Leonardo Treviglio
Il restera à jamais l'incarnation de Sebastiane dans le film éponyme de Derek Jarman qui 40 ans plus tard n'a rien perdu de son pouvoir d'attraction. Fantasmagorie païenne, véritable fable homo-érotisante, il y dévoilait sans pudeur sa somptueuse masculinité qui aujourd'hui continue toujours à faire fantasmer ceux qui en sexe ont fait le doux choix de chavirer pour celui de l'homme.
Inoubliable tant pour ce personnage mythique que pour ce corps fin et galbé si joliment léché par l'objectif de Jarman, il est devenu peut être malgré lui une icône du cinéma gay, un songe éveillé que tout homme aimerait voir un jour surgir avant de le faire définitivement sombrer dans cet univers fiévreux où les hommes vivraient exilés entre eux.
Il avait donc toutes les raisons de fièrement siéger au rang d'honneur de notre grande salle aux fantasmes et c'est avec la déférence qu'il lui est due que nous allons mettre à nu le troublant Leonardo Treviglio.
Né à Milan le 21 aout 1949, Leonardo a 27 ans lorsque le réalisateur anglais Derek Jarman lui confie son tout premier grand rôle au cinéma, celui du centurion Sebastiane, dans le film éponyme. Véritable bombe du cinéma indépendant gay, Sebastiane se présente comme une ode à l'homosexualité, à la masculinité, un poème dédié à la beauté du corps de l'homme et à sa sexualité, une célébration païenne aux relents sado-masochistes, une féerie homo-érotisante aussi puissante que brûlante d'une intensité rarement atteinte au cinéma.
Entouré d'une kyrielle d'acteurs au corps d'Adonis, Leonardo, nu quasiment d'un bout à l'autre du métrage, erre ainsi dans cet univers masculin écrasé par un soleil de plomb (le film fut tourné en Israël) où chacun se laisse aller à aimer son prochain, à jouer à des jeux virils, entre domination et soumission. Objet du désir du chef des gardes, Severus, Sebastiane résiste à ses envies interdites jusqu'à préférer la crucifixion. De somptueux ralentis en longs ébats virils où les corps halés, dégoulinant de sueur, se mêlent, incandescents, Jarman lèche chacune des courbes de ses comédiens, Leonardo en tête qu'il déifie, glisse langoureusement sur son corps afin d'en capter chaque parcelle, honorant ces phallus à la fois fiers et gourmands créant un climax homo-érotique intense, sublime,
renforcé par le décor naturel et la musique, planante et subtile signée Brian Eno. Outre les rapports de force entre Sebastiane et Severus, on retiendra du film ses ébats aquatiques, véritable danse où les soldats s'aiment et s'ébrouent, la séquence mythique où Leonardo se lave au puits lors de laquelle Jarman met plus que jamais en valeur le corps et le fessier de l'acteur et la désormais célèbre crucifixion de Sebastiane, quintessence même du plaisir pris dans la souffrance, lorsque la douleur et l'agonie génèrent trouble et érotisme morbide.
Après s'être rhabillé et avoir quitté les terres arides d'Israël, Il aurait pu être difficile à Leonardo de rebondir, de ne pas être catalogué acteur gay par excellence. De retour en Italie, il va alors connaitre une jolie carrière partagée entre cinéma et télévision même s'il n'aura plus de premiers rôles. Entre 1976 et 1999, il va tourner quelques trente films et séries télévisées pour le plus souvent de grands noms du cinéma italien. Oubliée l'époque Sebastiane, Leonardo apparait alors dans Malamore de Eriprando Visconti, Fuori dal giorno de Paolo Bologna, Desiderio de Anna Maria Tato aux cotés de Fanny Ardant,
Une épine dans le coeur de Alberto Lattuada, Le sicilien de Michael Cimino, Le fantôme de l'opéra deDario Argento, Midnight horror de Lamberto Bava, Spiando marina de Sergio Martino ou encore Beauté volée de Bernardo Bertolucci. A la télévision on le verra dans quelques séries telles que Raid contre la mafia, The day Christ died, La piovra 4, Top secret, Le baron et surtout en 2006 R.I.S delitti imperfetti.
Leonardo s'est également illustré sur les scènes de théâtre italiennes en 2008. On put le voir en 2004 parmi les invités du festival du film gay et lesbien de Turin.
Malgré une carrière qui a su faire quelque peu oublier la puissance du film de Derek Jarman et un rôle tout aussi puissant qui aurait pu le cataloguer à jamais dans un certain type de personnage, Leonardo a bel et bien su éviter les écueils d'un telle oeuvre. Il restera pourtant pour nous tous l'incarnation même de l'homo-érotisme à l'écran, ce doux martyr si récalcitrant aux plaisirs virils luttant contre ses pulsions coupables alors qu'il succombe lentement aux charmes de son ennemi tout en nous ensorcelant irrésistiblement, irrémédiablement, coeur de nos fantasmes d'homme les plus brûlants.