La mano che nutre la morte
Autres titres: The hand that feeds Death / Evil face
Real: Sergio Garrone
Année: 1974
Origine: Italie / Turquie
Genre: Horreur
Durée: 90mn
Acteurs: Klaus Kinski, Katia Christine, Ayhan Isik, Erol Tas, Carmen Silva, Stella Calderoni, Marzia Damon, Alessandro Perrella, Osiride Peverello, Bruno Arie, Luigi Bevilacqua...
Résumé: Le carrosse d'un couple de jeunes mariés est victime d'un accident. Ils sont recueillis par l'étrange professeur Nijinski qui les héberge dans son château où séjourne déjà d'autres jeunes gens. La jeune mariée, Macha, est assez vite intriguée par le fait que l'épouse du professeur, Tania, refuse de se montrer. Elle vit recluse quelque part dans la manoir. L'angoisse se fait encore plus ressentir lorsqu'une des jeunes filles a la preuve que sa soeur disparue a séjourné au château. La découverte des activités secrètes du scientifique va les plonger au coeur de l'horreur. Il assassine en effet les jeunes filles de passage, leur vole leur peau afin de redonner visage humain à son épouse lors d'horribles greffes. Le professeur n'avait cependant pas prévu la réaction de sa femme une fois sa beauté d'antan retrouvée. Egoïste et cruelle, elle le renie puis l'assassine. C'était sans compter le cruel sort du destin...
Tourné simultanément avec Le amanti del mostro, La mano che nutre la morte ne pourrait en fait ne faire qu'un avec ce dernier. Le film ne serait en effet qu'une de ces nombreuses opérations commerciales purement italiennes mises en place pour des questions de coproduction, dans ce cas précis la Turquie. Les mystères quant aux deux films sont nombreux et les interrogations se multiplient. Pourquoi ne trouve t-on aucune trace de la production turque en Italie? Pourquoi en Italie les célèbres acteurs turcs, Ayhan Isik et Erol Tas, ne sont ils pas crédités au générique? Garrone n'aurait il pas tourné qu'un seul et unique film, à savoir La mano che nutre la morte, repris ensuite par la Turquie pour en réaliser un deuxième, Le amanti del mostro? On y retrouve les mêmes acteurs, les mêmes décors, les mêmes costumes et plus étrange, des scènes entières sont reprises dans Le amanti del mostro, certaines redoublées. L'ultime détail qui frappera l'amateur est l'utilisation inattendue d'une doublure bien visible pour certaines scènes où Kinski opère son épouse. Tout cela reste bien entendu hypothétique et la vision de la version turque pourrait peut être amener quelques éclaircissements.
En l'état La mano che nutre la morte représente un des ultimes sursauts du cinéma d'épouvante gothique italien et non un des moindres. Peu connu, le film n'est en rien original. Garrone, inoubliable metteur en scène de quelques westerns-spaghetti, Django le bâtard et Una lunga fila di croce, et des inoubliables nazisploitations Horreurs nazies et SS camp 5: enfer de femmes, se contente de reprendre à sa façon les grands thèmes du cinéma gothique anglais et leur visuel immortalisés par la Hammer, à savoir l'utilisation comme lieu d'action d'un château sinistre et ses cryptes habité par un scientifique fou et son serviteur difforme. S'y perd un groupe de jeunes personnes qui vont y découvrir l'horreur. Garrone y ajoute une bonne dose d'éléments propre au cinéma d'exploitation italien d'alors et le tour est joué.
L'histoire située dans la Russie du début du siècle n'a quant à elle rien d'originale puisque Garrone se contente de reprendre ligne pour ligne l'histoire des Yeux sans visage en y accentuant et l'aspect gore et l'érotisme dont un zeste de saphisme. Afin de redonner un visage humain à sa femme défigurée dans un incendie le professeur Nijinski pratique des greffes de peau sur de jeunes et jolies victimes qui ont la malchance de séjourner dans son château. Suite à un accident de carrosse, un couple de jeunes mariés et leurs amis sont recueillis par le professeur qui ne tarde pas à piéger les jeunes femmes. S'il redonne enfin visage humain à son épouse, il n'avait pas prévu sa trahison après qu'elle ait retrouvé sa beauté d'antan.
Malgré ce manque d'originalité, il faut reconnaitre que La mano che nutre la morte est une petite réussite, une de ces perles rares qu'il fait bon visionner tant le plaisir est grand. Tourné à Elios, un endroit où furent réalisés bon nombre de westerns-spaghetti, le film rassemble tous les éléments qui fit le succès du cinéma gothique. On se régalera devant ce manoir ornés de tableaux ancestraux, de chandeliers, de tentures, ces chambres et ces couloirs inquiétants où errent de belles damoiselles en costumes d'époque, de cette crypte où trône un cercueil. Si le serviteur difforme, muet et boiteux, pourra par instant prêter à sourire, on appréciera la façon dont son maitre le rappelle à l'ordre en lui infligeant le son insupportable d'un diapason qui le fait se tordre de douleur.
Mais les principaux atouts de ce film aux prédominantes rouges, jaunes et orangées ce sont d'une part la prestation de Klaus Kinski dans la peau du professeur fou, toujours aussi délirant et inquiétant, et d'autre part l'insistance obsessionnelle de Garrone à filmer de façon très clinique les greffes de peau. Cela nous vaut quelques très plaisantes séquences gore où visages écorchés, dépeçage et charcutage au bistouri se succèdent pour notre plus grande joie. Cette exagération dans l'abominable est très représentatif d'un certain cinéma d'exploitation transalpin des années 70 au même titre que cet érotisme parfois gratuit notamment cette touche de lesbianisme entre Marzia Damon et Stella Calderoni.
Garrone entretient également un coté parfois malsain, voire pervers notamment dans la relation qu'entretient l'épouse du Professeur avec le serviteur. Vivant recluse dans une chambre dénuée de tout miroir, un poupon dans les bras, le visage à jamais dissimulé derrière un voile noir, elle satisfait ses désirs sexuels avec ce monstre libidineux.
Si le douloureux final plutôt téléphoné et donc peu surprenant pourra un brin décevoir, on regrettera par contre certaines note d'humour assez incongrues et l'incohérence de quelques scènes. Ainsi découvre t-on par le biais d'une inscription sur son sépulcre que le père de Tania s'appelait Ivan Rassimov... nom d'un célèbre acteur italien!! Devrait on y voir un clin d'oeil caché? On sourira face à l'accident de carrosse des jeunes mariés, devant ce serviteur monstrueux peu crédible cette fois interprété par Osiride Peverello... On regrettera la disparition soudaine de l'histoire de Marzia Damon en fin de métrage ainsi que les nombreuses ellipses qui rendent parfois le scénario confus. On a par instant l'impression que des scènes ont disparu ou ont été greffées ça et là sans réel souci de raccord. On en retrouve certaines dans Le amanti del mostro ce qui tend à confirmer les hypothèses émises plus haut.
Outre Kinski, on se régalera tout de même de la présence de l'incandescente Marzia Damon et l'angélique Katia Christine dans le double rôle de la belle Tania et l'inquiétante et funeste Macha.
Nonobstant ses défauts en partie dus aux manipulations commerciales de producteurs vénaux, La mano nutre la morte, bercé par une jolie partition musicale signée Stefano Liberati et Elio Maestosi, est un petit bijou de ce cinéma gothique italien alors moribond, un nouvel exemple sur le tard de sa force visuelle et émotive. Aujourd'hui culte pour de nombreux bissophiles, le film de Garrone est un bel exemple du cinéma Bis italien des années70, à la fois macabre, jouissif et exagéré.