Blue nude
Autres titres: Nuda prohibida
Real: Luigi Scattini
Année: 1977
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 93mn
Acteurs: Gerardo Amato, Susan McBain, Giacomo Rossi-Stuart, Richard Bolla, Renato Romano, Italo Spinelli, Hugo Pratt, Raf Valenti, Monica Scattini, George Goodman, Joe Neri, Robert Schneider, Mona Sands, Jill Turner, Robert Bodner, Wade Nichols, William Sanderson, Carter Stevens, Terry Austin...
Résumé: Rocco est un jeune immigré italien dont le rêve est de devenir acteur comme son idole, Sylvester Stallone. Il vit de strip-teases dans des clubs gay minables, de la prostitution sur la 42ème rue et de films porno qu'il tourne régulièrement. Il découvre la violence urbaine inhérente aux bas fonds new-yorkais, la criminalité, les petits larcins. Il tombe amoureux de Lilly, une actrice porno qui malheureusement sera tuée sous l'oeil des caméras alors qu'elle tourne une scène de viol. Désespéré, Rocco va se venger...
Venu du mondo, Luigi Scattini s'est surtout fait connaitre pour être celui qui dans les années 70 découvrit la sculpturale Zeudi Araya, celle qui devint la Vénus d'ébène du cinéma italien, concurrente directe d'une Laura Gemser, particulièrement bien mise en valeur dans une série de films érotico-tropicaux faits sur mesure pour elle par le cinéaste. Avec Blue nude, son ultime film, il semble vouloir revenir à ses premières amours. Il signe en effet une version du pauvre de Taxi Driver en plongeant le spectateur dans l'univers new-yorkais de la prostitution masculine, la violence urbaine et l'univers du cinéma pornographique vu à travers
les yeux d'un jeune immigré italien, Rocco, dont l'ambition est de devenir acteur comme son idole Sylvester Stallone dont le poster orne le mur de sa chambre.
Strip-teaseur dans des clubs gay minables, Rocco Spinoni vit de petits métiers, (dog-sitter, petit gigolo) et se prostitue même de temps à autre pour arrondir ses fins de mois. Ceci ne lui permettant pas encore de vivre correctement il tourne régulièrement dans de petites productions porno en espérant un jour voir les scénarii qu'il écrit être portés à l'écran. Malheureusement face aux caméras il a du mal à entrer en érection au désespoir des metteurs en scène. Au fil des jours il découvre la violence urbaine inhérente à ce milieu mais
il s'amourache aussi de Lilly, une actrice X rencontrée sur un tournage avec qui il va régulièrement tourner. La voir sous ses yeux dans les bras de ses partenaires le rend souvent agressif. Il n'rrive pas à s'intégrer à ce monde bien particulier. Au fil des jours sa vie est toujours aussi miséreuse. Aucun de ses rêves ne se réalise, il va de galère en galère. Il finit par tomber dans un traquenard et se retrouve incarcéré pour abus sexuel sur mineure. Libéré un autre drame l'attend. Sur le plateau d'un film X Lilly est tuée sous l'oeil des caméras lors d'une scène de viol qui a mal tourné. Dans un ultime geste de désespoir Rocco tue les responsables de sa mort.
Blue nude est le premier film italien à avoir parler ouvertement du monde du cinéma pornographique. Si cela lui confère une certaine aura, Blue nude est avant tout une vision des bas fond de New-York, sa criminalité, sa jungle urbaine, de l'univers de la prostitution masculine le long de la 42ème rue telle que la voit un petit immigré italien dont le rêve est de réussir au cinéma. Pour mieux percevoir le film, il faut se replonger dans le contexte des années 70 lorsque les acteurs italo-américains tels que Robert De Niro, Al Pacino, Sylvester Stallone ou même John Travolta étaient les modèles de toute une génération, les symboles d'une certaine réussite sociale. Scattini tente de mettre en parallèle ces acteurs américains
d'origine transalpine et toute la vague d'immigrés italiens qui rêvait de réussir dans cette superbe Amérique, Terre Promise, terre de rêves, à l'image de leurs idoles.
Si le modèle, l'idole de Rocco est Stallone ce n'est peut être pas un hasard. Comme lui Stallone a commencé par la case porno (le fameux L'étalon italien qu'il tourna fin 1969) puis il s'est battu bec et ongles afin de réussir et monter finalement en 1976 Rocky qui fit de lui une star internationale avant l'ère Rambo. Rocco comme Stallone alors connait cette même réticence des réalisateurs vis à vis des acteurs italo-américains qui se retrouvent souvent dans les circuits hardcore et le monde des clubs afin de survivre. Le parallèle est clair mais à
la différence de son idole Rocco ne connaitra pas son parcours qui ne dépassera pas les portes des studios du X où sa vie basculera le jour où sa copine est tuée lors d'un tournage.
L'idée est bonne, Au crédit du film sa véracité sur le plan descriptif. Scattini filme New-York de façon réaliste, truffe son film de plans étonnants de la 42ème rue pour en extraire ce qu'elle a de plus glauque. On devine le passé du réalisateur riche de ses expériences dans l'univers du mondo. Toutes les parties décrivant les milieux de la pornographie ont elles aussi cet aspect réalité renforcé par la présence de véritables acteurs du X. Malgré cela Blue nude dont on devine le budget dérisoire (un élément qui n'a guère jouer en sa faveur) ne
parvient pas vraiment à convaincre. Il est à l'image des oeuvres du réalisateur en général: inexpressif, insipide. Il provoque plus l'ennui que l'intérêt tant il reste sans réelle couleur, tant il manque d'épaisseur. Filmer New-York dans ce qu'il a de plus sombre et sordide ne suffit pas si on ne parvient à insuffler à l'ensemble un air de tragédie inhérente à ce type d'oeuvre. Et c'est le gros défaut de Scattini. Une fois de plus là où le film devrait être brutal, dramatique, désespéré, Scattini reste définitivement lisse, fade. Ainsi privé de sa force dramatique, Blue nude devient une pellicule inoffensive y compris dans ses séquences érotiques et hardcore désespérément frustrantes peu aidée par l'interprétation transparente
de Gerardo Amato, le frère de Michele Placido, qui en aggrave l'innocuité. Il est vraiment dommage voire surprenant que pour retranscrire le monde des productions hardcore new-yorkaises Scattini n'ait jamais dépassé le niveau d'un simple film érotique.
Hormis une très belle partition musicale folk-bluesy signée Piero Umiliani, toujours au crédit de ce drame urbain son impressionnante scène dite snuff, celle qui valut au film sa réputation. On y retrouve là encore tout le savoir-faire et la verve du réalisateur pour les mondo d'hier dont on retrouve toute la force et l'horreur. Il émane de cette longue séquence quelque chose de malsain d'où nait un malaise certain. Scattini filme le meurtre de son
actrice involontairement tuée sous l'oeil des caméras à des fins de réalisme avec une insistance macabre. Il s'attarde sur sa terrible expression d'agonie qui s'inscrit sur son visage d'où toute vie lentement disparait tandis que le réalisateur exige de son comédien qu'il continue à lui serrer le cou pour capter l'essence même de la peur et de la souffrance. En traitant cette fois du légendaire univers du snuff movie dans certaines productions marginales qui en son temps fit beaucoup parler de lui Scattini réussit au moins une partie de son film. C'est peut être là le seul vrai intérêt du film qui rate son objectif à force de trop rester dans le superficiel. Voilà qui est décevant!
Aux cotés du très fade Gerardo Amato dont c'était le premier film on retrouvera trois stars confirmées du porno US, Susan McBain cachée sous le pseudonyme de Susan Elliott, étonnante de crédibilité dans la peau de la petite amie de Rocco, et Wade Nichols (le partenaire moustachu de Rocco) et à moindre titre Richard Bolla qui deviendra quelques années plus tard Robert Kerman pour son bref passage dans le cinéma d'horreur italien (Cannibal holocaust), et un malingre Giacomo Rossi-Stuart dans l'uniforme d'un policier crédité aussi comme assistant-réalisateur. Au générique on notera la présence de la propre
fille du réalisateur, Monica Scattini (la jeune touriste) et l'apparition du réalisateur X Carter Stevens.
Pour information il existe plusieurs versions du film plus ou moins longues. La version la plus connue, la plus courante, est celle sortie en vidéo en Italie dans la fameuse collection Sex and violence de la Shendene d'une durée de 88 minutes environ, cette même version diffusée récemment sur les chaines italiennes après des années d'invisibilité. Il existe une version un peu plus courte dénuée des plans de nu trop explicites. La troisième version de Blue nude dite intégrale, la plus rare, est de 92 minutes soit environ 4 minutes de plus que la Shendene.