La corea
Autres titres:
Real: Pedro Olea
Année: 1976
Origine: Espagne
Genre: Drame
Durée: 90mn
Acteurs: Angel Pardo, Gonzalo De Castro, Queta Claver, Cristina Galbo, Encarna Paso, Dean Selmier, José Luis Alexandre, David Thomson, Mimi Munoz, José Franco, Emilio Fornet, Francisco Camoiras, Paco Catala, Marcial Gomez...
Résumé: Toni, 17 ans, quitte son village natal pour tenter sa chance à Madrid. Son ami Paco le met en relation avec une femme d'un certain âge, Charo, surnommée La Corea. Elle fait des garçons qui lui sont envoyés des gigolos pour femmes mûres. Elle les met aussi en relation avec des américains installés à la base militaire de Torrejon à qui ils offrent leurs corps. Charo s'éprend de Toni avec qui elle est entretient une relation quasi maternelle à la grande colère de Sebas, son ex-petit protégé...
Après avoir réussi ses études en cinéma le basque Pedro Olea débute sa carrière de metteur en scène à la fin des années 60 à la télévision en réalisant plusieurs documentaires. Il va par la suite s'engager dans un cinéma populaire souvent audacieux puisqu'il va traiter de sujets souvent graves voire tabou dont l'homosexualité, la drogue et la violence sans pour autant délaisser un cinéma plus universel. Il évitera cependant de dépasser certaines limites afin d'éviter tout scandale dans l'Espagne franquiste lorsqu'il traitera de certains thèmes délicats. Peu connu en France on doit à Pedro Olea quelques
classiques du cinéma ibérique tels que La Forêt au Loup, La maison sans frontière ou encore Un Homme surnommé Fleur d'Automne. Inédit sous nos cieux La Corea réalisé en 1976, resté inédit dans nos contrées, est un drame social adolescent qui débute là où se terminait le précédent film du metteur en scène, Pim, pam, pum... fuego!, sur le quai d'une gare où les protagonistes du film négocient de manière anonyme. Ils ne réapparaitront plus et laisseront place au nouvel héros de ce nouveau long-métrage qui n'a aucun lien avec Pim, pam, pum..., une manière originale de simplement jeter son adolescent au coeur de Madrid comme il l'avait fait avec l'héroïne de son avant-dernier film.
Toni a 17 ans. Il vient de quitter son village natal afin de tenter sa chance à Madrid, la ville où tout est possible. Il y retrouve un copain, Paco, un peu plus âgé que lui, qui avait quelques temps plus tôt, comme bien d'autres jeunes espagnols venus des campagnes, choisi de trouver fortune dans la capitale. Dés son arrivée Paco lui présente Charo, surnommée La Corea, une sexagénaire notoire qui s'occupe de trouver du travail à tous ces adolescents. Charo est surtout et avant tout une sorte de mère maquerelle qui vend ces jeunes à de belles femmes mais aussi à des hommes notamment ceux de la base militaire américaine de Torrejon de Ardoz. Paco a depuis longtemps été perverti par La Corea et les gens peu
recommandables qu'il fréquente notamment un vieux couple d'homosexuels américains. Séduite par la beauté de Toni qui lui rappelle son fils La Corea s'éprend de lui et en fait son favori. Cette relation n'est absolument du gout de Sebas son ex-petit protégé qui voit d'un très mauvais oeil que Toni lui vole sa place. Il le menace et lui demande de couper tout lien avec La Corea mais Toni s'y refuse afin de ne pas se retrouver à la rue. Tout bascule une nuit à la base de Torrejon. Paco présente Toni au couple d'homosexuels. Alors que Toni s'apprête à offrir son corps à l'un deux la police débarque. Toni et Paco parviennent à fuir de Torrejon mais Paco fait une chute mortelle. Toni se retrouve seul. Alors qu'il prend le métro Sebas et
sa bande l'agressent et le tue.
L'histoire de Toni est une fois plus le parcours typique du jeune un peu naïf, bien intentionné, plein de rêve et de bonne volonté, qui pense trouver le bonheur et surtout vivre correctement sa vie dans les grandes villes. Toni à l'instar du héros de Macadam cowboy a quitté sa campagne et rejoint Madrid, ville de tous les espoirs, qui va le grignoter doucement, le pervertir, le débaucher, le perdre comme la capitale a déjà dévoré son ami Paco qui se prostitue, joue les gigolos, évolue dans des milieux peu fréquentables. Toni va lui aussi s'y laisser prendre et devenir gigolo en se spécialisant dans les femmes d'un certain âge tout
en fréquentant la jeune Vicky. Elle est la seule personne en qui il peut avoir confiance, en qui trouver un certain équilibre même si leur amour reste platonique.
Au milieu de cet univers sordide il y a La Corea qui telle une araignée étend sa toile sur tout Madrid afin d'y piéger ses jeunes proies. Elle gère depuis des années ce microcosme régi par les pulsions sexuelles de clients et clientes pervers et ne s'attendait pas à se prendre d'affection pour l'adolescent, n'hésitant à remplacer son petit protégé par ce garçon qui lui rappelle son fils disparu et tant d'années de souffrance et de solitude. Elle devient une sorte de mère de substitution, entretient avec lui une relation trouble qui la met en danger comme
ne cesse de lui rappeler Encarna, son bras droit. Mais c'est surtout Toni qu'elle met en danger en le soumettant à la colère de son ex-petit préféré, le vindicatif Sebas qui a juré sa perte.
Avec La Corea Pedro Olea signe un drame souvent poignant, désespéré situé dans une Madrid sombre, nocturne loin des clichés cartes postales, que le metteur en scène boucle d'un no happy end inattendu un peu comme s'il voulait signifier qu'il n'y a aucune issue pour cette jeunesse venue se perdre innocemment dans les illusions des grandes métropoles. Mis en scène avec une certaine émotion La Corea évite tout excès qu'un telle intrigue aurait
facilement amener. Olea reste toujours sobre, pudique, tendre même lors des scènes de sexe, ne se permet aucune gratuité pas même sexuelle, préférant plus suggérer que montrer au risque de décevoir ceux qui espéraient un peu plus de débauche visuelle. On y retrouve la patte du réalisateur, qui à l'audace de ses confrères a toujours préféré éviter le scabreux afin de rester dans un cinéma tout public malgré les thèmes abordés. On ne pourra qu'être touché par la relation entre l'adolescent et La Corea, femme déchirée entre l'amour qu'elle porte en elle, la souffrance de son passé et la rigidité exigée par ses activités de maquerelle. Joliment dessinée cette relation au départ vicieuse, malsaine se transforme en quelque
chose de beau, un amour sincère égaré au milieu de cette perversion qui finalement mènera à la perte de Toni lors d'un final violent, cruel, à l'image même de cette Madrid nocturne.
L'interprétation est à la hauteur du film, forte. La grande Queta Claver est une Corea touchante, sincère, tout comme Encarna Paso. Pour son premier film le jeune Angel Pardo, tout juste 20 ans, est excellent dans le rôle de Toni qu'on pourra entrevoir non seulement en slip blanc mais aussi rapidement nu pour notre plus grand bonheur lors de ses ébats avec la jeune Vicky. On pourra le retrouver nu dans les controversés El diputado et Los placeres ocultos de Eloy de La Iglesia. Gonzalo De Castro (Paco), figure mythique de la télévision
espagnole dont c'était également le premier film, irradie l'écran de par sa juvénile beauté de jeune madrilène, osant une sortie de douche renversante. Cristina Galbo, l'ex-épouse de Peter Lee Lawrence et figure récurrente de l'horreur espagnole (La résidence, Qu'avez vous fait à Solange, Le massacre des morts vivants....), interprète avec conviction Vicky.
Plongée dans l'univers des gigolos bas de gamme, des cougars pour mineurs La Corea, loin des excès d'un certain cinéma ibérique, est un bel exemple de la carrière du cinéaste, un film tout en émotion, jamais scandaleux, qui dépeint tout un pan de la misère sociale de nos grandes métropoles dans les années 70. Si La Corea n'est pas un chef d'oeuvre il n'en demeure pas moins un très beau film que l'amateur prendra plaisir à découvrir.