Seeing heaven
Autres titres:
Real: Ian Powell
Année: 2010
Origine: Angleterre
Genre: Thriller
Durée: 107mn
Acteurs: Alexander Bracq, Denton Lethe, Thomas Thoroe, Lee Chapman, Maximo Salvo, Chris Grezo, Anthony Styles, Gunar Hojem, Nick Gilder, Israel Cassol, Piotr Blak, Anton Dickson, Scott Van Der Merve, Jamie Karl Cross...
Résumé: Un jeune prostituée, Paul, est victime d'effrayantes visions chaque fois qu'il se fait prendre. A travers elles, il voit son jumeau disparu depuis de longues années prisonnier d'une inquiétante silhouette masquée. Obsédé par ses cauchemars, il se met en tête de le retrouver. Ses visions le conduisent jusqu'à un studio où un jeune réalisateur a pour projet de tourner un film porno. Fasciné par la beauté de Paul, il veut qu'il soit le héros du film. Les visions de Paul deviennent de plus en plus oppressantes. Plus il se fait prendre, plus les images se précisent. Effrayés par ce garçon les acteurs du film quittent peu à peu le plateau d'autant plus qu'à travers Paul ils voient eux aussi ses visions. Quasiment seul, de plus en plus désorienté, Paul va bientôt devoir face à de terribles vérités, des évènements du passé enfouis au plus profond de son inconscient depuis sa plus petite enfance...
Acteur, scénariste et metteur en scène, l'anglais Ian Powell s'est fait connaitre en 1996 en réalisant un des segments d'un petit film d'horreur intitulé Virtual terror resté inédit en nos contrées. Son nom refit surface en 2010 avec cet inquiétant thriller gay tourné pour un budget dérisoire, inégal, pas toujours très convaincant mais suffisamment fascinant pour surprendre et captiver l'attention du spectateur perdu dans les méandres d'une terrible quête, celle des obsessions d'un jeune garçon hanté par la disparition de son frère jumeau.
Paul est un escort boy, un prostitué tout juste sorti de l'adolescence dont la beauté rend fou
de désir les hommes qu'il côtoie. Paul est un garçon étrange, totalement perdu, qui cherche qui il est en réalité mais Paul a surtout un don terrifiant. Non seulement il a un besoin presque maladif de se faire remplir mais à chaque sodomie qu'il veut de plus en plus violente, de plus en plus bestiale, il est victime d'effroyables visions dans lesquelles il voit son frère jumeau, Saul, disparu mystérieusement depuis bien des années. Persuadé qu'il est en danger, prisonnier dans un endroit dont il ne peut s'échapper, il décide de mener son enquête. Afin de découvrir la vérité, Paul doit se faire prendre le plus souvent possible afin que ses visions se multiplient et lui révèlent ce qu'il lui est advenu. Malheureusement,
lorsqu'il atteint le coït Paul transmet ses effroyables visions à ses partenaires qui, horrifiés, le quittent toujours trop tôt. Elles le conduisent finalement dans un studio où un jeune artiste révolutionnaire, John Baxter, souhaite tourner un véritable porno d'auteur. Ebloui par la beauté de Paul, il souhaite qu'il soit le héros de son film qui montrerait la magie des relations homosexuelles. Désorienté, incertain de sa sexualité, Paul ne se sent pas capable d'assumer un tel rôle mais il finit par accepter à la condition qu'on l'aide à retrouver Saul. Paul se fait des amis sur le plateau dont Griffin dont il devient très proche. Le tournage est de plus en plus menacé par les visions de Paul qui est désormais convaincu que le studio a un
rapport avec la disparition de son jumeau. Il le voit prisonnier d'une silhouette noire portant un horrible masque, quelque part dans une crypte macabre dont on accède par un interminable escalier. Effrayé par la personnalité de Paul, les acteurs quittent progressivement le film. Griffin s'éloigne également de lui tandis que le producteur devient de plus en plus menaçant. Seul Zhyvago, un de ses amis, continue à le soutenir et va une nuit révéler à Paul des vérités qu'il avait enfoui au plus profond de son âme depuis bien des années. Il est malheureusement trop tard. Drogué, Paul est emmené dans la fameuse crypte où il est violé successivement par les hommes de main de l'énigmatique silhouette qui va
enfin tomber le masque. Ainsi préparé pour ce qui sera le porno le plus réaliste de la décennie, Paul connaitra enfin la vérité sur ce jumeau qui n'a jamais existé, fruit d'une folie latente dont l'origine remonte à son enfance.
Ainsi couché le scénario peut paraitre brillant. Seeing heaven laisse ainsi augurer un film captivant, terrifiant voire innovateur puisqu'il est assez inhabituel que le cinéma gay mélange aux codes du cinéma homosexuel ceux du film d'horreur, du fantastique et plus étonnant du cinéma d'auteur. Le défi n'est pas évident, certains s'y étaient déjà essayé avec plus ou moins de bonheur (le décevant Hard, le fracassant Cercle vicieux, le trépident Via appia
ou le foudroyant Frisk, l'oeuvre majeure de Todd Verow). Force est de constater que malgré ses brillantes qualités, Seeing Heaven n'est pas à la hauteur de ses ambitions. Powell n'a pas les épaules assez fortes pour mener à bien un tel projet qui n'arrive jamais à réellement convaincre. Cette plongée au coeur des tourments, de la folie, de l'esprit torturé d'un adolescent en quête de lui même, cette introspection qui s'apparente par certains aspects à l'univers de Lynch fait plus sourire qu'elle ne convainc. On devine le bon vouloir, on sent la volonté de bien faire mais au final Powell ne fait qu'accumuler une série de clichés et de scènes un peu trop répétitives, trop conventionnelles pour vraiment être persuasives. S'il
n'est guère difficile de comprendre les tenants et aboutissants d'une intrigue peu innovatrice, s'il est assez facile de deviner qui se cache derrière l'ombre infernale, si Powell a du mal à contenir un suspens un peu trop délayé, si sa mise en scène recèle bien des faiblesses et se révèle souvent maladroite, on regrettera surtout l'utilisation d'éléments mystiques plutôt ridicules car mal employés (la séance des tarots) et la résolution de l'énigme mal amenée et surtout trop rapide, perdant de la sorte beaucoup de sa crédibilité. Comme par magie, toutes les pièces du puzzle et par la même celles de la vie de Paul se mettent soudainement en place dans l'esprit de ses amis qui foncent à son secours et le sauvent ainsi d'un sort atroce.
Outre un sentiment de frustration, c'est un peu déçu qu'on sort du visionnage de ce thriller dont l'interprétation reste assez inégale. Le choix du jeune Alexander Bracq dans le rôle de Paul y est pour beaucoup. Alors que Paul est censé représenter la beauté masculine ultime, être celui à qui aucun homme ne peut résister, il est extrêmement surprenant que ce rôle de garçon fatal ait été confié au bien peu fantasmatique Alexander, comédien au physique plutôt fade, ingrat et mono expressif. Peu convaincant dans la peau de ce personnage difficile, il est assez difficile de s'y attacher. Ce choix est d'autant plus incompréhensible que la majorité de ses partenaires y compris les seconds rôles ont été choisi pour leur beauté physique,
jeunes éphèbes droit sortis de revues masculines spécialisées propre au rêve et à la luxure.
Malgré ses défauts, sa relative facilité, ses clichés, Seeing heaven est un thriller qui brille par bon nombre de qualités qui le rendent par instant captivant. Outre un scénario truffé d'excellentes idées certes pas toujours très bien agencées mais qui jouent la carte de l'audace, le film de Powell joue beaucoup sur son visuel, un esthétisme froid, très clippé où se mêle toute une imagerie fantastique qui flirte avec l'horreur. Crypte secrète, escaliers jonchés de bougies qui semblent mener droits aux Enfers, ombres fantomatiques, doppelganger insaisissable, flashes et visions effroyables et surtout cette inquiétante
silhouette noire drapée dans un long manteau cintré, armé d'un couteau, qui n'est pas sans rappeler le Pinhead de Hellraiser, le visage recouvert d'un horrible masque blanc quasi irréel, un univers aux réminiscences sadomasochistes qui appuie le clin d'oeil à Barker. Autre atout du film, la beauté de ses jeunes comédiens que Powell met sans cesse en valeur même si Seeing heaven reste malheureusement un peu trop sage au niveau des scènes de sexe si on excepte une ou deux séquences, magnifiques, brulantes, incandescentes illustrations des amours masculines comme en témoigne l'ouverture du film, les ébats frénétiques entre Paul et un client. Peu de nudité si ce n'est dorsale, l'homo-
érotisme se traduit essentiellement par une imagerie fortement sexualisée, une multitude de plans de jeunes garçons évoluant en slip blanc pour mieux titiller l'imagination du spectateur séduit par ces corps graciles qui s'enlacent, se caressent, se frôlent dans une atmosphère douillettement sodomite accentuée par l'argument ressort aussi provocateur qu'original du film: coucher avec un maximum de partenaires pour découvrir la vérité. Si parfois celle ci se trouve au fond d'un verre dit-on, c'est au fond d'un cul que Powell la dissimule... pour notre plus grand bonheur!
Rythmé par une lancinante musique aux accents techno, baignant dans des éclairages qui privilégient les tons vifs rouge, bleu et vert, Seeing heaven derrière son scénario intrigant, sa
symbolique évidente, tente également de dresser à sa façon le portrait d'une jeunesse homosexuelle perdue dans un monde où elle ne parvient plus à faire la différence entre le rêve, le fantasme et la réalité, le sexe pour le sexe, la pornographie et le véritable amour. Elle s'égare dans un narcissisme destructeur, en quête d'un double soi, d'une beauté inaccessible jusqu'à flirter avec une forme de dangereuse schizophrénie. A travers sa quête, sa folie, ses penchants irréfrénables pour les plaisirs sexuels extrêmes, c'est cette jeunesse que personnifie en fait Paul.
Derrière sa facilité et ses défauts, le film de Powell est bien plus intelligent qu'il n'y parait, c'est là son ultime atout. Aussi inégal soit il, à défaut d'être une totale réussite, Seeing heaven est un thriller gay stylisé souvent passionnant, fascinant par bien des égards qui mérite toute l'attention de l'amateur emporté par le tourbillon de cette enquête sodomite. Ouvrons grand nos postérieurs qu'on y jette un oeil!