Testimone oculare
Autres titres:
Real: Lamberto Bava
Année: 1988
Origine: Italie
Genre: Thriller
Durée: 95mn
Acteurs: Barbara Cupisti, Stefano Davanzati, Alessio Orano, Giuseppe Pianviti, Mary Sellers, Francesco Casale, Loredana Romito, Santi Bellina, Gianfilippo Conte, Antonella Antinori, Lamberto Bava...
Résumé: Elisa tente de dérober un chemisier dans une grande surface. Elle se retrouve coincée dans le magasin lors de sa fermeture. Elle est témoin d'un meurtre sauvage, celui d'une secrétaire tuée par le directeur de la grande surface, un voyeur sadique qui l'avait surprise entrain de faire l'amour à son petit ami dans son bureau. Surpris par le veilleur de nuit il s'enfuit ignorant que Elisa a tout vu. Ce qu'il ignore c'est que la jeune femme est aveugle. Lorsqu'il apprend par la police qu'un témoin était sur place il va tout faire pour la tuer...
Après le succès de la première série télévisée réalisée par Lamberto Bava (Brivido giallo), devenu depuis le triomphe international de Démons une valeur sûre du cinéma de genre italien, un nouveau cycle à plus haut budget, aux sujets plus sérieux, plus sombres, intitulé Alta tensione vit le jour en 1988. Testimone oculare (littéralement témoin oculaire) est le troisième film de cette nouvelle série qui au départ aurait du compter huit films. Quatre seulement seront réalisés. Plus que les trois autres Testimone oculare est certainement celui qui se rapproche le plus de l'univers de Dario Argento tout en gardant cependant la griffe de Bava Jr.
Elisa, une jeune aveugle, tente de dérober un chemisier dans un centre commercial. Afin de pouvoir quitter la galerie plus rapidement elle demande à son compagnon Karl d'aller chercher la voiture au parking. Malheureusement Elisa se perd dans le magasin qui ferme ses portes. Elle est alors témoin de l'assassinat sadique d'une secrétaire violentée et étranglée par le directeur du magasin, un voyeur pervers sans scrupule qui quelques minutes avant l'avait espionnée entrain de faire l'amour dans son bureau à son petit ami Marcello. L'arrivée du gardien de nuit oblige l'homme à s'enfuir. L'inspecteur Marra soupçonne de suite Elisa et Karl d'être les meurtriers jusqu'au moment où Elisa avoue être
aveugle. Si Karl est gardé en cellule pour son comportement agressif Elisa est relâchée et devient amie avec l'inspecteur qui la met sous surveillance. Une jeune policière, Tiziana, assurera sa sécurité dans un hôtel. Au moment où Marra et Tiziana quittent le commissariat le directeur du magasin arrive pour sa déposition. Il apprend de la bouche d'un policier qu'une femme a vu le meurtre. En apercevant Tiziana aux cotés de l'inspecteur il pense qu'elle est le fameux témoin. Il ne tarde pas à la tuer. En découvrant qu'il s'est trompé il va tout mettre en oeuvre pour retrouver Elisa et la tuer. De plus en plus menacée Elisa trouve refuge dans un centre pour aveugles. Inscrit sous un faux nom le meurtrier se fait passer pour non
voyant afin de pouvoir faire disparaitre ce témoin gênant. Par chance Elisa reconnait le tueur aux vibrations qu'il émet lorsqu'il marche. Avec l'aide des autres pensionnaires elle échafaude un plan pour qu'il soit enfin pris.
Le thème du non voyant témoin d'un évènement horrible est un des plus utilisés dans l'univers du thriller et du cinéma d'horreur, un des plus intéressants également, des plus prenants puisque le personnage central est porteur d'un terrible handicap. Qui a t-il de plus insoutenable que de ne pas voir le danger? C'est aussi un des éléments qu'on retrouve de manière régulière dans le cinéma de Lamberto Bava. On pense à l'aveugle de Démons,
l'institutrice de Body puzzle et bien sûr le personnage qu'interprétait Stanko Molnar dans Macabro. L'aveugle est cette fois au centre du récit puisque tout tourne autour de Elisa, une jeune femme qu'on pourrait penser fragile, vulnérable mais que sa cécité a renforcé et obligé à développer d'autres sens notamment reconnaitre les gens, ceux qui l'entourent par les vibrations qu'ils émettent. Testimone oculare s'avère original dans l'idée mais malheureusement le film s'effondre assez vite faute à un scénario peu crédible truffé d'invraisemblances. Difficile de croire à cette histoire improbable portée par des dialogues tout aussi invraisemblables. Les situations abracadabrantes s'enchainent emmenées par
des personnages très mal dessinés, sans réelle épaisseur et tout aussi peu crédibles, un point d'honneur au directeur du magasin présenté comme un voyeur sadique dont la personnalité repose sur du vide. Tout est ici énorme et complètement paradoxal.
Voilà qui est dommage car Testimone oculare se laisse pourtant regarder avec plaisir sauvé par une mise en scène sans temps mort, concise, légère, joliment menée par un Lamberto Bava qui multiplie les références à son propre cinéma et celui de son père à travers quelques citations mais également le choix de certains comédiens (Alessio Orano extirpé de Lisa et le diable), certains meurtres (celui de la pauvre Mary Sellers étouffée dans un sac en
plastique emprunté à La maison de la terreur, celui de Loredana Romito qui rappelle quant à lui la façon dont elle mourrait dans Midnight horror) et l'utilisation de certains décors (le centre commercial, la moto et le masque kabuki assez fascinant en clins d'oeil à Démons auxquels s'ajoute l'inquiétant visage défiguré et le gant noir de Giuseppe Pianviti qui lui renvoie à celui de Michele Soavi distribuant ses tracts). Autres atouts du film sa splendide photographie, froide, inquiétante, les musiques de l'incontournable Simon Boswell qui instaurent rapidement un gentil climat de terreur et le final qui fait inéluctablement penser à celui de Freaks lorsque tous les pensionnaires handicapés foncent sur l'assassin pour le
tuer, retransposition voulue des monstres de Tod Browning se vengeant de la méprisable Olga Baclanova. On appréciera également cette ambiance à la Dario Argento grande époque appuyée là encore par la photographie de Gianfranco Transunto. Quant à l'interprétation elle est là encore un des points positifs du film, Barbara Cupisti, alors petite amie de Michele Soavi, en tête. Elle donne le meilleur d'elle même dans le rôle de cette jeune aveugle, parfaitement crédible, aux cotés de Mary Sellers (Bloody bird, La casa 3 / Ghosthouse, Le masque de Satan / La maschera del demonio), Stefano Davanzati (l'inspecteur) et l'ex-symbol des années 70 et grand amour de Ornella Muti, Alessio Orano
(le tueur), certes quelque peu bouffi mais qui a gardé son hypnotique regard revolver. A signaler la présence du jeune Francesco Casale (Marcello le petit ami de la secrétaire) qui quelques années plus tard allait être au coeur d'un véritable scandale en Italie en acceptant d'être filmé en érection et sans trucage surtout par Tinto Brass lors d'un long plan séquence pour L'uomo che guarda / Le voyeur.
Testimone oculare malgré ses nombreux défauts scénaristiques et l'absence d'effusion de sang, il reste très sage préférant bien plus s'attarder sur l'atmosphère, un agréable thriller "télévisé", plaisant à suivre. Si on connait dés le départ l'identité du tueur Bava parvient à suffisamment maintenir un climat de tension pour retenir notre attention, nous faire entrer dans le jeu et accepter sans trop sourciller cette histoire à la base peu crédible.