Animales racionales
Autres titres: Human animals / Die letzte stunde
Real: Eligio Herrero
Année: 1983
Origine: Espagne
Genre: Post nuke
Durée: 89mn
Acteurs: Carole Kirkham, José Yopes, Geir Indvard
Résumé: Trois survivants à l'holocauste nucléaire, deux hommes et une femme, se réveillent dans une lande déserte. Ils ont perdu l'usage de la parole, le temps n'existe plus. L'Humanité doit être réécrite. Il n'y a plus rien. Alors qu'ils perdent espoir ils trouvent dans un phare un chien qui les mène à une oasis de verdure, un coin de paradis dans lequel ils vont très vite régresser et faire ressurgir la part animale qui existe en tout être humain. La femme va de son coté entamer une relation zoophile passionnelle avec le chien qui très vite va entrainer les trois survivants dans le chaos le plus total...
Le cinéma d'exploitation espagnol réserve souvent de bien surprenantes curiosités, de petits trésors plus ou moins éblouissants mais qui font toujours le bonheur de l'amateur. C'est le cas du film de Eligio Herrero, obscur scénariste-metteur en scène à qui on doit le scénario de quelques pellicules érotiques assez audacieuses (Une ingénue libertine avec Teresa Gimpera et plus spécialement Bacanal in directo), auteur également de deux petites bandes délirantes, un hybride entre le Lagon bleu et Tarzan réellement idiot Jane mi pequena salvaje, et cet étrange et provocant Animales racionales connu également sous le titre international Human animals, un post nuke aussi atypique que blasphématoire.
Deux hommes et une femme se réveillent au beau milieu d'un vaste désert qui s'avère être notre monde après un hypothétique holocauste. Ils semblent ne se souvenir de rien et n'ont plus l'usage de la parole. Ils errent sur cette lande balayée par le vent en quête d'un signe de vie. Ils arrivent sur une plage, se baignent, dégustent quelques crabes. Un des hommes pris de pulsions sadiques viole la femme qui finalement prend du plaisir dans cet acte contre nature. Ils deviennent amants et font l'amour sauvagement au désespoir de l'autre homme esseulé. Elle finit par se donner à lui. Désormais les deux hommes se la partageront. Dans un phare abandonné ils trouvent un berger allemand qui les mène à une oasis de verdure et les accompagnera au fil de leurs errances, chassera pour eux. Au fil du temps malgré ce cadre idyllique les trois humains vont lentement régresser, devenir des sauvages aux instincts bestiaux mus par le désir de survie et leurs élans sexuels en vivant de chasse et de pêche, vêtus de peaux de bête comme au commencement des temps. Provocante la femme trouvera également du plaisir dans une relation zoophile avec l'animal. Jaloux les deux hommes vont commencer à détester le chien.
Avec le succès de Mad Max 2 le cinéma post apocalyptique fut remis au gout du jour dans les années 80. L'Italie en donna bien entendu ses propres versions ainsi que l'Espagne, plus discrète cependant. Le film de Herrero s'inscrit dans cette sous branche du cinéma d'exploitation même s'il diffère des post nukes traditionnels sortis à cette époque. Animales racionales se rapproche beaucoup plus en effet des films d'anticipation des années 70, d'un certain type de cinéma fantastique, étrange.
De l'holocauste nous ne saurons rien. On le devine par les habituelles images du champignon nucléaire qui sert de séquence pré-générique. Le film débute sur trois corps inanimés allongés dans un immense désert balayé par d'incessantes rafales de vent. Nous ne saurons jamais qui ils sont ni pourquoi ils n'ont plus l'usage de la parole. Tour à tour ils se réveillent, découvrent cet environnement austère, rient, dansent au milieu de nulle part. Un moment de bonheur vite envolé par une première constatation: les aiguilles des horloges disparaissent, écrits et photos s'évanouissent laissant place à des feuilles blanches comme si le temps n'existait plus et que l'histoire de l'Humanité devait être réécrite. A partir de cet instant c'est à une régression progressive à laquelle on va assister, celle du retour de l'homme à l'état primitif, animal. C'est bel et bien là le principal sujet du film, montrer que l'Homme privé de son confort, jeté dans la nature, dans un environnement qui n'est pas le sien ne tarde pas à retrouver ses instincts primitifs. L'idée n'est pas nouvelle, elle a déjà été exploitée au cinéma. Herrero n'apporte rien de neuf au sujet bien au contraire puisqu'il ne fait que la survoler. Il soulève des thèmes, en esquisse d'autres mais n'approfondit rien. Tout reste à l'état de brouillon et les questions s'accumulent donc. On imagine, on suppose, on devine grâce à quelques détails disséminés ça et là, une certaine symbolique également qu'il utilise maladroitement. On suppute ainsi que deux des survivants se connaissaient avant le cataclysme (fiancés, frère/soeur), l'autre devait être musicien. La perte de la parole annoncerait l'inévitable régression vers l'état animal qui va caractériser toute la seconde partie du film. Herrero n'évite pas non plus un certain manichéisme. L'homme blond s'avère plus sensible, moins sauvage que l'homme brun qui se révèle vite le plus brutal, le plus sauvage. Quant à la femme, une Eve pour deux Adam dans cette oasis qui symbolise le Paradis originel, elle est bel et bien à l'image de sa célèbre descendante voire pire. C'est à travers elle que les conflits naissent. A demi nue, puis nue elle ne cesse d'aguicher, d'allumer, de provoquer ses deux mâles, avant de se tourner vers le chien, nouvelle source de conflits puisqu'elle est prête à chasser ses deux Adam pour rester avec la bête qui la satisfait tout autant... peut être mieux même. Elle est seulement un objet de plaisir pour assouvir leurs envies mais aussi une proie, un trophée de chasse pour ses compagnons qui finiront par se la disputer jusqu'à la mort, Si l'homme est montré comme un être qui doit à tout moment satisfaire ses envies la femme est définie de bien pire manière. Elle est une créature qui ne pense qu'à être comblée, insatiable, inassouvie, assoiffée de sexe.
Vu le propos des plus intéressants il est dommage que le réalisateur ne fasse que survoler ces thèmes donnant au spectateur une impression désagréable d'inachevé, de passer à coté de quelque chose qui aurait pu à défaut d'être passionnant apporter une certaine réflexion sur la condition de l'Homme, sa part d'animalité à plus forte raison dans un milieu qui n'est pas le sien. Herrero préfère visiblement s'attacher sur l'aspect exploitatif du sujet et tout particulièrement l'aspect sexuel et bestial présent dés le départ puisque tout va vite très vite. En l'espace d'un petit quart d'heure la métamorphose s'opère d'abord par l'attaque des crabes (ratée et peu impressionnante mais significative propice à une première scène de sexe (l'homme apeuré par un environnement qui n'est plus le sien, vulnérable devant un animal même plus petit) puis par la rencontre du chien dans le phare, départ d'une relation zoophile progressive puis déterminante, passionnelle, fusionnelle, mortelle.
Le facteur animal est omniprésent durant tout le métrage: les vêtements rapidement mis en lambeaux remplacés par des peaux de bêtes, les grognements émis y compris dans la bande son, le comportement des survivants... Tout est fait pour mettre en avant ce point bien précis jusqu'à l'explosion de violence finale. Si jusqu'alors le film restait assez sage au niveau de la violence que de la nudité c'est un virage à 90° qu'opère Herrero. Les scènes de sexe deviennent de plus en plus explicites et complaisantes notamment celle près de feu, bestiale c'est le cas de le dire, avec un extraordinaire doigtage, sous l'oeil et les aboiements du chien voyeur, la séquence de fellation certes simulée mais plus que suggestive, les ébats furieux sur les rochers jusqu'à celles qui clôturent le film durant lesquelles Herrero détaille complaisamment dans une complète frénésie le corps de son actrice, la dévoilant dans ce qu'elle a de plus intime. En ce qui concerne la zoophilie que l'amateur de pratiques déviantes dites contre-nature tout spécialement croustillantes ne se fasse guère d'illusion elle n'est que suggérée. Aucune relation explicite n'est montrée. On est donc loin du Bestialità de Virgilio Mattei et de son doberman. Qui de l'animal ou de l'homme revenu à son état primitif est alors le plus dangereux? Le chien est jaloux de l'homme qui ne partage pas la femme, l'homme du chien sur lequel il va uriner par vengeance, le chien répliquera en lui volant sa peau de bête, un moment pas très sérieux voire hilarant qui appuie l'aspect exploitatif de l'ensemble. Le berger allemand cherchera à tuer les deux hommes qui de leur coté feront tout pour tenter de le supprimer, une haine réciproque attisée par le fait que les mâles l'ont surpris en pleine fornication avec l'indécente Eve. C'est finalement dans une folie proche de l'hystérie que tous sombreront après que les deux survivants aient tenté une approche homosexuelle pour satisfaire leurs envies communes. Le sexe sous toutes ses formes est présenté comme l'unique motivation de ces nouveaux Adams et Eve, une revisitation personnelle outrageuse de la genèse. Alors qu'il s'apprêtait à se faire sodomiser l'homme blond réagira enfin, mettra le feu au campement, tuera le chien puis l'homme brun, les deux incarnations suprêmes du mal absolu, qui voulait s'accaparer Eve pour lui seul. Herrero nous offre alors un final biblique. Débarrassé du Mal sous son apparence animale et humaine, le bel Adam blond et Eve enfin libérée, sereine, partiront entièrement nus main dans la main dans une verte prairie. Le monde peut renaitre.
L'interprétation est plutôt convaincante même si parfois un peu caricaturale. Ni belle ni laide Carole Kirkham repérée dans le film précédent de Herrero se déshabille volontiers et se laisse aller sans aucune pudeur ni retenue aux scènes les plus osées mimant parfaitement l'hystérie. José Yopes, figure récurrente de la télévision espagnole, joue les méchants libidineux avec force et conviction et compose tout aussi bien dans le registre de la folie furieuse même s'il surjoue un peu lors de quelques scènes. Quant au bellâtre à l'air un peu niais Geir Indvard, lui aussi rapidement aperçu dans le premier film du metteur en scène, il est trop transparent, trop fade pour vraiment marquer les esprits. Seule la vision de son sexe se balançant à l'air libre en fin de pellicule restera en tête!
Avec sa bande son composée uniquement de bruits, de sons étranges, de grognements et autres gémissements, son désert balayé par le vent, sa plage rocailleuse envahie de crabes, ses quelques plans malaisants (les images et écrits qui s'évanouissent) Animales racionales distille par moment une ambiance quelque peu oppressante, mystérieuse. Malheureusement cela ne suffit pas à créer une ambiance malsaine, un réel climat de malaise. Herrero en fait ne parvient jamais à instaurer une véritable atmosphère. Cette nouvelle version d'Adam et Eve, bien plus hérétique et osée que Adamo ed Eva de Luigi Russo, se laisse simplement regarder avec une certaine curiosité, un regard accrocheur qui laisse parfois place à un filet d'ennui notamment dans sa première partie. C'est dans sa seconde moitié seulement que les amateurs d'euro-sleaze et les adeptes d'obscénités et autres déviances sexuelles pures et dures trouveront leur bonheur à travers la démence et les élans zoophiles de cette pellicule post-cataclysmique singulière mi figue mi raisin loin des post nukes italiens. Human animals est une nouvelle fois la preuve de la férocité d'un cinéma d'exploitation ibérique parfois plus poussée que celle de ses confrères transalpins. Il est surtout témoin d'un cinéma aujourd'hui absolument inconcevable mais tellement jouissif pour tout amoureux de perversion et autres hérésies celluloïd. Human animals est à découvrir dans sa version bien entendu intégrale.