La gabbia
Autres titres: L'enchainé / Collector's item / Dead fright / The trap / La jaula / Der Käfig
Réal: Giuseppe Patroni Griffi
Année: 1985
Origine: Italie / Espagne
Genre: Drame érotique
Durée: 98mn
Acteurs: Laura Antonelli, Tony Musante, Florinda Bolkan, Blanca Marsillach, Cristina Marsillach, Laura Troschel, José Maria Bastos, Achille Brugnini, Manuel Tienda...
Résumé: Vingt ans après qu'il l'ait abandonné du jour au lendemain une femme, Marie, aujourd'hui mère d'une fille de 15 ans, retrouve Michael, son amant avec qui elle a vécu jadis une passion torride. Elle habite sur le même palier qu Hélène, la nouvelle maitresse de Michael. Marie ne s'est jamais remise de son départ et a lentement sombré dans la folie. Elle profite de l'absence d'Hélène pour kidnapper Michael et l'enchainer nu à son lit. Ainsi attaché il ne pourra plus jamais la quitter. Marie va pouvoir profiter du pauvre homme tandis que sa fille va satisfaire avec lui ses désirs d'adolescente...
Ecrivain, scénariste, réalisateur, Giuseppe Patroni Griffi qui longtemps fut le compagnon du metteur en scène Aldo Terlizzi partagea sa vie entre théâtre et cinéma. Il fit ses débuts au grand écran en 1962 avec Il mare, un drame méconnu mettant en scène un triangle amoureux composé d'un acteur qui entretient une relation ambigüe avec un jeune garçon alcoolique auxquels va se joindre une femme libre sexuellement désinhibée. Avec ce film oublié Patroni Griffi posait les bases de son cinéma, à savoir des drames érotiques souvent morbides, malsains. Ainsi suivront les tout aussi méconnus Disons un soir à diner, Dommage qu'elle soit une putain, Identikit, Divine créature puis enfin La Gabbia en 1985, son ultime film sorti discrètement en France l'année suivante sous le titre L'enchainé.
Paris - Michael, un homme d'affaires, a une aventure avec Hélène, une femme mariée mère d'un petit garçon. Il aimerait que sa maitresse quitte enfin son mari mais elle préfère passer Noël avec son fils en lui promettant qu'après les Fêtes tout sera bien plus facile. Elle le quitte quelques jours pour aller chez la grand-mère de son petit garçon. Elle le laisse occuper son appartement parisien. Alors qu'il l'accompagnait à sa voiture Michael croise sa voisine de palier, l'énigmatique Marie. Il croit reconnaitre en elle une femme qu'il a jadis connu mais ce ne peut être qu'une coïncidence. Il s'agit pourtant bel et bien de Marie. Michael renoue avec elle et fait la connaissance de sa fille Jacqueline, 15 ans. Quelques vingt années plus tôt Marie fut son amante. Tous deux ont vécu une folle passion amoureuse agrémentée de jeux sadomasochistes. Puis un jour Michael l'a quitté, sans prévenir et n'a plus jamais donné signe de vie. Marie ne l'a jamais oublié et a vécu ces quinze années comme une longue souffrance qui l'a fait basculer dans une irréversible folie. Lorsqu'elle l'a retrouvé elle s'est installée dans l'immeuble de sa maitresse afin de les épier. Hélène partie Marie est bien décidée à le récupérer. Elle l'invite un soir chez elle, le drogue et l'attache nu aux barreaux de son lit. Si au départ Michael pense qu'il s'agit d'un jeu sexuel il comprend très vite qu'il est son prisonnier. Elle entend bien le garder pour elle seule, tout faire pour que plus jamais il ne la quitte. S'il est victime de la folie d'une femme totalement névrosée il est aussi à la merci de Jacqueline qui durant toutes ces années a accompagné sa mère dans sa folie. Marie n'avait pas prévu que sa fille soit elle aussi attirée par Michael. Une jalousie morbide s'installe entre la mère et la fille jusqu'au jour où Michael parvient à enlever ses liens. Malheureusement au moment où il allait sortir de l'appartement Marie arrive et le poignarde. Gravement blessé elle refuse cependant de le laisser aller à l'hôpital et tente de le soigner
au mieux. Pendant ce temps de plus en plus inquiète du silence de son amant Hélène décide de rentrer chez elle avec son fils. A bout de force Michael qui a entendu Hélène revenir à leur appartement tente dans un ultime effort de s'enfuir. Souffrant le martyr il s'effondre. Jacqueline et sa mère se battent pour Michael après que Marie, furieuse, ait compris que sa fille est amoureuse de son amant. Jacqueline maitrise sa mère qu'elle ligote au lit. La fille est encore plus folle que la mère. Au même moment Hélène grâce à son fils se remémore un détail qui l'a fait frémir d'effroi. Elle se précipite chez Marie. Mais n'est-il pas trop tard?
Avant toute chose il est intéressant de revenir sur la genèse de ce film qui au départ devait
être tourné par Lucio Fulci. Fulci avait contacté le scénariste Roberto Leoni pour qu'il lui écrive le premier jet d'un scénario imaginé par Francesco Barilli, celui d'une adolescente de 17 ans abandonnée lors d'un séjour à la mer par son amant, un play-boy bien plus âgé qu'elle. Vingt ans plus tard l'adolescente devenue femme retrouve par hasard l'homme et compte se venger du mal qui lui a fait. Leoni ne trouvait pas le scénario assez fort et avec l'aide de Fulci le transforma en une histoire morbide, celle d'une enfant de 14 ans qui est violée par l'homme qu'elle a surpris entrain de faire l'amour à une femme. Si l'homme lui jure qu'il restera avec elle il disparait dés le lendemain laissant l'adolescente traumatisée et
folle de rage. Du viol naitra un enfant. Vingt ans plus tard elle retrouve l'homme à qui elle va faire payer sa traitrise. Tout était parfait sauf que le producteur Ettore Spagnuolo évinça Fulci de la réalisation et la donna à Patroni Griffi. Leoni par correction se retira du projet qui allait connaitre de nombreuses transformations et devenir le film tel que nous le connaissons. Fulci tournera l'année suivante Le miel du diable qui outre la présence de Blanca Marsillach contient de nombreuses similitudes avec La gabbia et .
Et ce sont peut être ces remaniements qui font que La gabbia laisse un sentiment mitigé une fois le rideau de fin baissé. On retrouve donc le triangle amoureux habituel sur lequel va
se tisser cette histoire de vengeance née d'une passion qui vit le jour quinze ans plus tôt entre un homme apparemment volage et une séduisante adolescente à qui les jeux fétichistes ne font pas peur. Le départ impromptu de l'amant va faire sombrer la jeune fille dans une irréversible folie qu'elle va communiquer à sa fille. Plus qu'un film sur la vengeance d'une femme abandonnée La gabbia est un film sur une profonde névrose, une folie qui au fil du temps a fait perdre toute notion de réalité à cette femme trahie, une folie d'autant plus contagieuse qu'elle fait également plonger sa fille, une adolescente qui a grandi dans cette atmosphère morbide, malsaine. Mère et fille ne font plus qu'une, l'une
dominante, l'autre soumise jusqu'à ce que lentement les rôles s'inversent lorsque l'adolescente s'éprend de Michael et n'a de cesse de vouloir se comparer à sa mère afin qu'il l'aime elle aussi. Au milieu il y a cet homme qui n'a rien de très sympathique, un séducteur peu fidèle, égoïste qui se retrouve enchainé nu à un lit, à la merci de ses bourreaux pour qui il devient une sorte de jouet sexuel, d'homme-objet qui pour se libérer de son calvaire va tenter d'amadouer son ex-amante et séduire sa fille. Le scénario fait penser à Disons un soir à diner dont il reprend le thème mais là où le film brillait La gabbia échoue plus ou moins faute d'une part à une réalisation un peu trop monotone, hésitante, pas
forcément convaincante et une intrigue trop incohérente sur de nombreux points. Difficile d'adhérer à cette histoire de vengeance très cliché tant elle accumule les invraisemblances, le point de départ étant lui même déjà énorme, et les situations peu crédibles. On décroche rapidement pour finalement ne garder que l'aspect érotique du film même si Patroni Griffi ne dépasse jamais les limites d'un érotisme BCBG tout en essayant d'entretenir l'aspect trashouille que l'intrigue exigeait par le biais de quelques scènes un brin voyeuristes (la masturbation de Marie, celle où cette dernière en pleine démence barbouille le corps de Michael de saumon et de foie gras...) mais on reste définitivement dans le softcore de luxe.
De ce huis-clos psychanalytique et passionnel aux limbes de la folie on aurait aimé un peu plus de conviction, de puissance, de montée dramatique. Si on peut comprendre les raisons de Marie difficile de rentrer dans son personnage, de l'aimer ou la détester (ce qui est bien plus facile avec Michael) à l'instar de sa fille. Pour un drame psychanalytique La gabbia manque sincèrement de psychologie. Les personnages sont dessinés à gros traits de crayon tandis que les flashes-back qui aident à comprendre l'itinéraire de Marie tombent totalement à l'eau lorsqu'ils ne sont pas simplement ridicules, un défaut que souligne et regrette encore aujourd'hui Roberto Leoni. Quant à la dernière partie du film elle est
purement décevante. Si on peut passer outre quelques excès (les deux femmes qui recousent à vif la blessure de Michael) le final est bien trop approximatif pour qu'on puisse passer l'éponge. Il donne l'impression que Patroni Griffi est à cours d'idée et doit boucler son intrigue. Il invente donc cette histoire de cerf-volant grotesque et de permis de conduire si énorme qu'on peine à croire qu'elle fasse partie du même film qui se transforme alors en grand n'importe quoi. Les ultimes images qui donnent sur une fin ouverte ne font que renforcer la déception. Tout ça pour une telle conclusion!
L'interprétation elle non plus n'est pas très puissante et manque de conviction. Après Divine créature, Patroni Griffi retrouve Laura Antonelli alors en pleine tourmente psychologique.
Sa carrière en net déclin depuis déjà quelques années, elle a perdu de sa splendeur passée mais elle reste professionnelle, fait encore illusion, a quelques jolies scènes mais il lui manque ce petit truc qui aurait tout changé. Tony Musante n'a rien d'un Dom Juan. Il est assez fade même s'il reste lui aussi professionnel. Le gros hic vient surtout des soeurs Marsillach qui toutes deux échouent dans leur rôle. Si Blanca (Jacqueline) n'est jamais très crédible dans le rôle de la fille de Laura Antonelli, Cristina (Terreur à l'opéra) est parfaitement ridicule dans la peau de Marie jeune lors des flashes-back. Elle n'a plus rien d'une adolescente de 14 ans, ni le corps ni l'innocence. Quant à Florinda Bolkan (Hélène)
elle s'efface très vite pour ne revenir qu'à la fin en surjouant l'angoisse.
Rythmé par une musique peu inspirée signée Ennio Morricone La gabbia avait tous les éléments pour être un excellent thriller érotique psychanalytique morbide. Dénuée d'amour et de sexe, uniquement mue par la haine, la jalousie, la frustration, cette pellicule aurait facilement pu devenir un cocktail aussi méphitique que sulfureux. Faute à un scénario improbable, une réalisation trop mitigée et un manque de conviction général cet Enchainé ne se hisse guère plus haut qu'un simple drame érotique malsain et voyeuriste certes divertissant, parfait pour se rincer l'oeil, mais décevant tant dans le fond que dans la forme. Semi échec ou demi réussite à La gabbia certains lui préféreront Le miel du diable.