Zio Adolfo in arte Führer
Autres titres: Loggerheads / Onkel Addi dem Führer saures
Réal: Castellano et Pippolo (Franco Castellano / Giuseppe Moccia)
Année: 1978
Origine: Italie
Genre: Comédie
Durée: 90mn
Acteurs: Adriano Celentano, Amanda Lear, Claudio Bigagli, François Bastien, Giuseppe Diamanti, Paola Orefice, Graziella Galvani, Bruno Di Luia, Dana Devin, Bernardino Emanuelli, Giuseppe Castellano, Pietro Ceccarelli, Lucio Montanaro, Francesco Volpi, Giuseppe Tuminelli, Eugenio Bottari, Sonia Otero, Sasha D'Arc, Anna Cardini, Filippo Costanzo, Raffaele di Sipio, Andrea Occhipinti, Mary Sellers...
Résumé: Une nouvelle ère débute pour l'Allemagne. Hitler vient de voir le jour, grandit et devient de plus en plus puissant. Herman est illusionniste et sympathisant du régime fasciste naissant. Son frère jumeau Gustav est un anarchiste convaincu bien décidé à attenter aux jours du Führer. Herman réussit les tests pour faire son entrée dans les troupes SS et devient un proche d'Adolf. Les deux frères sont plus que jamais frères ennemis. La seconde guerre mondiale éclate...
Le tandem Franco Castellano et Giuseppe Moccia plus connu sous le nom de scène Castellano et Pippolo fait partie des valeurs sures de la comédie populaire italienne. Formé dans les années 50 le duo débute à la télévision avant de commencer à écrire de nombreux spectacles pour les chaines italiennes, des chansons (certaines devenues célèbres dans leur pays) et surtout des scénarii pour le cinéma, plus d'une centaine en tout, dont certains qu'ils mettront en scène dans les années 70 dont cette production Luciano Martino réalisée en 1978 Zio Adolfo in arte Fürher.
Difficile de faire un résumé de ce film puisqu'il n'y a pas véritablement d'intrigue juste un fil conducteur qui se trouve être notre cher et adorable Adolf qu'on suit de sa naissance à sa nomination en tant que chancelier, l'avènement et la montée du nazisme vu et surtout corrigé par le fameux tandem. Son parcours narré en voix off est suivi par Herman un prestidigitateur fervent admirateur du régime nazi, et son frère jumeau Gustav, un ferme opposant au fascisme qui projette d'attenter inlassablement aux jours du Führer. Zio Adolfo in arte Führer est en fait composé d'une série de saynètes et de gags tous plus drôles, farfelus, les uns que les autres qui mettent en vedette Hitler pour mieux le tourner en ridicule et faire ressortir
tout le potentiel comique du sinistre personnage. Et le bougre n'en manquait pas, chaque geste, chaque mimique étant passé au crible puis utilisé à des fins humoristiques. Le choix du tandem de déifier Hitler, de régulièrement faire un parallèle avec Dieu, la Bible pourra étonner, peut-être en horrifier certains mais il est clair que Castellano et Pippolo s'inspirent de Jésus pour nous faire découvrir le chemin de vie de notre Adolf, de sa naissance à sa supposée mort. Le grand délire débute dés les premières minutes. Suite à un rituel de magie noire Adolf nait au fond des bois dans une cabane qui explose lorsqu'il pousse son premier cri, sages-femmes et infirmiers psalmodiant son nom comme le feraient les
membres d'une secte satanique. Le jour de sa naissance ce n'est pas une étoile qui traversa le ciel mais une croix gammée, référence à l'Etoile de Bethléem, premier clin d'oeil à Jésus auquel Hitler serait souvent associé ici! Dés lors plus rien n'arrête les metteurs en scène et les moments cultes s'enchainent vitesse grand V. En respectant l'ordre biographique on peut citer à titre d'exemple le serpent qu'étrangle bébé Adolf dans son berceau (une référence là encore biblique qui appuie le fait qu'Adolf était un être surnaturel), la scène dite du miracle de la bière lorsque Adolf adolescent tel Harry Potter fait apparaitre de la bière dans un fût vide en signant l'air d'une croix gammée (référence à Jésus qui lui
transformait l'eau en vin). Très bien vue est la scène où étudiant en arts plastique, Adolf fait de notre Terre en paire de fesses puis note dans son petit carnet les noms de ceux qui se sont moqués de lui. Incontournable est la naissance du salut nazi le jour où Adolf, voulant se protéger de la pluie à la sortie d'un hôtel, leva le bras pour éviter d'être mouillé. Quatre soldats, à l'abri d'un auvent, refirent le geste et le salut fut crée. Citons également la chambre à faire de parfaits bébés aryens (qui rappelle celle de Bourreaux SS) et l'usine à bébés où les imparfaits sont jetés à la poubelle, le cousin du chien d'Adolf (!) envoyé dans un camp de concentration canin où il discute avec un caniche juif, l'inoubliable séquence de tortures à laquelle est soumis Herman, celle où pour combattre l'américanisme Hitler fait
fusiller Batman et Robin, Drake et L'homme masqué, le pipi gelé du pauvre Hans dont toutes les apparitions avec sa tendre Irma sont à se tordre jusqu'à leurs retrouvailles explosives sans oublier la mort d'Hitler qui tel Jésus auquel il est une fois de plus comparé ressuscita le lendemain et monta au ciel d'où cette superbe image où tout auréolé il est au Paradis aux cotés de Marie et Joseph. L'ascension d'Hitler est entrecoupée d'intermèdes qui mettent en scène les tentatives d'attentats de Gustav et les parties de roulettes russes qu'il organise avec son jumeau, chacun espérant ainsi se débarrasser de l'autre. En vain.
Dans sa structure Zio Adolfo in arte Führer fait penser au Zelig de Woody Allen même si ce
dernier fut réalisé cinq ans plus tard. Il fait également penser aux travaux de Mel Brooks et aux délires des Monty Python, le coté british en moins. De solides clins d'oeil qui fonctionnent et rendent l'ensemble hautement sympathique. Mais cette comédie a avant tout un coté totalement innovant dans le cinéma italien puisque c'est le premier film qui utilisait des images d'archive redoublées ce qui donne régulièrement des scènes fort cocasses. Mais le duo ne se contente pas seulement de redoubler des images d'époque mais il s'amuse aussi à en tourner de fausses plus vraies que nature tant et si bien que parfois il est difficile de faire la différence surtout lorsqu'il les mélange de façon très habile. Le résultat
est aussi drôle que bluffant. Hitler, Rommel, Staline, Goebbels, Churchill, Roosevelt et Eva Braun (cités au générique comme acteurs à part entière) n'ont jamais été aussi hilarants.
Le film doit aussi beaucoup à son principal interprète, le célèbre comédien-chanteur Adriano Celentano dans le double rôle de Herman /Gustav, deux personnages faits sur mesure, surtout Gustav, plus proche du professeur fou que du jumeau anarchiste, chacun de ses attentas ratés étant un petit moment de franche rigolade. Claudio Bigagli est un malheureux Hans, le pauvre soldat que la guerre prive de sa douce Irma (Anna Cardini). On notera les apparitions express d'un tout jeune Andrea Occhipinti dans le rôle d'Hitler
période artiste peintre, Mary Sellers, Lucio Montanaro et surtout celle de la queen of european disco Amanda Lear qui se la joue Marlene Dietrich le temps d'interpréter son tube "Good bye Auf wiedersen" devant des soldats en admiration, peut-être la séquence la plus faible du film, le play-back d'Amanda étant totalement raté. Mais Amanda reste Amanda. Un petit régal pour nos yeux. Beyoncé n'a qu'à aller se rhabiller et se faire retoucher.
Hitler et l'armée allemande furent dans les années 70 souvent tournés en ridicule dans le cinéma français au détour de comédies franchouillardes aussi bêtes que consternantes, des navets la plupart du temps alimentaires pour des acteurs qui s'y égaraient. L'Italie
contrairement à la France s'est elle aussi beaucoup amusée à utiliser cette période de l'Histoire à des fins comiques mais elle a su le faire de manière plus fine, plus subtile en jouant d'un coté sur l'aspect trash, érotique et grand-guignolesque (le nazisploitation), de l'autre coté en se moquant de façon très acide, très cynique du personnage sans jamais avoir peur de repousser les limites de l'humour aussi noir ou de mauvais gout soit-il dans des comédies populaires trempées dans le vitriol. Adolfo zio in arte Führer (rien que le titre est tout un programme) en est un parfait exemple. Voilà une bande surréaliste hilarante
presque fascinante tant dans son propos que dans son humour décapant. On rit de bon coeur et point besoin d'avoir honte. Laissons cela aux moralistes et bégueules. Inédite en France cette pellicule hitlérienne inénarrable est un petit bijou d'hilarité et de gags en tout genre certes osés, joliment hérétiques mais jamais lourds ni vulgaires, un petit diamant d'humour décapant qui prouve que notre bon tonton Adolf était un sacré plaisantin. En ce sens oui il est un dieu... du mauvais gout! Comme le dit la jeune fille rousse très coquine en fin de bande un homme froid, austère mais qu'elle aurait aimé mieux connaitre. Voilà chose
faite grâce au triomphal duo.
Ce fut pour le tandem un franc succès public lors de sa sortie en salles, son tout premier depuis ses débuts derrière la caméra. L'année suivante Franco Castellano et Giuseppe Moccia récidiveront avec une autre comédie de ce type mise en scène cette fois par Maurizio Lucidi, le sympathique Tutto suo padre de meilleur gout mais tout aussi divertissant grâce notamment à la verve de Enrico Montesano.
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