son oeuvre restée scandaleusement inédite, oubliée, perdue au fond de quelque tiroir.
La soif du mâle ou comment assouvir notre insatiable faim de mâles, un film s'il y avait une morale à en retenir serait celle contenue dans cette magnifique et si juste réflexion d'un des anonyme: On n'en a rien à foutre des bonnes femmes. Il n'y a rien de plus beau qu'un p'tit mec!