Les interdits du monde
Autres titres: Mondo proibito / Verboden wereld
Réal: Chantal Lasbats
Année: 1986
Origine: France
Genre: Mondo
Durée: 82mn
Acteurs: Françoise Vatel (narratrice)
Résumé: La réalisatrice offre une vision sans fard des moeurs, des rites, des mythes et des pratiques sexuelles dans différentes villes et pays du monde : Rio, Manille, Bali, Paris, Berlin, l'Afrique noire, Amsterdam...
Parmi les sous genres du cinéma d'exploitation les plus controversés, les plus pointés du doigt depuis des décennies on trouve en tête de liste le nazisploitation et bien entendu le mondo movie, ces faux documentaires choc (du moins pour une bonne partie d'entre eux) supposés montrer tous les vices, tous les travers de notre société, sa cruauté, sa violence, ses déviances tant sexuelles que morales sans jamais avoir peur de filmer la mort surtout animale (mais parfois aussi humaine) sans fard ni détour à grands coups de massacres et autres scènes morbides bien réelles. Si le genre vit le jour dans les années 50 c'est en Italie
en 1962 qu'il explosa réellement grâce au Mondo cane de Gualtiero Jacopetti. Dés lors toute une vague de mondo déboulèrent régulièrement sur les écrans, qu'ils soient ethnologiques (la longue saga des frères Castiglioni) ou sexuels/érotiques (les fameux sex mondo). L'Italie ne fut pas la seule à en produire puisque l'Amérique s'engouffra dans ce filon pervers tout comme bon nombre de pays européens comme la Suède, le Danemark, la Suisse et bien sûr la France dés le début des années 80 alors que le genre s'essoufflait. Il faut dire qu'en presque vingt ans il n'y avait plus grand chose à dire et montrer. Les mondo se suivaient et commençaient tous à se ressembler. On tournait en rond et le ridicule prenait
le pas sur le coté choc, pervers, voyeur et malsain, quatre adjectifs géniaux qui résument à eux seuls ce tout aussi génial filon. Réalisé fort tardivement en 1986 Les interdits du monde en est la preuve flagrante. De son auteure, Chantal Lasbats (est-ce son véritable nom?) on ne connait pratiquement rien. Elle reste aujourd'hui encore une énigme. On sait qu'elle a travaillé comme journaliste, reporter pour la télévision, qu'elle a réalisé quelques documentaires aujourd'hui invisibles et... ce film (!) dont la narration fut confiée à la comédienne de théâtre et dame de télévision Françoise Vatel!
Qu'y a t-il donc au menu de ces Interdits du monde? Rien de très neuf, rien du tout même.
Lasbats ne fait que montrer tout ce qui a déjà été vu et revu dans d'autres mondos, parfois en bien mieux. C'est au Togo que débute le voyage afin de nous faire pénétrer l'univers de la magie noire et du vaudou. La narratrice précise tout de même que les divinités vaudous ont accepté qu'elle filme la cérémonie. Quelle chance! Fini donc les peuplades africaines présentées comme primitives, sauvages, vivant dans des régions reculées de l'Afrique noire. Nous sommes dans les années 80, l'homme noir même peinturluré, porte désormais avec ses plumes un bermuda (et même un slip dessous pour ceux qui ont l'oeil, on en voit l'élastique durant une danse) mais les cérémonies vaudous continuent d'être pratiquées
dans les villes. Transes, hystérie collective, danses tribales, prises de drogues hallucinogènes, scarifications au couteau aussi acéré qu'un rasoir, sacrifices d'animaux sous l'objectif de la caméra (chèvre, mouton, poule, serpent mangé vivant) et le regard du sorcier qui, nous assure la voix de la narratrice, est là pour que tout se passe bien: on est rassuré! Impossible cependant de ne pas faire une escapade dans l'Afrique primitive avec une visite chez les Sambos, une tribu qui vit dans des forteresses en terre. Les indigènes, quasi nus bien entendu, des femmes aux seins façon gant de toilette, des enfants au regard triste et des hommes mollassons, ont la particularité d'avoir le menton perforé par un os
qu'ils peuvent faire disparaitre dans leur bouche. Ils ne connaissent rien de la civilisation mais ils sont heureux précise t-on. Hallejuah!
Puis c'est à Paris que la réalisatrice nous emmène, chez une Madame Claude moderne nommée Madame Marthe. Madame Lauren, une femme en tailleur strict, une cochonne donc, quitte son bureau pour se rendre dans une maison close pour femmes. La directrice très BCBG va lui présenter des hommes qui vont exécuter un strip-tease devant elle. Elle choisira celui qui lui plaira le plus pour s'envoyer en l'air. La séquence semble interminable, répétitive, ennuyeuse, mal jouée. Un noir qui caresse un crocodile en peluche, un bad boy,
deux play-boys, tous suivent le même schéma, la femme n'est jamais satisfaite, nous encore moins. Face à l'ennui généré, au ridicule de ce fake digne d'un très mauvais navet érotique, on a juste envie de faire avance rapide. On résiste juste pour apercevoir le service trois pièces de ces jeunes damoiseaux. Son choix établi Madame Lauren peut s'envoyer en l'air mais ça on ne le verra pas!
En route ensuite pour Berlin avec la séquence choc du film, celle qui en a fait sa réputation, une scène de scatophilie dans un club très privé où se retrouvent des messieurs cagoulés, en complète tenue sadomaso. Une petite préparation anale, un bon lavement, et le donneur
n'a plus qu'à s'asseoir sur la bouche du receveur tenu en laisse qui ingurgite ses excréments avant de se faire tondre les poils de cul à la tondeuse. Cette partie du film rythmée par une musique lancinante fait son effet et tranche surtout avec le reste des présentations de ces interdits puisqu'elle arrive comme un cheveu sur la soupe. Mais elle est surtout inédite puisqu'à ce jour quasiment aucun mondo n'avait osé traiter du sujet hautement tabou, de façon aussi explicite en plus même si, précisons le, la séquence est filmée dans une semi obscurité et ne montre en aucun cas les excréments tombant dans la bouche. On verra juste l'image des fesses souillées du donneur. C'est là que l'imagination
du petit voyeur entre en jeu. Lasbats n'est pas Cavallone et ne nous refait ni Blue movie ni L'uomo la donna la bestia. Par contre on pourra bondir en écoutant la narratrice nous expliquer que ce type de plaisirs déviants est dû au mur de Berlin qui a engendré tous les vices et toutes les perversions imaginables chez nos amis germaniques. On tombe des nues devant de telles sottises.
Après cet intermède scatophile difficile de faire mieux mais il y a cependant une autre séquence qui risque de faire bondir non pas pour son contenu franchement drôle mais pour les propos tenus par la narratrice. Au Brésil dans les favelas nous apprend-t'elle de jeunes
enfants parmi les plus beaux sont achetés et arrachés à leur famille puis emmenés dans des centres où on leur apprend à devenir des... femmes!! On croit rêver face à de telles absurdités. A 18 ans ils deviendront des strip-teaseuses, des danseuses ou... pour les plus malchanceux des putes! Opérés bien sur! De jeunes enfants kidnappés qu'on a transformé en femmes. Voilà donc le secret des transsexuels brésiliens même si Lasbats mélange travestis, transsexuels et transformistes et met tout dans le même panier. On n'est plus à une ânerie près. Un tel degré de bêtise devient à un moment dangereux. S'ensuit une série de clichés bêtes à pleurer où la caméra s'attarde sur ses créatures festives gonflées au
silicone entrain de se maquiller, s'habiller et s'effeuiller sur des podiums ringards.
Suivent une séance de bondage lesbien assez banale à Amsterdam (après la fameuse visite des putes en vitrines bien sûr) où une femme subit les derniers outrages, attachée, tête en bas, une partouze mondaine durant laquelle une invitée feint un malaise afin de recevoir une fessée administrée par un faux docteur (absolument ridicule), une interminable et bêtifiante cérémonie magique à Bali qui a pour but de rendre hommage aux singes dont l'Homme descend, une autre cérémonie vaudou mais aux Philippines cette fois franchement hilarante et stupide, une messe noire absurde durant laquelle la belle sorcière Julia est
intronisée. La nécrophilie, très répandue nous dit la voix-off, est au programme aussi mais déçus seront ceux qui espéraient une jolie scène d'amour nécrophile avec un cadavre. La caméra de Lasbats nous emmène simplement dans une morgue où des chiropracteurs sont payés en douce pour accueillir des gens désirant faire l'amour devant un corps qu'ils choisissent avec soin. Voilà donc un jeune et bel adonis qui choisit le cadavre idéal comme on choisit sa pièce de boeuf au marché, à savoir le corps d'un jeune homme qui n'a rien perdu de son éclatante beauté. Madame arrive. Notre adonis lui baisse la culotte, la caresse, lui met un doigt aux fesses. Ils s'enlacent devant le cadavre, elle se masturbe et...
plus rien! Fin de la séquence (fake bien sûr mais on l'avait deviné). Frustrant. Le film se clôture sur la flagellation jusqu'au sang de pénitents et la reconstitution du parcours du Christ avec une vraie crucifixion (nous dit-on), une strip-teaseuse à qui on aligne des cigarettes dans le vagin et un mariage gay façon Cage aux folles vu et corrigé par Thierry Le Luron et Coluche qui se termine devant la Tour Eiffel.
Hormis la scène inattendue de scatophilie qui ravira les plus pervers, Les interdits du monde est une sacré baudruche qui déçoit plus qu'elle ne satisfait nos envies de voyeurisme et de déviances de toutes sortes. Ce n'est que 90 minutes de réchauffé, de déjà
vu qui a perdu toute aura malsaine, toute morbidité, le constat que le genre est bel et bien mort et n'a plus rien à dire et surtout à montrer d'autant plus à l'approche des années 90. Il ne touchera que ceux qui n'ont jamais vu aucun mondo de leur vie et encore. Quant aux amateurs comme vous chers lecteurs, comme nous ici au Maniaco, un peu de merde, des massacres d'animaux, quelques pénis, une odeur de cuir noir... de quoi passer une après midi pluvieuse ou une soirée calme tout juste distrayante. C'est peu mais c'est déjà ça avant de voir ou revoir les grands classiques de ce genre maudit des âmes puritaines et chagrines.