Anche se volessi lavorare che faccio?
Autres titres:
Real: Flavio Mogherini
Année: 1972
Origine: Italie
Genre: Comédie
Durée: 94mn
Acteurs: Enzo Cerusico, Ninetto Davoli, Giovanni Barbato, Paolo Rosani, Adriana Asti, Fiorenzo Fiorentini, Maurizio Arena, Leopoldo Trieste, Luciano Salce, Vittorio Caprioli, Francesca Romana Coluzzi, Orchidea de Santis, Ugo Fangareggi, Ettore Mattia, Tiberio Murgia...
Résumé: Dans une petite province de sud de la Toscane, quatre copains s'emparent régulièrement des objets de valeur que renferment les tombes de riches défunts afin de gagner un peu d'argent et pouvoir vivre leurs rêves. L'homme pour qui ils travaillent ne les payant pas assez ils décident un jour de s'attaquer à un musée archéologique. Pour se faire ils s'associent à un petit malfrat dont la peine de prison vient toute juste d'être réduite. Ils ignorent que le voyou sera totalement libre s'il collabore avec la police. Il les dénonce. Le vol tourne mal. Les quatre copains doivent fuir...
Scénariste, directeur artistique avant tout, Flavio Mogherini avant d'ajouter la mise en scène à ses nombreux talents travailla notamment pour des noms aussi prestigieux que Bava (Diabolik), Fellini (Satyricon) et Pasolini (Mamma Roma, Accatone, Les 1001 nuits). C'est en 1972 qu'il passe à la réalisation avec cette curieuse comédie dramatique fort méconnue située au sud de la Toscane dans les magnifiques paysages médiévaux de Sovana près de Grosseto, connus pour leurs vestiges étrusco-romains qui vont être au coeur du scénario de cet OVNI du cinéma italien.
Anche se volessi lavorare che faccio? est avant tout l'histoire d'une amitié indéfectible, celle de quatre copains, quatre jeunes désillusionnés, qui pour gagner un peu d'argent vivent de menus larcins. Ils se sont spécialisés dans le vol d'objets de valeur qu'ils dérobent dans les sépultures de riches défunts. Pas toujours très futés encore moins experts, ils doivent le plus souvent abandonné leurs butins, poursuivis par la police ou la famille du mort. Ils travaillent le plus souvent pour un dénommé Garrone qui, plus intéressé par sa propre personne, ne le paie pas comme il devrait. Des rêves plein la tête, désireux de croquer enfin la vie à pleines dents, les quatre garçons décident un jour de voler des vestiges étrusques dans un musée
réputé inviolable situé sur un site archéologique. Pour se faire ils doivent s'associer à un petit bandit, Nereo Tinelli dit Due Novembre, qui a vu sa peine de prison être fortement réduite. Ils ignorent que si Pirelli collabore avec la police, sa peine sera définitivement abolie. Le fourbe ne tarde pas à les trahir et le vol des objets étrusques est un échec total. Poursuivis par la police, les quatre amis s'enfuient. Bloqués par une célébration religieuse qui retrace le chemin de croix du Christ leur fuite s'arrête au détour d'une route de montagne. C'est de manière tragique que se terminera cette folle escapade.
Metteur en scène raffiné, Flavio Mogherini réalise ici un drame social étrange, inénarrable,
excentrique, qui se veut à la fois drôle et mélancolique. Le film est une sorte de pochade aigre douce inspirée en partie de l'univers de Pasolini pour qui Mogherini travailla. On pense par moment à Accatone et Mamma Roma à travers l'amitié qui lie ces quatre jeunes hommes, quatre petits paumés qui n'aspirent qu'à une seule chose: avoir un peu d'argent pour être heureux et vivre leurs rêves. Ce ne sont ni des voyous ni des malfrats, juste une bande de copains, de joyeux lurons qui profitent de cette région riche en Histoire pour piller les tombes et s'emparer des objets de valeur qu'elles contiennent. Si le fil conducteur du film est typiquement pasolinien, l'amitié et ses valeurs, un des principaux thèmes sous-jacent, le
petit peuple, le prolétariat contre les riches, les valeurs du coeur contre celles de l'argent, l'est tout autant. La présence de Ninetto Davoli, l'ami-amant du Maitre, dans un des rôles principaux ne fait que renforcer ce sentiment. Mogherini connait ses pères.
Plein de bonnes intentions il délivre une première oeuvre intéressante, humaine mais incertaine. Certes la narration est anarchique mais dans un tel récit une telle anarchie n'est pas véritablement un défaut. C'est plutôt le manque d'émotion qui nuit ici à l'ensemble. Malgré une interprétation sans faille de la part des quatre comédiens, Ninetto Davoli en tête égal à lui même, le fragile Enzo Cerusico également responsable du scénario, Giovanni Barbato et le séduisant Paolo Rosani, un des princes du roman-photo au physique à la
Peter Lee Lawrence, Mogherini a du mal à instaurer une véritable atmosphère. La sauce ne prend pas vraiment, on ressent bel et bien le coté comédie, drôle, mais jamais réellement le coté amer de l'histoire, la mélancolie censée s'en dégager. C'est d'autant plus décevant que dans ce type de récit, l'émotion est primordiale comme il est vital de mettre sur un même pied d'égalité chacun des protagonistes. Malheureusement c'est Ninetto Davoli qui occupe une bonne partie du métrage suivi de Enzo Cerusico au détriment des deux autres personnages trop fantomatiques. D'un quatuor Mogherini aurait pu passer sans mal à un simple duo. Il faudra attendre l'ultime partie notamment le très beau final pour que la véritable
émotion pointe finalement le bout de son nez. La relation entre les quatre amis se fait plus précise, plus incisive, les liens, enfin palpables, se resserrent, des liens. Le film prend soudainement une dimension humaine touchante jusqu'à cette conclusion inattendue absurde, cruelle, dramatique, bien ironique. Anche se volessi lavorare che faccio? déploie un peu trop tard toute la puissance de ses influences pasoliniennes.
Maladroit derrière la caméra Mogherini dont on connait surtout son giallo La ragazza dal pigiama giallo a également parfois du mal à garder un certain rythme. S'ensuit une farce orientée vers l'absurde qui alterne temps morts, longueurs et action d'où un certain ennui qui
par instant s'empare du spectateur à la vision de ce film qui prend du temps à vraiment décoller. Le cinéaste, en bon disciple pasolinien, mêle le grotesque au drame sur fond campagnard égrillard. Le mélange ne prend pas tout le temps faute à une mise en scène un peu creuse. Quant à la critique sociale elle demeure trop superficielle pour réellement faire réfléchir.
En fait Anche se volessi lavorare che faccio? outre son final poignant vaut essentiellement pour deux choses. La première est son incroyable distribution qui voit la réunion quasi impensable d'acteurs de grands talents venus de tout horizon, tous plus savoureux les uns
que les autres, aussi minimes soit leur présence à l'écran, Vittorio Caprioli, Luciano Salce, Leopoldo Trieste, Tiberio Murgia en tête, entourés de la délicieuse et globulaire Adriana Asti et la phénoménale Francesca Romana Coluzzi, absolument démentielle dans la peau d'une paysanne sourde muette s'exprimant par borborygmes lors d'une séance sadomasochiste durant laquelle elle maltraite le pauvre Enzo Cerusico.
Le deuxième gros atout du film est la beauté des paysages chargés d'histoires de Sovana, ses ruines, ses sites archéologiques, ses villages de pierres séculaires superbement photographiés par Daniele Mogherini. On applaudira également les très belles musiques de
Ennio Morricone notamment ce joli thème sifflé, mélancolique et plein de tendresse.
Malgré les défauts propre à une première réalisation et ses inégalités, Anche se volessi lavorare che faccio? est une oeuvre belle, sincère, un hommage certes pas toujours réussi à l'univers de Pasolini de la part d'un metteur en scène talentueux sous estimé. Il signe une comédie dramatique sociale particulière, singulière, légère, à redécouvrir aujourd'hui d'autant plus qu'elle est un bel exemple de ce cinéma italien oublié qui fut longtemps difficile à visionner mais qu'un récent DVD a pu réhabiliter.