Frisk
Autres titres:
Réal: Todd Verow
Année: 1995
Origine: USA
Genre: Horreur / Erotique gay
Durée: 90mn
Acteurs: Michael Gunther, Michael Stock, Alexis Arquette, Raoul O'Connell, Craig Chester, Jaie Laplante, Parker Posey, James Lyons, Michael Waite, Mark Ewert...
Résumé: Dennis vit depuis son adolescence une homosexualité perturbée. Si jadis il prenait son plaisir dans des revues porno hard à travers lesquelles il vivait ses pires fantasmes, il cherche désormais à reculer les limites de ses désirs les plus pervers en s'adonnant aux expériences sado-masochistes. Entre cauchemars et réalité, il sombre peu à peu dans une folie morbide tentant d'atteindre la jouissance ultime dans les plaisirs extrêmes y compris la mort...
Premier film du réalisateur américain Todd Verow, Frisk qu'on peut rapprocher du roman Le corps exquis de Poppy Z Brite nous plonge dans l'univers démentiel de Dennis, un jeune gay qui cherche à vivre ses fantasmes sexuels jusqu'aux limites de l'imaginable qu'il ne cessera de reculer, un monde où amour et plaisir sexuel riment avec souffrances et mort.
Frisk est un véritable serial killer gay particulièrement dérangeant et malsain, un voyage au bout de l'horreur. Cette plongée vertigineuse dans la perversion et le sadisme risque de mettre dés l'ouverture le spectateur dans un état de malaise constant qui ne cessera de croitre jusqu'au paroxysmique final.
On suit donc le héros, Dennis, qui déjà à quinze ans vivait son homosexualité de façon étrange en fantasmant sur des revues porno qui prennent vie sous ses yeux et l'entrainent dans une sorte de tourbillon d'images où les corps ardents de désir s'entremêlent et se sodomisent violemment, un véritable kaléidoscope obscène qui l'avale comme il avale le spectateur dans cet univers de démence naissante.
Adulte, il vit ses fantasmes à travers les lettres qu'il écrit à ses amants d'une nuit, imaginaires ou non, dans lesquelles il étale ses obsessions macabres.
Parallèlement à la vie de Dennis, une voix-off, judicieusement utilisée afin de renforcer l'effet de malaise, nous informe que des nouveaux cadavres sont trouvés chaque jour, parfois mutilés et jetés dans des sacs poubelle. La caméra de Verow filme les corps de façon quasi documentaire dans un défilé d'images morbides qui se fondent dans la réalité, une tornade dévastatrice filmée de façon saccadée qui n'est pas sans rappeler Requiem for a dream.
Parfois plus insoutenables que les images sont les mots qu'utilise Dennis pour décrire ses fantasmes, obscènes, orduriers. Il nous fait vivre ainsi dans les moindres détails ses obsessions macabres, ses perversions, contant avec précision ses relations intimes abjectes.
L'univers de Dennis ressemble aux univers délabrés des films underground de Paul Morrissey. On y fornique dans des chambres poisseuses lors de sex-parties graveleuses durant lesquelles on se shoote et s'enivre tandis que des junkies s'adonnent aux pires excès dans les salles de bains et urinoirs. Les corps sont comme des pantins flasques, de la chair dont on use et abuse consentants ou non, pour assouvir ses pires désirs.
Il n'est jamais question d'amour dans Frisk, tout n'est que sexe et "baise". Le sang se mélange au sperme tandis que la salive se mêle à celle de l'autre quand on ne s'enduit pas de crachats. Ce sont les prémices d'un sadomasochiste naissant où on enfonce des cigarettes allumées dans les anus, on brûle la chair, on fesse jusqu'au jour où Dennis voudra aller encore plus loin et reculer encore plus ses propres limites.
Dès lors, Frisk se transforme en une sorte de cauchemar dont on ne distingue plus réellement l'imaginaire de la réalité. On passe de l'un à l'autre en une suite de tableaux sadiens quasi-surréalistes dans lesquels on cherche ses repères pour mieux se perdre à l'instar de Dennis qui se perd dans sa folie. Mais peut être est ce mieux de ne plus dicerner le vrai de l'imaginaire.
Désormais Dennis ira chercher l'extase dans la souffrance, la torture physique et la mort. C'est dans le sang et la chair meurtrie qu'il trouvera le plaisir sexuel. Frisk se mue alors en une fresque de l'abominable, une vision de l'enfer que Sade n'aurait pas renié. S'il préfère par instant suggéré, Verow nous offre un catalogue d'atrocités sexuelles assez hallucinantes. Du punk violé avec une bouteille de bière au garçon frappé à coups de tessons pour finir électrocuté par une prise de courant sodomite, Verow va lentement sombrer dans le snuff lorsque Dennis rencontrera un photographe de l'extrême et son amie. C'est alors le point de départ d'un voyage au bout d'une horreur sans nom.
Frisk se transforme en une sorte de cinéma-vérité ignoble et nauséeux où la caméra du photographe filme la torture, l'agonie et la mort des victimes. On soulignera ici la fabuleuse interprétation d'Alexis Arquette dans la peau de ce punk drogué, lacéré au couteau puis violé et sodomisé avant d'être étouffé par des billets de banque puis pendu. Le plus effrayant ici est peut être la passivité, l'impassibilité de ses bourreaux qui filment le calvaire et l'agonie du la victime comme ils filmeront la torture et la mort d'un jeune adolescent qu'ils ligoteront, scotcheront, humilieront et violeront. Verow filme la séquence en plans couleur alors que la caméra de son personnage filme l'agonie de l'adolescent en un noir et blanc maladif, les deux s'intercalant parfaitement en un ballet d'images insupportables dont l'absence de tout son rend encore plus insupportables.
Dennis n'a dorénavant plus qu'une seule étape à franchir, l'ultime, la plus terrible. Le plaisir extrême sera désormais de tuer par amour. Ce n'est plus Eros et Thanatos mais Eros EST Thanatos. Amoureux depuis longtemps de Kevin, le jeune frère de son amant, Dennis a toujours vu en lui la pureté et l'innocence, refusant qu'il assiste à ses ébats.
Ce voyage au bout des plaisirs/supplices suprêmes ne pouvait se terminer que par la mort de celui qu'on aime le plus, illustrant l'expression aimer à en mourir. Dennis étouffera Kevin dans un sac en plastique translucide afin que de rien perdre de cette mort. Verow filme son regard éperdu d'amour pour son amant-bourreau jusqu'à ce qu'il rende son dernier souffle. Dennis pourra alors profiter de ce corps vide de vie mettant un terme à sa quête sordide des plaisirs extrêmes et sa folie.
Frisk fut interdit à sa sortie en Amérique et lors de sa présentation à divers festival gay où il fut hué pour homophobie profonde. S'il est vrai que Verow ne retient de l'univers gay que la perversion, la perversité, l'obscénité, la saleté, le coté abject du sexe, Frisk est aussi un film sur la recherche des plaisirs extrêmes si chers à Sade dans l'esprit d'un jeune homosexuel obsédé recherchant l'Extase ultime. Homo ou hétéro, le propos du film est identique. C'est l'affrontement de l'érotisme hard et de la violence, l'impact de la pornographie sur le psychologisme, la trajectoire d'un adolescent obsédé par le sexe qui d'étapes en étapes ira vers des plaisirs toujours plus forts et la frontière entre le sadomasochiste et la réalité de la mort est parfois bien ténue chez certains esprit dérangés.
Morbide, désespéré, provoquant, Frisk est d'autant plus dérangeant que Verow filme sous couvert d'une certaine réalité. Son film est à l'image d'un documentaire choc sordide pris sur le vif.
Soutenu par la macabre et lancinante musique du groupe Coil, Frisk est une suite de tableaux démentiels, sulfureux, pervers quasi surréalistes que traversent des êtres tous aussi paumés les uns que les autres à la recherche d'un moment de plaisir. Drogues dures, alcools, sida, désespoir rien ne manque à cette fresque incroyable, véritable plongée aux Enfers.
Frisk marquera longtemps les esprits et le malaise qu'il suscite perdurera encore longtemps après que le mot Fin soit apparu à l'écran.