Peter Hinwood: L'extraordinaire Créature
Aussi brève que fut sa carrière de comédien son nom continuera encore longtemps de briller en lettres d'or à l'image même du désormais célèbre slip qu'il portait dans l'oeuvre musicale qui lui apporta la renommée internationale. Outre ce sous-vêtement qui n'était pas en lamé comme on l'a longtemps pensé mais en cuir doré, c'est aussi un corps de Dieu grec, un visage parfait, un regard brodé d'émeraude et des cheveux qu'on aurait cru décolorés tant leur blondeur naturelle donnait l'impression d'un film de neige qu'on gardera de ce mannequin acteur qui a préféré à la gloire et au strass l'anonymat et la sérénité d'une vie au calme, loin du monde agité du show-bizz et de ses contraintes.
Créature intemporelle, immortelle, mythe absolu aujourd'hui encore adulé au quatre coin du monde, après Kim Milford qui le précéda dans ce rôle, voici en guise de cadeau de Noël l'histoire de celui qui un jour allait à jamais être le Rocky du fameux Rocky horror picture show, le sémillant Peter Hinwood.
Né le 17 mai 1946 à Bromley dans le comté du Surrey à l'ouest du Grand Londres, Peter W. Hinwood fait son entrée dans le monde des artistes en tant qu'assistant photographe. C'est après s'être installé à Londres que Peter passe de l'autre coté de l'objectif et entame une carrière de modèle dés 1967 à tout juste 21 ans. Il pose alors pour de nombreux magazines masculins et devient très vite un des mannequins les plus populaires de cette fin de décennie. Ses cheveux blonds platine, ses yeux verts contrastant avec l'or de sa peau, la perfection de son visage, un corps d'Apollon soigneusement entretenu font de Peter non seulement un des modèles préférés des photographes mais également un des plus
demandés. Très vite il se retrouve propulsé à la tête de l'industrie du mannequinat masculin. Faire ce métier pour un homme à cette époque n'était pas toujours évident et Peter a quelque peu du mal à l'assumer. Il préfère dire qu'il est tout simplement photographe. Cette honte, ce malaise, il le revivra lorsqu'il deviendra comédien notamment lorsque son rôle dans The Rocky horror picture show lui apportera une notoriété internationale qu'il n'avait peut être pas cherché.
Et c'est justement en 1968 qu'il fait ses débuts au grand écran en incarnant aux cotés entre autres de Irene Papas et Barbara Bach le Dieu Hermes dans une adaptation télévisée de
l'Odyssée tout simplement intitulée L'odyssée / L'Odissea diffusée en France pour la première fois en janvier 1970 sur la seconde chaine de l'ORTF. Avec son corps de statue grecque qui mieux que Peter pouvait en effet interpréter Hermes? cette première expérience cinématographique sera suivie en 1970 par un petit film fantastique signé Roddy Mc Dowall, The ballad of Tam Lin / The Devil's widow avec Ava Gardner. Il y tient malheureusement qu'un court rôle, celui de Guy. Il va falloir attendre 1975 pour que Peter décroche non seulement son rôle le plus important mais également celui qui fera de lui une véritable icône, un objet de culte pour un film tout aussi culte, le personnage pour lequel on se souvient
encore aujourd'hui de lui. Alors que c'est l'androgyne et talentueux Kim Milford qui tenait ce rôle dans la version théâtrale du The rocky horror picture show jouée à Broadway, c'est Peter qui est choisi par la production pour se glisser dans le slip en cuir doré de Rocky, la créature du Docteur Frank'n'Furter, dans son adaptation au grand écran. Si certains regretteront la performance de Kim, Tim Curry le premier, plus à l'aise, plus acrobatique et délirant que Peter, le jeune mannequin va néanmoins se faire sa place au soleil et devenir le fantasme homo-érotique de toute une génération. Beaucoup de choses vont alors être écrites à propos de Peter suite notamment à certaines déclarations de celui qui fut Hermes
dans lesquelles il avouait clairement regretter d'avoir accepté le rôle de Rocky. On le dit alors mal à l'aise avec cette image homosexuelle qui lui colle à la peau, embarrassé d'être un objet de culte dans le milieu gay, gêné de la relation ambigüe qu'il entretient durant tout le film avec Tim Curry. Il faudra attendre de longues années pour que lumière soit faite sur ses soi-disant aveux. Lors d'une interview qu'il accordera au début des années 2000 Peter expliquera en fait qu'il s'est toujours trouvé très mauvais acteur. Il n'avait jamais pris de cours avant d'être engagé sur The rocky horror picture show et ignorait dans quoi il se lançait. Il était avant tout mannequin, pas acteur encore moins chanteur (c'est l'australien Trevor White
qui le doublait pour les passages chantés). De nature très timide, effacée, sa notoriété soudaine le mettait de surcroit très mal à l'aise. Les gens ont tout simplement beaucoup extrapolé, imaginé... Si l'aspect bisexuel / homosexuel du film avait autant dérangé Peter il n'aurait jamais accepté d'apparaitre l'année suivante au générique du splendide Sebastiane de Derek Jarman, un des films les plus homo-érotiques jamais tourné, un chef d'oeuvre de sensualité brute où la beauté et les amours viriles n'ont jamais été aussi joliment, ardemment mises en image dans lequel Peter interprète un très court rôle muet, une simple apparition en tout début de film, celui d'un des gardes de l'empereur alangui à ses pieds. Ce sera l'ultime prestation de Peter au cinéma.
C'est son penchant pour la discrétion et une vie calme qui lui feront mettre un terme à sa carrière de comédien. Par la suite, il posera encore pour quelques photographes, fera également des clichés de nu puis disparaitra totalement du feu des projecteurs et des objectifs. Peter fera de nouveau parler de lui au début des années 90. Loin du show-biz depuis plus d'une décennie, l'ex-Rocky a ouvert une boutique d'antiquités à Londres. Antiquaire réputé, il crée également ses propres oeuvres et sculptures dont certaines furent exposées au début des années 2000. Si en 2002 il accepta d'évoquer Rocky pour les besoins d'un livre consacré au film, il ne souhaite désormais plus parler de cette époque ni
même du film, heureux dans la vie qu'il a choisi depuis bientôt trois décennies. Pour l'anecdote Peter a vendu son célèbre slip doré au début des années 90 pour la modique somme de 6000$.
S'il a choisi l'anonymat Peter restera cependant à jamais associé à l'une des comédies musicales les plus déjantées, les plus délirantes des années 70, sexuellement très axée. Pour ses nombreux admirateurs, outre un visage, un corps, il continuera à symboliser avant tout une certaine magnificence masculine toute teintée d'homo-érotisme, une sorte de rêve aryen tout en muscles.