Augusto Pescarini: le mystère du cadavre décomposé
Si son visage risque d'interpeller bien peu d'entre vous, son nom est tout aussi peu si ce n'est encore moins évocateur. Augusto Pescarini parfois crédité sous le nom de Augusto Pesarini fait partie de ces comédiens éphémères, fantomatiques, qui passèrent la majorité de leur carrière aussi brève soit elle à jouer les éternels figurants. Augusto est un de ces génériques que l'oeil exercé de l'amateur saura retrouver, parfois difficilement, perdu au milieu d'une foule d'acteurs, le plus souvent réduits à de simples silhouettes. Augusto aurait pu disparaitre comme tant d'autres de ses confrères, emporté par le temps, puis l'oubli, s'il n'avait eu une vie particulièrement dissolue vouée à la violence et à la drogue qui lentement le détruira et le conduira à une mort prématurée, une fin tragique, horrible, digne d'un film pasolinien.
Né en 1941 à Terni en Ombrie, Augusto, fils d'ouvrier d'une des aciéries de la ville, quitte très tôt l'école pour tenter sa chance à Rome, des rêves plein la tête. Il quitte sa ville natale pour la capitale et commence à vivre de petits boulots. S'il travaille notamment dans un hôpital comme analyste, son désir le plus cher est de se faire un nom dans le monde du cinéma. Augusto a l'arrogance et la beauté de ses 20 ans, une certaine prestance également. Il ressemble à ses jeunes provinciaux dont Pasolini raffolait. Sa rencontre avec Tomas Milian lui sera bénéfique. Son amitié pour Tomas lui facilite les choses et en 1961 le jeune Augusto fait ses débuts à l'écran dans I nuovi angeli de Ugo Gregoretti, un film documentaire en noir et blanc composé d'acteurs non professionnels qui traite de la jeunesse italienne des années 60. En 1962, il fait une furtive apparition dans Les faux jetons de Lucio Fulci avant d'être au générique du Guépard de Lucchino Visconti, une simple figuration au beau milieu d'une somptueuse distribution.
Comédien il est aussi doublure, une activité qui le maintient dans l'univers du cinéma puisque entre 1963 et 1967 il ne tournera aucun film. Il faut en effet attendre 1967 pour le voir à l'affiche d'un nouveau film, un western hispano-italien avec son ami Tomas Milian, El precio de un hombre, dans lequel il est un des hommes de main de Milian tué au bout de seulement quelques minutes. En 1969 il est crédité au générique de Django défie Sartana dans lequel il interprète une fois encore un homme de main, un des complices tout aussi vite tué de Bernard Farber. Le jeune Augusto fait également parler de lui pour ses amours avec quelques actrices comme la française Dominique Boschero et Rita Cadillac.
On le voit souvent entouré de beautés féminines à bord de splendides voitures. Fragile, Augusto vit sa vie à cent à l'heure emporté par le tourbillon d'une vie qu'il ne contrôle pas. Cette vie d'excès va lentement le mener à sa perte. Incapable de gérer sa notoriété si petite soit elle, étourdi par ce faste, Augusto commence à user et abuser de produits stupéfiants. La drogue le rend particulièrement violent. Sous ses effets, il devient hors de contrôle. Si on continue de parler de Augusto dans les journaux ce n'est désormais plus pour ses films mais pour relater ses frasques. Il fait l'objet de plusieurs arrestations et dénonciations, Il est à l'origine de nombreuses rixes et se fait même expulser de France pour avoir déclenché une violente bagarre sur la Côte d'Azur. De retour à Terni, il est de nouveau arrêté et incarcéré pour cette fois outrage à un agent de la force publique.
Nous sommes en fin d'année 1971. Si Augusto tourne un ultime film, le seul où il a un rôle non seulement parlant mais bien plus conséquent, Il ritorno di Clint il solitario, un solide western avec Klaus Kinski dans lequel il interprète Ross, un voyou, la vie du jeune comédien, en totale roue libre, se transforme en un cauchemar sans fin. Il est non seulement accusé d'incitation à la prostitution en février 1972 mais également d'avoir séquestré, attaché et torturé durant 48 heures son ex-petite amie et mère de son fils. Augusto s'est acharné sur la jeune femme après l'avoir drogué en la mordant, la fouettant, la frappant, la lacérant.
En juillet 1972, il s'exile dans une communauté hippie à Ibiza où il fera parler une dernière fois de lui après qu'un paysan l'ait accusé d'avoir violenté sa fille. Le jeune homme déchu soigne ses angoisses en prenant des doses massives de LSD jusqu'à ce 15 aout 1972, jour où il disparait de chez lui. Un fermier retrouvera son cadavre en décomposition le 20 septembre. Sa dernière compagne, une hippy belge, reconnaitra la dépouille de Augusto.
La découverte de son corps sera à l'origine de nombreuses interrogations quant aux causes du décès. Sa petite amie parlera de suicide en n'écartant pas la mort par overdose de LSD. Les autorités espagnoles soulèveront l'hypothèse d'un règlement de compte entre dealers, une piste retenue suite à un appel anonyme que le père de Augusto reçut quelques temps plus tard. L'autopsie ne réussira cependant pas à clarifier les raisons de sa mort qui à ce jour demeure un mystère. L'acteur avait tout juste 31 ans.
Augusto Pescarini est un nouvel exemple du revers de la célébrité dans lequel tant de jeunes artistes, trop peu préparés, trop fragiles, se sont perdus, détruits par ce faste qu'elle apporte, ses miroirs aux alouettes, ses paradis artificiels. Si son nom restera à jamais associé à une renommée aussi éphémère que maudite, sa mort demeurera quant à elle une des plus horrible qu'on puisse imaginer. Augusto Pescarini rejoint ainsi le cercle assez fermé des destins les plus tragiques qu'ait connu le monde du cinéma de genre italien.
