Una farfalla con le ali insanguinate
Autres titres: Un papillon aux ailes ensanglantées / Cran d'arrêt / The bloodstained butterfly / Una marinosa con las alas ensangrentadas / Blutspur in park
Real: Duccio Tessari
Année: 1971
Origine: Italie
Genre: Giallo
Durée: 96mn
Acteurs: Helmut Berger, Giancarlo Sbragia, Silvano Tranquilli, Ida Galli, Gunther Stoll, Wendy D'Olive, Lorella De Luca, Carole André, Wolfgang Preiss, Dana Ghia, Anna Zinnemann, Federica Tessari, Peter Shepherd, Gabriella D'Olive, Antonio Anelli, Aristide Caporale, Pietro Ceccarelli, Francesco D'Adda, Alfonso Giganti, Giuseppe Marrocco...
Résumé: Une étudiante est assassinée dans un parc. Son meurtrier, Alessandro Marchi, s'enfuit mais il est aperçu et reconnu par plusieurs témoins. Arrêté, il est jugé et reconnu coupable malgré la plaidoirie de son avocat et ami Giulio Cordaro. Son emprisonnement profite à Giulio puisqu'il est l'amant de son épouse. Sa fille, amie de la défunte, sort avec un pianiste, Giorgio, un homme plus âgé qu'elle qui avait défendu son père lors du procès. Elle ignore que Giorgio était l'amant de son amie. Lorsque deux autres meurtres similaires sont commis, Alessandro est enfin relâché. Giorgio, de plus en plus névrosé, lui donne alors rendez-vous dans une maison isolée...
Venu du western, le vétéran Duccio Tessari s'est évertué tout au long de sa carrière à signer d'agréables séries B qui sans être toujours très convaincantes n'en ont jamais été pour autant déplaisantes. Professionnel, Tessari connait son métier et chacun de ses films quelques soient leurs défauts ont pour l'amateur un intérêt certain. Una farfalla con le ali insanguinate ne déroge pas à la règle.
Une adolescente de 17 ans, Françoise Pigault, est assassinée dans un parc. Son assassin s'enfuit mais il est repéré par de nombreux témoins. Il finit par être arrêté. Il s'agit d'une figure de la télévision, Alessandro Marchi, qui ne nie pas les faits d'autant plus que les preuves abondent. Lors du procès son avocat et ami, Giulio Cordaro, va les démonter une à une. Alessandro ne serait peut être pas l'assassin. Malheureusement, les jurés le condamnent à la prison à perpétuité. Les journaux s'emparent de l'affaire, criant à l'erreur judiciaire. La condamnation de Marchi semble en tout cas arranger d'une part son avocat puisqu'il est l'amant de son épouse d'autre part le véritable meurtrier qui va faire deux autres victimes, tuées de la même façon. Sarah, la fille d'Alessandro et amie de Françoise Pigault, ignorant la relation qu'entretient sa mère avec l'avocat, sort avec un pianiste plus âgé qu'elle, Giorgio, en fait l'amant de Françoise, un fait que l'adolescente ignore, un contestataire névrosé qui avait tenté d'innocenter Marchi lors de son procès. Fils d'un important notable il est en conflit avec son père dont il ne partage pas la vision de la vie et de la noblesse. La libération de Marchi après révision du jugement va précipiter les choses. Giorgio donne rendez-vous à Marchi dans un lieu abandonné. Les deux hommes se rencontrent et de leur affrontement éclatera enfin la dramatique et sordide vérité.
Malgré son titre animalier qui pourrait faire penser à un giallo argentesque, ce Papillon aux ailes ensanglantées également connu en France sous le titre Cran d'arrêt n'appartient d'aucune manière à ce filon. Seront gravement déçus ceux qui en attendraient un déluge d'effets sanglants et autres crimes sadiques commis par un assassin tout de noir vêtu dans un contexte d'évidente folie. Una farfalla con le ali insanguinate est un pur giallo judiciaire mâtiné d'enquête policière qui flirte plus ou moins avec une autre sous branche du genre rendue fameuse par la trilogie de Massimo Dallamano, les thrillers dont la maladolescence est au coeur du sujet. Le noeud de l'intrigue tourne en effet autour du meurtre d'une adolescente poignardée dans un parc public par un homme avec qui elle avait sans aucun doute rendez-vous. Et ce sont deux autres jeunes femmes dont une prostituée qui seront de nouveau tuées de la même manière. Pourtant la ressemblance s'arrête là. Ce point de départ va tout simplement donner naissance à un film inégal, pas toujours crédible sous certains aspects, mais néanmoins jamais inintéressant parfois même intrigant ne serait ce que pour sa curieuse ouverture. Chacun des protagonistes, enfermé dans un cadre en forme de papillon, est en effet introduit, indexé pourrait-on dire, comme dans un livre, une pièce, une manière originale de tous les confronter au spectateur dés le générique juste avant le premier assassinat puis la rapide arrestation du tueur. Commence alors le procès qui va occuper la majeure partie du film entrecoupé de flash-backs auxquels se mêlent quelques scènes présentes qui témoignent des moeurs décadentes de notoires et autres bourgeois toujours aussi pervertis, un des thèmes de prédilection du cinéma italien d'alors.
Ce n'est pas tant la construction en elle même qui gêne ici mais plutôt la mise en scène en dents de scie qui semble refléter la difficulté du cinéaste à choisir une véritable orientation.
Le très long procès mené avec brio avec un sens du détail étonnant, une vraie dissection policière, montre tout le talent de Tessari qui brille dans la reconstitution de son crime et l'apport des éléments qui ont amené le présumé coupable à le commettre. Cette précision presque documentaire étonnera, passionnera l'amateur d'oeuvres judiciaires mais cette force narrative se retourne malheureusement contre le film car un peu limitée. A force de se concentrer sur le procès qui s'étire Tessari finit par ennuyer et rend son film trop statique. Le temps pourra donc paraitre long par moment d'où une navrante baisse d'attention. Et ce n'est pas l'absurdité de certaines scènes qui changera la donne. Pour preuve la fuite de l'assassin dans le parc, très drôle, puisqu'il enchaine les bévues et se fait repérer par une multitude de témoins. On regrettera également le manque de suspens. Très classique dans son scénario Una farfalla con le ali insanguinate ne surprendra guère l'amateur féru de gialli qui aura assez vite compris le pourquoi du comment comme il aura su dénouer assez vite le noeud d'une l'histoire friable. Le final aussi dramatique, pathétique, soit il a du mal à convaincre et laissera un léger arrière-goût de déception comme on aura du mal à s'apitoyer sur le sort du meurtrier perdu dans les méandres d'une névrose que Tessari n'a pas vraiment su mettre en scène.
Malgré ses défauts Un papillon aux ailes ensanglantées est loin, très loin d'être mauvais giallo. S'il ne brille pas par son originalité et sa mise en scène il se rattrape par contre sur ses effets de style. Tessari avec beaucoup de soin a su créer une véritable ambiance en sublimant grâce à une très jolie photographie pluvieuse la ville de Bergamo et ses sites majestueux (Piazza vecchia, la basilique Santa Maria Maggiore, la place du Dôme, Via libertà et son palais de justice...) appuyée par une extraordinaire partition musicale signée Gianni Ferrio. Toujours au crédit du film son montage tout en flash-backs et ellipses qui lui donne un coté nerveux et la peinture certes superficielle mais toujours aussi sombre d'une bourgeoisie pervertie, corrompue, même si Tessari évite ici l'analyse sociale. Ainsi l'avocat n'est autre que l'amant de l'épouse de l'accusé, un pervers qui tente d'abuser de sa fille en l'absence de sa maitresse. L'accusé lui même s'offre quelques plaisirs interdits avec de jeunes femmes qu'il photographie. Les adolescentes sont des délurées, les relations parentales toujours aussi difficiles et source de conflits générationnels et de névroses. On appréciera la morbidité de certaines scènes, très réussies, comme notamment la longue et douloureuse défloration de Sarah par un Giorgio en pleine perte de contrôle et les meurtres jamais graphiques mais fort bien réalisés. On saluera également la prestation de la plupart des comédiens tous plus investis les uns que les autres mais dont les rôles ne sont malheureusement pas assez fouillés, Giancarlo Sbragia en tête, étonnant de sobriété. Silvano Tranquilli incarne un inspecteur obsédé par ses cafés, Ida Galli elle aussi très sobre parvient à donner à son personnage un coté émouvant malheureusement un peu trop délaissée par Tessari et Gunther Stoll endosse avec succès la robe de l'avocat aux moeurs dissolues. Quant à la française Carole André et la future star des romans-photos Wendy D'Olive elles jouent les lolitas de charme avec ce savoir-faire qu'on leur connait. Reste l'interprétation mitigée d'un tout jeune Helmut Berger rempli de tics souvent forcés, pas toujours crédible dans la peau de ce fils névrosé, un peu trop fade et mal dessiné qui nous offre quelques nus discrets.
Moins incisif que La morte risale a ieri sera, son premier giallo, moins efficace que l'élémentaire L'homme sans mémoire, Una farfalla con le ali insanguinate qui du giallo à la Argento ne possède au final que son titre animalier (le papillon du titre est le petit bijou que lui avait offert son amant avant sa mort mais il pourrait aussi symboliser d'une certaine manière ces jeunes filles en fleur), son inspecteur obsédé et la voix du tueur déformée au téléphone, n'en demeure pas moins un thriller judiciaire distrayant pour le peu qu'on se laisse prendre au jeu et se laisse séduire par son atmosphère aussi mélancolique que morbide et son esprit anti bourgeois. S'il déplaira à ceux qui recherchent beaucoup plus le coté horrifique et tortueux du genre, il a bel et bien sa place parmi les gialli de bonne facture de ce début de décennie. On imagine simplement ce qu'un metteur en scène comme Dallamano aurait pu faire d'un tel scénario.