El sacerdote
Autres titres: Le prêtre / The priest
Real: Eloy De La Iglesia
Année: 1977
Origine: Espagne
Genre: Drame
Durée: 96mn
Acteurs: Simón Andreu, Emilio Gutiérrez Caba, José Franco, Ramón Reparaz, Ramón Pons, Martín Garrido, Emilio Soriano, Fabián Conde, Queta Claver...
Résumé: Espagne -1966. Alors que le référendum franquiste est au coeur de l'actualité le père Miguel, un prêtre conservateur, doit se battre contre ses démons intérieurs. Il ne parvient plus à réfréner ses désirs sexuels qui le perturbent de plus en plus et remettent en cause sa foi et son serment. Il tente en vain de trouver de l'aide auprès de ses confrères notamment le père Luis et le père Alfonso mais aucun ne parvient réellement à l'aider. Il tombe amoureux d'une femme mariée, une relation qui très vite va l'amener à se mortifier de manière particulièrement cruelle. Tout bascule lorsqu'il retourne dans son village natal où il revit son passé douloureux. Il finit par se castrer...
Peu connu en France l'espagnol Eloy De La Iglesia tient pourtant une place prépondérante dans l'histoire du cinéma ibérique de par la liberté d'expression qui caractérise une carrière qui s'étend sur plus de trente ans. Ouvertement contre toute forme d'interdits moraux, sexuels et politiques De La Iglesia se fit surtout connaitre au milieu des années 70 durant la période de transition qui suivit la mort de Franco et la fin son régime dictatorial en mettant en scène toute une série de films évoquant des sujets graves tels la violence et drogue, l'homosexualité, le terrorisme... des oeuvres fortes qui en leur temps firent frémir la censure
dans une Espagne qui très souvent le pointa du doigt. A la chute de Franco il mit en scène une trilogie de films gays aujourd'hui culte composée de Los placeres ocultos, El diputado et El sacerdote trois films mettant en scène un personnage de la haute société en proie à des désirs homosexuels encore réprimés par la loi pour de jeunes gigolos et autres petits prostitués issus du prolétariat. Après le choc que furent Placeres ocultos et El diputado c'est une bombe que De La Iglesia met cette fois en scène avec l'histoire d'un prêtre tourmenté par l'appel de la chair, en proie à des désirs sexuels infâmes qu'il ne peut réfréner jusqu'à le faire sombrer dans un tourbillon auto destructeur d'une impressionnante violence.
1966. Alors que le référendum de Franco bat son plein le père Miguel, un prêtre conservateur de 36 ans, se bat contre ses déments intérieurs qui l'assaillent de plus en plus souvent. Il n'arrive plus à réfréner ses désirs sexuels qui le perturbent de plus en plus et remettent profondément en cause sa foi. Hanté par d'infâmes hallucinations dans lesquelles il se voit faire l'amour à des femmes, désirer des hommes mais aussi des enfants il tente de trouver de l'aide auprès de ses confrères notamment le père Alfonso, le père Luis proche des prêtres ouvriers et le père Angel, un prêtre moderne aux idées très libres qui finira par se marier. Aucun ne réussit cependant à l'aider. Miguel tombe amoureux d'une femme mariée,
Irene, une relation, qui le détruit encore plus puisqu'il ne peut la vivre pleinement. Il en vient à se mortifier cruellement en s'infligeant des souffrances physiques d'une incroyable barbarie. A sa sortie de l'hôpital sa descente aux enfers ne cesse de se poursuivre. Ne pouvant résister aux plaisirs de la chair il se paie une prostituée mais il ne peut assumer sa virilité. Il part alors voir sa mère dans le village qui l'a vu naitre, un retour aux sources durant lequel il revit son enfance partagé entre un père traditionaliste anti clérical qui n'a jamais accepté la décision de son fils et le fouettait dés qu'il parlait de sexe, ses petits camarades en plein éveil sexuel qui s'adonnaient à des jeux interdits contre nature et sa mère débordant d'amour.
Ce violent retour dans un passé qui a conditionné ce qu'il est devenu finit par le détruire. Il parvient à faire l'amour à Irene mais ne pouvant plus supporter ses envies maladives de sexe il finit par se castrer le soir de Noël. Sauvé de justesse Miguel sortira de l'hôpital enfin en paix avec lui même.
Après avoir visité les milieux de la finance avec son banquier qui vit son homosexualité en fréquentant anonymement de jeunes gigolos et petits prostitués, avant de se plonger dans le monde de la politique avec un politicien en vue amoureux d'un jeune prostitué qui le mènera à sa chute Eloy De La Iglesia choisit de nous immerger dans une autre caste sociale, celle
du clergé qui avait encore une très forte emprise sur le peuple même si les premiers courants libertaires commençaient lentement à poindre leur nez dans l'Espagne des années 60. Contrairement aux deux autres films de la trilogie situés dans l'Espagne post franquiste El sacerdote se déroule entre 1964 et 1968 en plein référendum franquiste lorsque les prêtres commencent à abandonner la soutane pour le clergyman. Pilier du régime franquiste l’Église avait main mise sur la population à travers les messes, les écoles privées et les médias. C'est dans ce contexte révolutionnaire compliqué où certains prêtres commencent à se dresser contre la dictature que le cinéaste fait évoluer son personnage principal, ce père
conservateur (il est en soutane) à la sexualité refoulée, symbole de cet appel à la chair, l'instinct sexuel de l'Homme, qui s'impose à la foi mettant ainsi en danger les bases mêmes du catholicisme.
La chair contre l'esprit. De La Iglesia n'a pas choisi le plus facile des sujets et sa vision des choses explose tous les tabous religieux et moraux d'une société encore prisonnière de ses carcans. El sacerdote ne put en son temps que choquer et provoquer une onde sismique responsable de son rejet auprès de la critique et du public, abasourdi par un tel déballage d'hérésies. En devenant prêtre Miguel a renoncé à sa nature humaine, à toute vie normale, ce
qui signifie sacrifier sa sexualité au profit de Dieu (chasteté), renoncer à toute forme de désirs charnels. Lorsque sa sexualité se réveille c'est tout son être qui s'en trouve bouleversé. Commence alors pour lui une véritable bataille, un calvaire sans fin pour lutter contre ses instincts sexuels de plus en plus forts et destructeurs que le réalisateur va mettre en images dans toute une série de séquences souvent hallucinantes, provocatrices, immorales, abjectes illustrant graphiquement adultère, masturbation, luxure, prostitution, fornication, homosexualité, inceste, polygamie, concubinage, pornographie, pédophilie, zoophilie... Au vu de certaines scènes on pourra aisément comprendre le choc que put être El
sacerdote à l'époque de sortie. Du père Miguel se masturbant face à l'autel où une femme en petite culotte s'enduit le corps d'huile à ses désirs pédophiles face à un enfant de huit ans dont De La Iglesia filme l'entre jambe, des terribles hallucinations de fornications (un mari sodomisant en plein banquet sa femme face à leur jeune fils) qui hantent son esprit tourmenté aux abominations qu'il inflige à son corps (flagellation, le corset de barbelés qui enserre sa poitrine) c'est une véritable escalade dans l'abjecte et la souffrance tant physique que psychique auquel assiste le spectateur. Et une partie des raisons pour lesquelles le père Miguel en est arrivé à un tel degré d'auto destruction trouve leurs origines dans son
enfance qu'on revit à travers un flash-back lorsqu'il rend visite à sa mère, incarnation d'une Espagne rurale, dans son village natal. C'est l'occasion pour De La Iglesia de nous faire découvrir son père, un anti clérical convaincu, anti franquiste, un républicain féroce qui s'oppose fermement à sa femme et surtout à la décision de son fils encore adolescent d'entrer au séminaire ou la première étape de la castration psychique de Miguel. C'est l'occasion aussi pour le spectateur de découvrir l'apprentissage de la sexualité de cet adolescent auprès de ses amis, une bande d'une dizaine de pré ados qu'on voit batifoler entièrement nus près de la rivière, prêts à comparer et mesurer leur sexe. Celui qui a le
pénis le plus long devra pénétrer une oie devant ses camarades, une scène étonnamment graphique et détaillée totalement impensable aujourd'hui qui en son temps dut donner aux plus moralistes de formidables haut le coeur. Comment pourrait-on imaginer de nos jours une scène de zoophilie explicite interprétée par des adolescents? C'est en tout cas de manière brutale, animale, à travers ce spectacle contre-nature que, dégouté, Miguel découvre la sexualité. On ne parle ni sexualité ni religion à la maison, des sujets que son père punit en fouettant son fils cul nu, une nouvelle occasion pour le cinéaste de déshabiller son jeune interprète. A la mort de ce dernier Miguel rentrera au séminaire où se poursuivra son long
processus de castration psychique qui au fil du temps prendra une tournure plus en plus brutale et destructive. Ce processus ne pourra s'achever que dans une castration cette fois physique lors d'une inoubliable séquence, très certainement une des plus insoutenables et douloureuses jamais filmées jusqu'alors. Nu dans sa chambre, Miguel, se tranche le pénis à l'aide d'un énorme sécateur. Une façon radicale de mettre définitivement fin à ses névroses.
El sacerdote est une oeuvre difficile, complexe,un vertigineux plongeon au coeur même des tourments les plus sombres, des turpitudes d'un prêtre sexuellement névrosé dans une
Espagne déchirée par les querelles théologico-politiques, magnifiquement bien interprétée par une brochette d'acteurs de renom, Simon Andreu en tête dans le rôle du Père Miguel. Andreudont on découvre le sexe dans ses moindres détails avait déjà été l'année précédente au générique de Los placeres ocultos dans lequel il campait ce banquier homosexuel amoureux d'un jeune gigolo. A ses cotés on retrouve l'excellent Emilio Gutteriez Caba dans un de ses meilleurs rôles, José Franco, Ramon Reparaz, Ramon Pons et la grande Queta Claver dans le rôle de la mère de Miguel.
Toujours aussi controversé et incompris aujourd'hui, le second film de cette trilogie "sexuelle" est un véritable choc, un coup de poing dans l'estomac qui risque d'en mettre plus d'un mal à
l'aise, mais c'est surtout un film brillant, intelligent sur ce qu'est surtout et avant tout l'Eglise qui aujourd'hui encore n'a rien perdu de la férocité de son discours. C'est également le parfait témoignage d'un certain cinéma espagnol post franquiste avec tous ses débordements, ses excès, ses audaces que même l'Italie n'aurait pas osé, le type de pellicule auquel on ne pourrait même plus penser une seule seconde de nos jours sans être cloué au pilori de toutes les ligues moralistes, humanitaires, religieuses, politiques de l'univers, emprisonné à vie pour obscénités aggravées envers ces sacro-saintes bonnes
moeurs. Masturbation, nudité pré adolescente frontale, zoophilie avec mineurs, castration, propos profondément hérétiques (Jésus est né d'une relation sexuelle affirme le père Luis, le discours de Miguel face au Christ sur la croix juste avant qu'il ne s'émascule) sont la preuve foudroyante de cette incroyable liberté d'expression qui donna quelques uns des films les plus forts de cette fin de décennie et de la décennie suivante.
Quelles incroyables et si magnifiques années 70. Quelles tristes et pathétiques années 2000. Reste à savoir si la pauvre oie s'est remise de cette juvénile copulation. Quelle ne fut pas sa chance!