Une louve nous quitte: adieu Dyanne Thorne
Elle résista au camp de concentration, survécu au goulag, échappa à l'internement en asile psychiatrique et sorti indemne d'un harem perdu. On la croyait immortelle, elle nous a pourtant quitté en toute discrétion ce 28 janvier 2020. Celle dont le nom de scène en fit un personnage culte résonnera cependant encore longtemps à nos oreilles. Ilsa. Ilsa l'impitoyable. Emportée par un cancer du pancréas elle s'est éteinte chez elle à Las Vegas à l'âge de 83 ans laissant derrière elle une cohorte de fans éplorés pour qui elle était devenue au fil des décennies un véritable phénomène, une figure fétiche de l'exploitation aussi glauque que malsaine.
Dyanne Thorne née Diane Maréchal voit le jour le 14 octobre 1936 à Greenwich dans l'état du Connecticut. Peu intéressée par ses études d'anthropologie, consciente de ses évidents atouts physiques dont cette opulente poitrine qui deviendra sa griffe elle quitte sa ville natale pour New-York afin de prendre des cours de comédie à l'Actor's studio. Dyanne va assez
rapidement apparaitre dans une multitude de séries télévisées et de petits films tout en étant à l'affiche de quelques comédies musicales sur Broadway. Malgré ce physique avantageux et sa bonne volonté Dyanne ne parvient pourtant pas à percer à Hollywood. Lasse de voir sa carrière stagner elle décide d'alterner petites bandes anodines et spectacles comiques sur les scènes de Las Vegas.
Au début des années 70 elle tente sa chance dans le cinéma d'exploitation en enchainant les seconds rôles dans des petites bandes érotiques où elle n'a pas peur de dévoiler son corps voluptueux notamment dans The erotic adventures of Pinocchio. C'est en 1974 que la roue va subitement tourner pour Dyanne lorsque le canadien Don Edmonds la persuade d'interpréter le personnage principal de son dernier projet Ilsa louve SS, un rôle qui va lui apporter la gloire et la célébrité mondiale mais également briser sa carrière d'actrice. Bourreau nazie, chienne sadique, nymphomane cruelle Ilsa incarne l'horreur dans toute son atrocité dans un contexte historique particulièrement douloureux. Même si Ilsa est proche, très proche de l'univers des bandes dessinées pour adultes Dyanne se retrouve crucifiée par la critique, rejetée par Hollywood et maudite des réalisateurs et producteurs. Paradoxalement elle devient une icône des inconditionnels de cinéma d'exploitation douteux, des amoureux
d'un genre vomi par les bien pensants, le nazisploitation, dont la quadrilogie Ilsa est un peu à l'origine. En effet, trois autres films suivront tournés sans grand enthousiasme par Dyanne prisonnière de ce rôle qui a tué l'actrice désormais persona non grata à Hollywood. Consciente de l'impact de Ilsa Dyanne finira par accepter ce personnage dont elle jouera et fera son fond de commerce de manière légère, pleine d'humour et très caricaturale.
Désormais seule, sans agent, Dyanne quitte Hollywood définitivement et s'installe à Las Vegas avec son époux de longue date l'acteur-musicien Howard Maurer. Elle redonne un sens à sa carrière en montant sur scène, en jouant des pièces comiques, en présentant des tours de magie. Elle apparait encore au grand écran jusqu'en 1987, année de sa retraite cinématographique, dans de petites séries B et autres direct to video. Plus étonnant Dyanne, ordonnée révérend, va aussi monter une chapelle où avec son mari elle procédera à des mariages et autres cérémonies religieuses officielles, une activité qui surprend moins lorsqu'on sait que parallèlement à sa carrière artistique Dyanne a longtemps suivi des cours de théologie.
)
Si Dyanne, un personnage dans la vie à l'opposé de l'image que ses films ont donné d'elle, est partie elle restera néanmoins une figure emblématique de l'exploitation américaine, une star de l'érotisme équivoque, un symbole de mauvais gout, une légende pour tous les amateurs de nazisploitation et d'érotisme trash, souvent copiée jamais égalée. Et comme toute légende Ilsa est éternelle.
Adieu flamboyante et fantasmatique louve de nos folles nuits perverses.