La morte risale a ieri sera
Autres titres: Death occurred last night / La mort remonte à hier soir / I milanesi ammazzano sabato sera
Real: Duccio Tessari
Année: 1970
Origine: Italie
Genre: Giallo
Durée: 93mn
Acteurs: Raf Vallone, Frank Wolff, Gabriele Tinti, Eva Renzi, Beryl Cunningham, Gillian Bray, Gigi Rizzi, Wilma Casagrande, Checco Rissone, Marco Mariani, Nicky Zuccola, Giorgio Dolfin, Riccardo De Stefanis, Helga Marlo, Maria Grazia Bettini, Elsa Boni, Renato Tovaglieri, Jack La Cayenne, Stefano Oppedisano, Maria Cassetta, Heidrun Hankammer...
Résumé: Armando Berzaghi va au commissariat afin qu'on retrouve sa fille Donatella, disparue depuis bientôt un mois. Donatella, attardée mentale, a malgré ses 25 ans et un corps parfait l'âge mental d'une fillette de 3 ans. L'inspecteur Lamberti et son fidèle assistant se chargent de l'enquête. Ils découvrent rapidement que Donatella a été enlevée par un réseau de prostitution. Grâce à un indic, ancien proxénète reconverti, ils s'infiltrent dans le milieu lorsque Donatella est retrouvée morte, brûlée vive dans un champ. Alors que l'inspecteur tente de retrouver les coupables, le père de la jeune fille va se charger lui même de faire justice. Sa vengeance sera à l'image même de sa souffrance...
Tiré du célèbre roman de Scerbanenco I milanesi ammazzano il sabato, La morte risale a ieri sera, coproduction italo-germanique réalisée par Duccio Tessari, tire ses influences justement tant du krimi que du giallo, un mélange qui risque d'en dérouter certains.
La morte risale a ieri sera est loin d'être un giallo sanglant. En fait, on et ici plus proche du film noir, du drame social et du polizesco que du véritable giallo. Toute l'intrigue du film repose sur la disparition de Donatella, une jeune fille attardée mentale qui malgré ses 25 ans a l'âge mentale d'une fillette de 3 ans. Désespéré, son père, veuf, demande l'aide de la police qui après enquête va découvrir que Donatella a été enlevée par un réseau de prostitution, violée puis brûlée vive. C'est à la vengeance impitoyable d'un père brisé qu'on assistera donc par la suite.
La morte risale a ieri sera se scinde en deux parties assez distinctes. Toute la première partie du film est basée sur l'enquête du commissaire suite à la requête du père. Visiblement influencée par les krimi, elle pourra paraitre assez longue et surtout lente et bien peu passionnante à ceux qui d'un giallo n'attendent que des flots d'hémoglobine noyés dans un suspens à couper au couteau . Pourtant Tessari avec un sens aigu de la psychologie met en place parcimonieusement, intelligemment tous les éléments qui conduiront à l'horrible vérité. Tessari met l'accent sur ses personnages qu'il dessine et définit parfaitement, du père désespéré au commissaire submergé par ses problèmes personnels mais déterminé dans son enquête, aidé par son fidèle et indispensable assistant lui même loin d'être qu'un personnage de seconde zone. Complice, attachant, leurs rapports aident beaucoup à comprendre la personnalité du commissaire. Tessari ne laisse rien au hasard et tente d'être ici le plus réaliste possible. De longs moments de silence alternent donc avec de longues scènes de dialogue. Mais ici extrême lenteur ne signifie nullement ennui bien au contraire. Tout est mis en oeuvre pour que l'atmosphère diffuse que crée Tessari soit presque tactile.
On ne manquera donc pas le rapprochement avec le fameux inspecteur Derrick dont toute la première partie pourrait s'intégrer sans difficulté dans un épisode de très bonne facture de la série.
Total changement de ton, la seconde moitié du film quant à elle se rapproche quant à du traditionnel polizesco mais là encore Tessari privilégie le réalisme, un réalisme parfois cinglant. Loin des enquêtes échevelées parsemées de cascades et autres courses-poursuites où l'action prend le pas sur la crédibilité de l'ensemble, La morte risale a ieri sera met l'accent sur la vengeance d'un homme brisé par la douleur, ivre de vengeance. Le film de Tessari, passionnant, peut alors être vu comme une sorte de Rape and revenge dans lequel la violence de la vengeance de ce père n'a d'égale que sa souffrance. Tessari nous réserve alors quelques plans particulièrement morbides parfois simplement suggérés (la découverte du cadavre brûlé de Donatella dont on ne verra qu'un pied bleui sortant d'un tas de foin fumant) jusqu'à l'explosion de violence lors du dramatique final dans la laverie.
Tessari dépeint également une vision assez sinistre du Milan des années70, sorte de Chicago où réseaux de prostitution et banditisme régnaient en maître. Le décor hivernal fort bien mis en valeur par une jolie photographie renforce le coté non seulement nostalgique mais également sombre, crépusculaire de la ville à l'image du personnage du père.
Certes discret, ce subtil mélange de film noir, de polizesco, de krimi, de rape and revenge particulièrement bien en scène et articulé, vaut également beaucoup pour l'interprétation de ces trois personnages principaux. Raf Vallone est étonnant dans la peau du père dont le jeu à fleur de peau donne une grande part à l'émotion. Frank Wolff dans le rôle du commissaire est tout aussi excellent aux cotés de Gabriele Tinti tout en contraste. On notera également la participation de la sexy diva noire Beryl Cunningham dans le rôle d'une prostituée hébergée pour les besoins de l'enquête chez l'inspecteur.
La seule petite ombre au tableau pourrait être la partition musicale qui mélange hard rock d'époque et effets lounge, assez mal venu ici. Afin de rattraper cet accroc, on se délectera de la chanson interprétée par la grande Mina.
La morte risale a ieri sera est une réelle réussite, aussi attachante qu'émouvante.
Tessari signera l'année suivante un autre giallo cette fois politique avec Un farfalla con gli ali insanguinate / Cran d'arrêt.