Arrapaho
Autres titres:
Real: Ciro Ippolito
Année: 1984
Origine: Italie
Genre: Comédie
Durée: 76mn
Acteurs: Urs Althaus, Tini Cansino, Squallor, Daniele Pace, Alfredo Cerruti, Armando Marra, Toto Savio, Giancarlo Bigazzi, Gigio Morra, Diego Cappuccio, Marta Bifano, Mario Olivieri, Renato Rutigliano, Benedetto Casillo, Ciro Ippolito...
Résumé: Trois tribus indiennes ennemies se livrent bataille, les Arrapaho, les Celafoni et les Froceyenne. Scella pezzata la fille du chef des Celafoni est promise à Cheval fou mais la jeune femme est amoureuse de Arrapaho, le fils du chef des Arrapaho qui lui même fait chavirer les sens de Lune caprese, le fils du chef des Froceyenne, une tribu qui a trouvé la parfaite entente entre l'hétérosexualité et l'homosexualité. Jaloux Lune caprese fait capturer Arrapaho et sa belle squaw...
Première collaboration entre le réalisateur Ciro Ippolito et la fameuse formation de rock italien Squallor Arrapaho n'est jamais que l'illustration de l'album éponyme du groupe qui fit d'ailleurs scandale à sa sortie, la pochette montrant un indien visiblement en érection sous son pagne. Tout aussi outrancière l'adaptation cinématographique si toutefois on peut parler ici de cinéma est en fait une série de sketches, de vignettes toutes plus irracontables les unes que les autres menées par un mince fil conducteur, une histoire d'amour compliquée entre les enfants des chefs de trois tribus indiennes ennemies.
1888 quelque part dans les montagnes de l'Oregon se livre une guerre sans merci entre trois tribus indiennes dont l'humanité se souviendra durant des siècles. Selle poussiéreuse est la fille de Grosse boule le chef de la tribu des Celafoni, également père d'un petit garçon obèse Tête d'obus. Elle est promise au séduisant Cheval fou mais elle est malheureusement amoureuse de Arrapaho le fils de Massue noire chef de la tribu rivale des Arrapaho, lui même convoitée par Lune caprese le fils homosexuel du chef des Froceyenne (hybride entre frocio (PD) et cheyenne), une tribu née d'un inceste entre un taximan bossu et un laideron. Grosse Boule n'a guère le temps de s'occuper des histoires de coeur de sa fille car il est très inquiet du taux de natalité nul de sa tribu, de l'absence de toute pluie depuis des mois d'où ses incessantes invocations aux Dieux et de l'étrange maladie de son beau cheval, un pur sang nommé Alboreto, qui de jour en jour rapetisse au point d'atteindre la taille d'un poney. Après qu'il ait réussi à scalper Grosse boule lors d'un corps à corps aquatique, Arrapaho est fait prisonnier par Cheval fou. Selle poussiéreuse est également capturée. Tous deux sont libérés grâce à l'intervention de Latte macchiato, un froceyenne homosexuel promis à Cornet solitaire, et Lune caprese. Arrapaho va enfin pouvoir épouser sa belle squaw tandis que Lune caprese doit se résoudre à devoir vivre sans son prince charmant. C'est alors qu'il aperçoit Cheval fou, seul, déprimé d'avoir perdu Selle poussiéreuse. C'est entre eux le coup de foudre. Les deux indiens partent main dans la main.
Bien difficile de rentrer dans le film et d'en comprendre bon nombre de subtilités si on n'est pas italien puisqu'il renvoie essentiellement à tout un pan de la culture italienne notamment télévisée en parodiant et reprenant notamment bon nombre de spots publicitaires, en multipliant les clins d'oeil et références au petit écran dans une totale anarchie. Il faut bien avouer qu'il n'y a quasiment pas de continuité narrative, aucune véritable trame. Un des rares points communs qui relie les différents gags et épisodes entre eux est l'ombre de racisme latent et l'homosexualité aussi grossière que caricaturale mais surtout la vulgarité dont ils sont imprégnés, trois points qui pourraient tout à fait être de bon aloi s'ils n'étaient pas aussi lourds, la bêtise se partageant continuellement la palme avec l'imbécilité et la puérilité. L'ensemble se veut trash mais l'absence de mise en scène, l'idiotie du propos donne la triste impression d'assister à une lamentable farce, une comédie sans queue ni tête fastidieuse particulièrement médiocre, nulle diraient certains, dont chaque chapitre est entrecoupé par un spot de publicité encore plus ridicule et une séquence de french cancan répétitive filmée une fois par la droite, une fois par la gauche.
Monstruosité de non sens que n'aurait pas renié un Ed Wood anémié voire des sous sous-Monty Python Arrapaho ne fait guère dans la dentelle. Ippolito est tel un mammouth dans un magasin de cristallerie et fait de la trivialité son atout maitre y compris dans les dialogues d'une sidérante niaiserie. Citer quelques exemples reviendrait à citer tout le film mais certaines répliques sont désormais cultes et résument parfaitement l'ensemble comme la réponse que lors d'un galant rendez-vous, donne Selle poussiéreuse à Arrapaho lorsque ce dernier lui demande pourquoi elle est si nerveuse. Elle lui répond tout simplement que c'est parce qu'elle n'a pas chié depuis quatre jours! Ce à quoi rétorque prestement le bel indien métis: Mais va, va, va chier! Non loin de là son père l'oreille collée au sol l'entend déféquer... une merde géante lui pousse dans le conduit auditif!
Lune caprese connait lui aussi l'humour ventral puisqu'en plein guet c'est une ribambelle de flatulences qu'il lâche chaque fois qu'il se baisse ou est sentimentalement contrarié, le postérieur tendu vers la caméra. Voilà qui est bien peu glamour pour un jeune précieux indien! Cela est un bel exemple de ce qui attend le spectateur 75 minutes durant embarqué dans les mésaventures délirantes franchement idiotes de ces tribus qui ont comme totem un pénis géant en papier et se masturbent la plume de leur coiffe.
Si on a souvent le sensation que tout le film est une gigantesque improvisation qu'on se rassure, cette impression n'est pas entièrement fausse puisqu'une bonne partie des dialogues furent improvisés lors des prises. Quant au désastre de la mise en scène elle est également volontaire, Ippolito affirmant avoir voulu tourner le film le plus incroyablement mauvais de l'histoire du 7ème art. Il faut donc prendre Arrapaho pour ce qu'il est, un gag géant incroyablement nul, un délire infantile à l'humour situé très en dessous de la ceinture dans lequel chacun prendra ce qu'il veut ou ce qu'il peut s'il parvient à trouver quelque chose à son gout pour esquisser un sourire à défaut de pouvoir réellement rire d'autant plus s'il n'est pas à la base italien. c'est bel et bien là le facteur indispensable pour apprécier ne serait ce qu'un ou deux calembours et autres jeux de mots spécifiques.
L'interprétation si on peut employer ce terme est à l'image du film catastrophique. On y retrouvera l'helvético-nigérien Urs Althaus (Le nom de la rose) dans le rôle de Arrapaho, Armando Marra, les principaux membres de Squallor (Daniele Pace décédé l'année suivante, Toto Savio, Giancarlo Bigazzi, Alfredo Cerruti qui sert de voix off...) et Tini Cansino, l'atout féminin dans son premier à rôle au cinéma qui nous offre ici un spectaculaire nu frontal. C'est Ciro Ippolito lui même qui tient le rôle du chef d'orchestre lors du générique final. Et sans aucune difficulté qu'on tombera sous le charme de Lune caprese malheureusement non crédité, bel éphèbe brun à la coupe punk new wave très années 80, aux yeux bleu laser.
Outre le nu audacieux de Tini on retiendra de Arrapaho tourné pour un budget dérisoire en seulement 14 jours près des cascades du Mont Gelato sa bande originale sympathique composée non pas des chansons de l'album éponyme de Squallor mais de musiques indiennes très western, quelques trouvailles disséminées ça et là et les génériques d'ouverture et de fin, le premier très solennel, le second, une reprise très personnelle du Aida de Verdi filmé dans les arènes de Verone, plutôt original et surtout auto parodique puisque Ippolito y confesse avoir réalisé l'oeuvre la plus désastreuse de tous les temps et remercie les acteurs invisibles Paul Newman, Gene Hackman, Matt Dillon, Robert Reford, Marlon Brando, Al Pacino, Michael jackson, Liz Taylor entre autres d'avoir bien voulu y participer. Ultime gag qui ne change en rien la donne.
A qui peut on donc conseiller Arrapaho? Aux fans de Squallor? Aux invétérés collectionneurs de curiosités pelliculaires? Aux boulimiques de cinéma de genre de toute espèce? Aux grands spécialistes de la culture italienne? Aux spectateurs pas difficiles du tout désireux de se divertir avec un peu tout et n'importe quoi? Chacun choisira sa catégorie en visionnant le film de Ipolito. Le réalisateur récidivera la même année avec Ucceli d'Italia tout aussi farfelu et déjanté au vu du succès d'estime que remporta le film à sa sortie.