Africa addio
Autres titres: Adieu Afrique / Africa blood and guts / Farewell Africa
Real: Gualtiero Jacopetti / Franco Prosperi
Année: 1966
Origine: Italie
Genre: Mondo
Durée: 139mn
Acteurs: Sergio Rossi ( Le narrateur)...
Résumé: Les réalisateurs nous entraînent dans l'Afrique des années 60 à la fin de l'ère du colonialisme. Ils tentent de montrer les effroyables conséquences du colonialisme sur un continent en quête de liberté et d'indépendance. Le renversement du gouvernement du Kenya, le terrorisme Mau Mau, la guerre civile au Congo, la révolution au Zanzibar, les émeutes de Dar es Salaam, le génocide des Watusi au Rwanda et les révoltes en Angola, l'esclavagisme, les carnages, les tortures... sont ainsi au programme et montrés sans détour par Jacopetti et Prosperi...
Troisième collaboration entre Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi, Africa addio est de loin le plus violent et surtout sanglant des mondos que le tandem réalisa. Après le choc que fut Mondo cane en son temps et avant le controversé Addio zio Tom, Africa addio se veut un documentaire sans concession sur la fin du colonialisme et ses effroyables répercutions sur l'Afrique du début des années 60. C'est au coeur de ces événements que ce sont retrouvés les réalisateurs comme pris au piège par ces sanglants bouleversements, le chaos politique et les changements révolutionnaires qu'ils tentent de filmer de la plus réaliste des façons.
Beaucoup verront dans Africa addio une sorte d'apologie du colonialisme dans un pays en quête de liberté et d'indépendance, une quête qui permit à d'odieux personnages de s'enrichir avec l'appui de l'Occident tout en accentuant la misère et la détresse de leurs compatriotes. Le tandem qui avoua avoir plusieurs fois frôlé la mort lors du tournage plonge au centre de l'hécatombe avec un sens aigu de la complaisance et du voyeurisme . Si Africa addio est un témoignage cinglant sur toute une tranche de l'histoire et du colonialisme et ses ravages sur le peuple de tout un continent, il n'en demeure pas moins un véritable mondo avec tout ce que cela signifie de gratuité et de séquences falsifiées afin de satisfaire les attentes d'un certain public.
Africa addio peut se vanter de comporter cette fois de nombreuses scènes d'exécutions publiques fort réelles, de morts non simulées que la caméra filme avec insistance et autres carnages pris sur le vif lors notamment de conflits et luttes entre tribus se déroulant dans la plus totale anarchie. Révolutionnaires mitraillés dos au mur, exécution d'une balle dans la tête puis dans la poitrine d'un citoyen noir paniqué vertement malmené par un groupe de mercenaires blancs en uniforme, gros plans sur des cadavres en décomposition, mutilations diverses, charniers humains... sont quelques unes des horreurs que les réalisateurs filment le plus souvent à moins de trois mètres avec une détermination plus que morbide, presque fascinante. Toujours aussi solennelle et condescendante la voix du narrateur tente de justifier cette cruauté en affirmant notamment que l'homme noir sommairement exécuté avait brûlé 27 enfants ce qu'on devine bien évident totalement faux.
Si l'être humain tombe devant l'objectif implacable de Jacopetti et Prosperi, les massacres d'animaux sont eux aussi légion, insoutenables, comme cette famille d'hippopotames contre laquelle un groupe d'indigènes va se déchaîner. Après avoir abattu les deux parents qui tentaient de protéger leur progéniture, ils vont s'acharner sur le bébé animal, lentement, longuement, prenant un plaisir sidérant à le faire souffrir avant de le poignarder, le harponner, le frapper à coups de hachette. Agonisant, le bébé hippopotame sera achevé, découpé vivant après que sa langue et sa gorge ait été tranchées. On peut se demander le véritable intérêt de cette séquence clairement planifiée, préparée puis filmée si ce n'est celui de choquer et écoeurer un public avide de sensations fortes tout en flattant ses instincts les plus vils et pervers, un des objectifs premiers des amateurs de ce sous genre du cinéma d'exploitation.
Quelque soit l'impact documentaire du film et le nombre de scènes prises sur le vif dans un pays à feu et à sang il reste tout aussi hypocrite que n'importe quel autre mondo puisque Africa addio comporte également de nombreuses séquences simulées et reconstruites tout spécialement en studio. Outre l'utilisation d'une bande son signée Riz Ortalani qui accentue à l'extrême leur impact on compte parmi celles ci l'arrestation et la condamnation d'un groupe de Mau Mau qu'un savant doublage rend encore plus sévère. Si le juge les condamne en fait à quatre ans de réclusion le doublage transforme la sentence en travaux forcés à vie, bien plus spectaculaire pour le public. Le massacre d'un groupe de civils d'origine arabe qui tente d'échapper à leurs poursuivants n'est lui aussi qu'un intelligent montage orchestré par les réalisateurs eux-mêmes.
Comme ils l'avaient déjà fait jadis pour Mondo cane les réalisateurs ne se privent guère de pimenter le film de commentaires et dialogues racistes, un autre élément récurrent du mondo africain, tentant ainsi de démontrer que l'Homme noir est non seulement un primitif, un être non civilisé mais également un cannibale . L'exemple le plus frappant est la réflexion du narrateur lors de la scène où un foie humain gît aux pieds d'un indigène. "Il est inutile de se demander pourquoi il est là" dit-il sous-entendant que l'homme noir l'a tué et mangé la malheureuse victime à qui appartenait cet organe.
Africa addio s'il peut être considéré comme une forme d'apologie du voyeurisme d'un certain journalisme essaie pourtant de dénoncer le total désintérêt voire le mépris de l'Occident pour tout un continent, une Afrique de carte postale qui derrière son romantisme et sa beauté cache sa profonde détresse. Les relents racistes des réalisateurs peuvent quant à eux être interprétés comme l'expression de notre société dite civilisée qui bien souvent clame haut et fort qu'elle sait ce qui est bon ou pas pour l'Afrique et son peuple mais fait bien peu de choses pour lui venir en aide.
Si Africa addio reste et restera malgré tout qu'un mondo derrière son aspect documentaire historique, un parfait exemple de cinéma d'exploitation malsain et particulièrement complaisant, il fait partie quoiqu'il en soit des meilleurs films du genre, intelligemment construit et monté contrairement à beaucoup d'autres qui se contentent trop souvent de coller parfois avec maladresse quelques séquences improvisées sur une kyrielle d'images d'archives.
Nauséeux, violent, Africa addio est comme tout film du genre à réserver à un public averti bien spécifique qui y trouvera tout ce qu'il attend de ce type de cinéma.
A sa sortie en salles le film connut de très gros problèmes avec la censure. Outre les accusations d'encouragement à la violence et à la mise à mort pour les besoins d'un film contre lesquelles les réalisateurs durent répondre devant la justice, les salles où le film devaient être projetés furent mises à sac quand elles ne furent pas menacées d'attentats à la bombe notamment à Bologne et Berlin. Jacopetti et Prosperi gagnèrent les procès en démontrant qu'aucune des accusations n'était fondée.
Africa addio fut un succès critique qui décrocha l'équivalent d'un Oscar en Italie. Le film fut redistribué quatre ans plus tard aux USA sous le titre Africa blood and guts, une version expurgée de nombreuses scènes.