Teenage wasteland
Autres titres: Out of hand / Keller
Real: Eva Urthaler
Année: 2005
Origine: Allemagne
Genre: Drame
Durée: 95mn
Acteurs: Elisabetta Rocchetti, Ludwig Tripte, Sergej Moya, George Friedrich, Birgit Doll, Ana Stefanovic, Lisa Loibl, Anita Schmid...
Résumé: Paul et Sebastian sont deux adolescents que tout sépare.Ils vont pourtant devenir les meilleurs amis du monde. Ils tentent d'oublier leur mal de vivre en volant de l'alcool et en se réfugiant dans un vieil entrepôt désaffecté dont ils ont fait leur repère. Un jour, ils se font prendre entrain de voler une bouteille de vodka par Sonja, la caissière du supermarché. Le soir, ils la suivent et la kidnappent pour s'amuser. Mais les choses vont mal tourner. Rongé par un secret qu'il n'arrive pas à réveler, Sebastian libère sa colère contre la jeune femme en la torturant et l'humiliant. Sebastian est homosexuel et éprouve de trés forts sentiments amoureux pour Paul. Déchiré par cet amour, il devient de plus en plus violent alors que paul est attiré par la jeune victime...
Premier film de la réalisatrice Eva Urthaler, Teenage wasteland prouve une fois de plus la force et l'intelligence du cinéma gay allemand avec cette histoire dramatique et brutale d'un coming out avorté qui va lentement tourner à la tragédie pour se terminer dans une incroyable explosion de violence.
Paul et Sebastian sont deux adolescents que tout pourrait séparer. L'un est issu d'une famille qu'on devine aisée, l'autre vit seul avec sa mère malade. Pourtant ils vont devenir les meilleurs amis du monde et trainer leur mal de vivre ensemble dans un entrepôt désaffecté qui se dresse au milieu d'un terrain vague. Un soir aprés avoir été surpris entrain de voler par la caissière du supermarché, ils suivent la jeune femme et la kidnappent pour s'amuser. Le rapt va non seulement tourner à la torture mais sera également pour Sebastian l'occasion d'essayer d'avouer à Paul son homosexualité et les profonds sentiments amoureux qu'il éprouve pour lui.
Si Teenage wasteland pourrait être un essai de plus sur d'une part la colère adolescente et d'autre part la douloureuse quête de son identité sexuelle à un âge où on se cherche encore, le film d'Eva Urthaler dépasse et de loin ce simple stade. Tout d'abord par la maîtrise du scénario et le soin apporté à la mise en scène, nerveuse, brutale, particulièrement mature. D'un réalisme saisissant, Teenage wasteland évite également les écueuils propres à ce type de films. Urthaler s'éloigne des clichés habituels du genre pour mieux cerner ses personnages et leur apporter un maximum d'authenticité jusqu'à en faire deux personnages dérangeants sans pour autant occulter leur coté humain, leur souffrance respective. Cette authencité est renforcée par le jeu impressionnant des deux jeunes acteurs, d'un naturel étonnant. Rapide, concis, vif, Urthaler apporte ainsi encore plus d'énergie à son film.
Le deuxième principal atout du film est sa construction elle même, divisée en plusieurs sous intrigues toute aussi dérangeantes et crédibles les unes que les autres. La lecture de Teenage wasteland pourra donc se faire sous différents angles où chacun trouvera son centre d'intérêt personnel selon ses propres critères et sa sensibilité.
Si la colère adolescente est la ligne directive du film, caractérisée par l'oisiveté et le vol puis le rapt de la jeune femme torturée et humiliée comme un animal, Urthaler y greffe d'autres thèmes tout aussi forts. Ainsi Sonja est une femme frustrée qui vit une relation houleuse et brutale avec son compagnon, un être infâme, execrable. Elle va développer une relation surnoise avec Paul, ce lien, cette attraction étrange qui lie la victime à son bourreau et aboutira à un véritable noeud sentimental et émotionnel d'une particulière complexité. Cette relation va deplus attiser la jalousie de Sebastian, décuplant sa haine et sa violence vis à vis de la jeune femme, incapable d'avouer à son ami les sentiments qu'il éprouve pour lui.
Cette incroyable complexité des sentiments à laquelle les deux adolescents doivent faire face et se battre conduira inéluctablement à un dénouement fatal d'une sauvagerie inouïe, une explosion de colère et de haine d'une rare intensité.
S'ajoute également à ces sujets épineux celui du coming out, difficile étape parfois insurmontable, toute empreinte ici d'homo-érotisme qui se traduit par des moments aussi maladroits que touchants comme on peut l'être à l'adolescence. Jeux virils, regards, gestes, échange de vêtement jusqu'aux trois séquences qui comptent parmi les plus émouvantes du film: Sebastian seul dans son lit se masturbe avec le T.Shirt que lui a donné son ami, Paul déchiré par les sentiments qu'il éprouve pour la jeune femme se masturbe alors que Sebastian l'observe en larmes, murmurant son som, avant qu'il ne s'enfuit, rongé par la douleur, recroquevillé sur le sol réalisant l'impossibilité de cet amour. La caméra d'Urthaler s'affole lors de longs travellings, s'envole, tourbillonne, vertigineuse, à l'image de cet ouragan de sentiments destructeur qui déferle sur les protagonistes, les étouffe et les emporte vers un point de non retour.
Le retournement de situation finale, étrange mélange d'optimisme et de pessimisme pourrait voir une sorte de triomphe de l'hétérosexualité sur l'homosexualité mais également une sorte de libération et de renaissance pour l'un des personnages. Cette fin ouverte pourra laisser songeur et débouchera sur bien des interprétations.
Avec son film, Urthaler nous fait pénétrer dans une partie de l'esprit humain où les frontières entre le Bien et le Mal, entre la normalité et l'anormalité, entre victime et bourreau lentement s'estompent et se confondent, un monde fait de peurs, de craintes, d'amour et de désirs fébriles qui dans la confusion des sentiments et le manque de repères se transforment en cruauté et aggressivité.
Jamais vulgaire ou indécent, Teenage wasteland ne ménage pourtant pas les scènes de violence graphique et de perversion, de la terrible agonie du chien au calvaire de Sonja dont l'humiliation passe essentiellement par l'urophilie.
L'interprétation tout en justesse, est d'une étonnante sobriété. Les deux jeunes acteurs, Sergej Moya et Ludwig Tripte, sont totalement investis par leur personnage respectif. Trés à l'aise, ils apportent cette petite marque d'authenticité en plus et tous deux ont largement mérité le titre de Meilleurs jeunes acteurs lors de nombreux festivals. On notera l'excellente prestation de la fragile Elisabetta Rocchetti en victime maltraitée.
Avec Teenage wasteland, Eva Urthaler a signé un premier film profondément psychologique et intelligent que tout amateur se doit de découvrir bien vite.