I due volti della paura
Autres titres: Les deux visages de la peur
Real: Tulio Demicheli
Année: 1972
Origine: Italie / Espagne
Genre: Giallo
Durée: 85mn
Acteurs: George Hilton, Fernando Rey, Luciana Paluzzi, Anita Strindberg, Manuel Zarzo, Luis Dávila, Eduardo Fajardo, Antonio del Real, Carla Mancini, Teresa Guayda González, Dinorah Ayala...
Résumé: Les docteurs Michele Azzini et Paola Lombardi, tous deux fiancés, sont les assistants du professeur Roberto Carli. Carli dirige la clinique de sa femme, Elena. qui se trouve être la maitresse de Michele. Lorsqu'elle apprend qu'il projette de quitter la clinique pour s’établir à Rome avec Paola, Elena qui souffre de problèmes cardiaques tente désespérément de lui faire changer d'avis en lui proposant de devenir son associé. C'est alors que Azzini est assassiné. Le Professeur Carli qui fut quelques années plus tôt victime d’une dépression est le premier à être suspecté par l'inspecteur Nardi, chargé de l'enquête. Paola est elle aussi sur la liste des suspects lorsque Nardi découvre qu'elle est sur le point d'hériter d’une très importante police d’assurance vie...
Réalisateur argentin peu connu spécialisé dans le western et le film d'espionnage, Tulio Demicheli tente en 1972 de s'infiltrer dans un nouveau filon alors très à la mode en Italie, le giallo. Alors à son apogée, le genre fut repris par l'Espagne qui bien des fois essaya d'égaler les italiens sans jamais vraiment y parvenir. I due volti della paura sorti chez nous sous sa traduction littérale Les deux visages de la peur ne déroge pas à la règle.
Malgré un titre qui rappelle le film de Mario Bava, il n'existe cependant aucun lien entre eux puisqu'il s'agit avant tout d'un clin d'oeil au célèbre metteur en scène. I due volti della paura malgré quelques références aux thrillers d'Argento ressemble en fait beaucoup plus à un krimi (le thriller à l'allemande) sur fond mélodramatique auquel on aurait ajouté quelques éléments du giallo traditionnel. Autant dire qu'on s'intéresse beaucoup plus ici aux différentes histoires d'amours et autres problèmes de coeurs des divers protagonistes qu'à l'intrigue elle même, d'une étonnante simplicité. Si simple qu'on envisage un retournement de situation final qui bien entendu n'arrivera pas.
L'action se situe dans une clinique privée, celle d'Elena, l'épouse du professeur Carli. Elena est éprise de Michele, un des assistants de son mari, lui même fiancé à Paola, elle aussi employée à la clinique. Si les deux femmes font bonne figure, elles se jalousent. Lorsque Elena apprend que Michele veut quitter la clinique pour se marier et s'installer à Rome, elle fait tout pour le retenir jusqu'à lui proposer de devenir son associé. C'est alors que Michele est assassiné. Les soupçons se portent de suite sur l'époux de Elena puis sur Paola qui s'apprête à toucher une importante assurance-vie. Seul témoin du meurtre est un perroquet que l'assistant du commissaire tente en vain de faire parler.
Au vu du nombre restreint de suspects et de l'absence de tout véritable suspens, il est assez facile, voire enfantin, de découvrir l'identité du tueur qui ne sera donc en rien une surprise.
L'amateur un brin exigeant en la matière ne se rattrapera pas non plus sur les meurtres, très peu nombreux puisqu'on en dénombre seulement deux, bien peu grandiloquents et sanglants mais plutôt classieux (le corps de l'homme chutant au ralenti sur une table de verre couverte de fleurs rouges) encore moins sur la complexité de l'intrigue. Malgré sa simplicité Les deux visages de la peur, jamais réellement ennuyeux, retient cependant l'attention d'une part grâce à une interprétation tout à fait convaincante d'une jolie brochette d'acteurs tout aussi convaincants qui parviennent à rendre intéressant voire par instant captivant un film qui pourtant manquait dés le départ de piquant. On appréciera donc les prestations fort honorables de George Hilton, Luciana Paluzzi et la toujours aussi altière Anita Strindberg aux cotés de Eduardo Fajardo, Fernando Rey et Manuel Zarzo pour la partie ibérique.
Demicheli par quelques astuces scénaristiques apporte d'autre part quelques originalités à une histoire qui en est un peu trop dépourvue. Assez amusantes sont ainsi les tentatives de l'inspecteur pour tenter d'arrêter de fumer comme est plutôt originale l'introduction d'un perroquet comme seul témoin de l'assassinat avec lequel l'assistant de l'inspecteur essaie d'entrer en communication. Peut être est-ce là un clin d'oeil aux gialli animaliers italiens et plus particulièrement à Argento. Il est dommage que cet élément n'ait pas été plus approfondi. Bénéficiant d'une jolie photographie et surtout d'une magnifique partition musicale signée Franco Micalizzi dont un thème rock psychédélique envoutant, un des atouts majeurs de ce petit krimi-giallo, I due volti della paura demeure aujourd'hui particulièrement fameux pour sa très longue opération chirurgicale à coeur ouvert (une dizaine de minutes en tout) qui fut réalisée sans aucun trucage dans une véritable clinique à Madrid. Très proche du documentaire, du mondo movie pourrait-on dire, c'est là le clou du film qui devrait tout spécialement plaire aux inconditionnels
de séquences choc extrêmes et autres amateurs de plans chirurgicaux détaillés mais donner des hauts le cœur à tous les autres. Demicheli filma en fait l'opération de sa propre femme qui souffrait de problèmes cardiaques et l'intégra au film. Il y inséra les plans fort réalistes des comédiens censés opérer insistant sur les incessants jeux de regard entre Anita Strindberg, George Hilton et Fernando Rey, créant ainsi non seulement une véritable tension dramatique trop absente jusqu'alors mais également un réel climat d'angoisse, la jeune femme étant persuadée qu'on l'assassinera lors de son opération. Voilà tout simplement un petit tour de force comme seule l'Italie savait alors en faire afin de donner du piquant à une œuvre un peu fade à qui il manque de relief. On reconnaitra également à Demicheli un certain sens de la mise en scène, fluide et sans temps mort, tout spécialement maitrisé lors de deux séquences, celle de la traversée de la ville en voiture non dépourvue d'humour de surcroit et celle, nerveuse, de la longue et inquiétante filature de Elena.
I due volte della paura malgré son coté téléfilm dramatique et sa simplicité scénaristique est un honnête petit krimi-giallo, sobre mais jamais totalement inintéressant. S'il risque de décevoir ceux qui du genre attendent des flots d'hémoglobine engendrés par une vague de folie humaine, un suspens à trancher au couteau bien aiguisé, cette seule et unique incursion de Demicheli dans ce domaine cinématographique bien spécifique reste un sympathique divertissement à découvrir avant tout dans sa version italienne, le doublage français étant malheureusement une véritable catastrophe qui détruit une bonne partie du film.