Kwaheri: vanishing Africa
Autres titres: Kwaheri the forbidden
Real: Thor J. Brooks / David Chudnow
Année: 1964
Origine: USA
Genre: Mondo
Durée: 76mn
Acteurs: Les Traymane (narrateur)
Résumé: Une expédition part au coeur de l'Afrique Noire afin d'y retrouver un sorcier guérisseur qui vivrait au coeur d'un village. On va alors assister aux guérisons miracle qu'il est censé pratiquer mais également découvrir la cruauté de la nature et de l'homme qui doit survivre dans cet environnement sauvage ainsi que les rites tribaux et traditions ancestrales les plus barbares des peuplades primitives...
Kwaheri, mot d'origine africaine qui signifie Adieu, est le premier mondo africain à n'avoir pas été tourné par des italiens. Il fait donc pour cela figure de précurseur dans l'histoire de ce genre particulièrement controversé. Réalisé par le tandem Thor J. Brooks et David Chudnow, Kwaheri: vanishing Africa est également un des mondos africains les moins percutants, loin derrière ceux dirigés par les frères Castiglioni et ceux de Jacopetti et Prosperi, même s'il se veut beaucoup plus éthique dans l'aspect documentaire.
Lors de sa sortie les affiches publicitaires mettaient essentiellement en avant deux points afin d'attirer l'attention du public. Le premier, très sexuel, se focalisait sur une orgie entre pygmées et les pouvoirs surnaturels qu'exercent les sorciers guérisseurs sur les femmes, le deuxième quant à lui, beaucoup plus brutal, s'axait autour du sacrifice d'une vierge brûlée vivante lors d'un rite de fertilité. En fait, la quasi totalité du film traite des rites ancestraux de peuplades primitives, souvent barbares, mais il faut avouer que Kwaheri est loin d'égaler les futurs mondos italiens et ne va pas aussi loin que ces derniers dans l'horreur et l'abject. Il n'en a pas non plus ni la force ni la vitalité.
Le film tend à montrer les changements que l'Afrique a subi au fil du temps, le contraste entre l'Afrique d'hier et celle d'aujourd'hui mais combien sont restées importantes les anciennes traditions tant sociales que religieuses sur le continent noir. C'est du moins ce que le discours d'ouverture veut nous faire croire, un peu comme le faisait Africa addio de Jacopetti. Commence alors véritablement le film avec toute une série de séquences propre aux mondos à commencer par quelques massacres d'animaux bien réels dont la mise à mort et la mutilation d'éléphants et d'antilopes, de rhinocéros, d'hippopotames, de serpents... Si nous explique t-on ces tueries barbares sont vitales pour la survie des peuplades, d'autres sont le fruit de contrebandiers qui en ont fait leurs principales sources de revenus. Ces quelques scènes sont entrecoupées de plans de personnes atteintes de la lèpre, de bébés souffrant d'abcès buccaux, d'un enfant atteint d'un cancer qui forme sur son oeil une répugnante tumeur de la taille d'une orange.
Voilà un bel enchainement certes sordide mais assez bien vu pour plonger le spectateur au coeur d'une très belle expédition dans la jungle dont le but est de retrouver un véritable sorcier guérisseur qui officierait au coeur d'un village perdu. Si ces pratiques sont désormais interdites, elles ont pourtant encore cours chez certaines tribus. Et c'est un vrai miracle puisque l'expédition arrive juste au moment où il est supposé guérir sans aucune anesthésie une femme d'une tumeur au cerveau. C'est là une des scènes choc de Kwaheri qui pourra en révolter certains parmi les plus sensibles. Si apparemment la vieille femme ne souffre en fait que de simples maux de tête, cela n'empêche pas le sorcier de lui ouvrir le crâne à mains nues afin de mettre à jour le cerveau, lui extraire ce qui ressemble à un énorme boule de chair puis refermer la plaie à l'aide de feuilles de bananier, le tout filmé avec un nombre impressionnant de détails cliniques écoeurants. Fier de lui, le sorcier boit alors une bière et parade dans le village devant toute une file de patients.
Si cette séquence est une des plus spectaculaires, le clou du film reste cependant la seconde qui devrait certes en choquer plus d'un mais satisfaire tous les amateurs d'atrocités visuelles. L'équipe nous dirige dans un village de pygmées qui s'apprêtent à donner en sacrifice au Dieu Noir une vierge. Enveloppée de feuilles, la jeune fille est mise sur un bûcher pour y être brûlée vivante. Les pygmées, entièrement nus, sous l'emprise de narcotiques, commencent alors une étourdissante et frénétique danse tribale alors que d'autres allument le brasier. Le corps de la jeune fille est lentement réduit en cendres. Hypnotique, cette très longue séquence se transforme vite en une sorte de cauchemar oppressant. C'est sur cet incroyable rite que le film se terminera tandis que le narrateur, l'acteur Les Traymane, de sa voix solennelle dira adieu à cette vieille Afrique. Kwaheri old Africa!
Prétendre que la jeune fille a réellement été sacrifiée est bien difficile à dire ici. Jamais on ne voit vraiment le corps brûler puisqu'il est caché dans un cercueil de feuilles mais comme pour la plupart des mondos il est peu probable que ces images soient réelles. Il est fort plausible qu'une indigène ait été réellement choisie et recouverte de feuilles pour ce rite puis par la magie du montage et des images d'archives, on a interposé les images de la crémation d'un corps lors d'une cérémonie funéraire. Appuyé par les commentaires aussi didactiques que funestes du commentateur, l'effet est saisissant.
Ce type de supercherie est monnaie courante et on sourira face à un certain nombre de scènes totalement fabriquées pour le besoin du film notamment celle où une femme est supposée se retrouver face à un anaconda géant perché sur l'arbre qui se dresse face a sa caravane! Si la femme joue très mal la surprise puis la terreur, comment ne pas exploser de rire lorsqu'en moins de dix secondes une équipe de spécialistes arrive en courant pour capturer sans mal l'animal!
Si on excepte ses deux séquences choc, Kwaheri, outre le fait qu'il soit dans un sens le père du mondo africain à qui l'Italie donnera quelques années plus tard ses lettres de noblesse, est un mondo peu énergique et sans grande surprise mais qui dans un certain sens satisfera les amateurs du genre du moins en tant qu'apéritif. Sous ses airs de documentaire ethnique sérieux, Kwaheri: vanishing Africa n'est une fois de plus qu'un joli prétexte pour étaler sur fond de savane verdoyante toute une série d'images plus révoltantes les unes que les autres afin de combler ainsi la soif de voyeurisme et de perversion du spectateur. Et quel continent mieux que l'Afrique, cette terre de merveilles et de beauté comme le répète le narrateur, pouvait en être la source!
Le réalisateur et producteur David Chudnow travaillera par la suite pour Herschell Gordon Lewis.