Sotto il vestito niente
Autres titres: Où est passée Jessica? / Underneath nothing / Model mordene
Real: Enrico et Carlo Vanzina
Année: 1985
Origine: Italie
Genre: Giallo
Durée: 90mn
Acteurs: Tom Schanley, Renée Simonsen, Donald Pleasence, Paolo Tomei, Nicola Perring, Maria McDonald, Anna Galiena, Catherine Noyes, Cyrus Elias, Sonia Raule, Mimmo Sepe, Big Laura, Bruce McGuire, Phillip Wong...
Résumé: Après avoir vu la mort de sa soeur jumelle Jessica, une top model célèbre, grâce au lien télépathique qui les relie Bob se rend à Milan dans la chambre d'hôtel qu'elle occupait. Malheureusement il n'y a aucune trace de son corps. Bob persuade l'inspecteur Danesi d'ouvrir une enquête. Très vite d'autres mannequins proches de Jessica sont assassinées par une mystérieuse silhouette gantée de cuir noir. En outre les victimes avaient toutes un autre point commun: elles étaient les maitresses d'un play-boy violent et cocaïnomane qui se livraient à des parties fines...
Deux ans après Mystère, giallo intéressant mais inégal au ton papier glacé situé dans les hauts lieux de la prostitution de luxe traversé par une Carole Bouquet altière plus froide que jamais, les frères Vanzina reviennent au genre avec Sotto il vestito niente, une libre adaptation du roman éponyme de Marco Parma, qui s'est vite taillé une solide réputation dans le milieu du thriller à l'italienne. A juste titre puisque ce giallo tardif est une très agréable surprise.
Bob est ranger dans le Wyoming. Sa soeur jumelle Jessica avec qui il entretient une forte
relation télépathique est modèle à Milan où elle vient d'être élue mannequin de l'année. C'est alors que Bob a une vision. Il voit sa soeur se faire assassiner dans sa chambre d'hôtel. Il prend le premier avion pour Milan, se rend à l'hôtel mais sa chambre et vide. Jessica a disparu. Il alerte le commissaire Danesi, qui, sceptique, accepte cependant d'enquêter. Bob fait la connaissance de Carrie, la compagne de chambre de Jessica. Celle ci, maitresse d'un riche vendeur de bijoux fumeux et cocaïnomane nommé George, est sauvagement assassinée par une silhouette qui s'empare d'une poignée de diamants que Carrie gardait précieusement. L'enquête piétine jusqu'à ce que Danesi s'oriente vers une autre modèle,
Margaux, elle aussi maitresse de George. Malheureusement Margaux est à son tour victime du tueur qui de nouveau s'empare d'une poignée de diamants détenue par sa victime. Pendant que Bob qui continue de son coté ses investigations roucoule avec une modèle, Barbara, George se rend au poste de police pour avouer ses vices. Il était bel et bien l'amant de Carrie et Margaux mais aussi de Jessica et de deux autres mannequins avec qui il aimait organiser des parties fines où se mêlaient sexe et drogue. Lorsque Jessica refusa d'y participer George afin de pimenter ses nuits avait organisé une partie de roulette russe durant laquelle une des modèles trouva la mort. Afin d'acheter leur silence George leur
donna une importante somme en diamants mais il jure être innocent des crimes commis. Bob continue ses recherches de moins en moins confiant de retrouver le corps de sa jumelle. Il décide finalement de rentrer aux Etats-Unis du moins c'est ce qu'il prétend afin de semer Danesi. Grâce à la dernière lettre que Jessica lui a envoyé il parvient à retrouver le dernier endroit où elle est allée avant sa disparition. Il se rend dans un appartement abandonné quelque part en ville, la tanière du tueur. Il y découvre le corps de Jessica que son assassin conserve et idolâtre. C'est à ce moment que le psychopathe arrive, obsédé par Jessica, une véritable surprise pour Bob caché dans la buanderie qui, médusé, découvre, le visage du coupable.
Initialement confié à Michelangelo Antonioni qui finalement refusa le projet Sotto il vestito niente ne reprend que quelques lignes du roman de Parma tant les frères Vanzina le trouvèrent mauvais. Ils n'en gardèrent que le titre et l'idée de situer l'histoire dans le milieu de la mode, propice au thriller, un lieu qui fit bien souvent ses preuves ne serait ce que par ce modèle qu'est 6 femmes pour l'assassin de Mario Bava. Si on songe au maitre bien sûr pour le lieu de l'action c'est plutôt de Brian De Palma et son Body double réalisé l'année précédente dont on se rapproche le plus, le film pouvant même être vu comme une forme de séquelle, pour certains un plagiat. Parmi les autres inspirations on ne manquera pas de citer
Lamberto Bava et Dario Argento bien entendu pour le coté froid, l'esthétique glacial typiquement années 80 et l'ambiance du film lui même. Les Vanzina n'inventent rien. Ils connaissent bien les ficelles du genre qu'ils utilisent parfaitement dans cette intrigue rondement menée située à Milan, elle même inspirée d'un fait divers survenu justement dans cette ville, le meurtre d'un riche play-boy Francesco D'Alessio, une connaissance des Vanzina, tuée par une mannequin victime de ses avances et persécutions.
L'originalité du scénario vient du lien qui unit Jessica et Bob, des jumeaux qui entretiennent une forte relation télépathique, l'un ressentant à distance ce que ressent l'autre. C'est ainsi
que le film débute aux USA, dans les splendides décors naturels de Yellow stone dans le Wyoming (filmés uniquement par Carlo parti seul aux Amériques). Lorsque Jessica est traquée par le tueur Bob voit les images de sa mort et ressent sa douleur, un incipit qui permet ensuite de porter Bob à Milan afin qu'il mène son enquête. On suit alors le schéma classique du giallo dont on retrouve tous les éléments dont le fameux tueur ganté de noir qui tue à l'arme blanche, ici une paire de ciseaux affutée, un certain nombre de mannequins plus belles les unes que les autres ayant toutes un lien entre elles. Elles furent les témoins de la mort d'une d'entre elles lors d'une partie de roulette russe organisée par un riche dépravé
dont elles étaient l'amante commune. Les Vanzina brouillent les pistes bien entendu comme il se doit plus ou moins grossièrement. Chacune des filles est une coupable potentielle mais également le réceptionniste de l'hôtel fétichiste et voyeur, le photographe au comportement étrange, George le bijoutier dépravé et violent mais également Jessica dont on n'a jamais retrouvé le corps. Est elle vraiment morte? On pourra reprocher aux Vanzina une certaine facilité à vouloir tromper le spectateur avec des personnages finalement trop évidents pour qui connait les rouages du genre d'autant plus que certains disparaissent sans explication ou sont trop mis de coté (le photographe) pour être le coupable. Mais ce qu'on ne pourra pas
leur reprocher c'est d'avoir bel et bien su jouer sur le dénouement et surtout les motivations du tueur que rien ne laissait entrevoir jusqu'aux ultimes minutes. Une fin morbide, inattendue, assez bien amenée même si aucun élément ne l'avait annoncé et c'est la sexualité, l'homosexualité plus exactement, qui est la raison (une fois de plus) de la folie psychopathe de l'assassin.
Un des autres atouts du film est d'avoir parfaitement su retranscrire à l'écran la ville de Milan des années 80, son luxe, sa perversion, la décadence de sa jet-set et des hauts milieux de la mode à cette époque, un milieu de débauche noyé dans le champagne, la cocaïne et le
clinquant bien caché derrière la beauté de la ville sublimement mise en valeur par une photographie étonnante. A la fois belle et froide, ensorcelante, colorée Milan offre ses joyaux à la caméra des frères dont le célèbre hôtel La scala, principal lieu de l'action, ses défilés de haute couture, ses boites de nuit branchées et ses rues illuminées qui soudainement deviennent inquiétantes, angoissantes lorsque les lumières s'éteignent. La scène où Carrie, seule, tente de rejoindre sa chambre en pleine nuit et traverse une place déserte, des rues vides (avec un hommage à Marylin Monroe et sa fameuse bouche de métro) est un grand moment de peur sourde qui n'est pas sans rappeler bien sûr Suspiria. L'ensemble est
joliment souligné par une bande originale qui certes copie/plagie celle de Body double mais qui a eu l'intelligence d'y intégrer non pas quelques compositions disco de bas étage écrites pour l'occasion mais quelques tubes d'alors qu'on aura grand plaisir à réécouter (One night in Bangkok de Murray Head, So hot de Karen Young, I am what I am de Gloria Gaynor). L'interprétation contrairement à bien des gialli tardifs est ici tout à fait acceptable sans être exceptionnelle et contribue à la bonne marche du film. Autour de l'américain Tom Schanley, un de ses premiers rôles avant d'apparaitre dans une multitude de séries télévisées et soaps américains on retrouve une nuée de superbes actrices, de véritables top-models peu
avares de leurs charmes dont pour la plupart ce fut leur unique (ou presque) prestation à l'écran dont l'imposante et fascinante blonde platine Nicola Perring (Jessica). A l'affiche également la danoise Renée Simonsen (Barbara), célèbre mannequin qui de son coté poursuivit une carrière artistique tant au cinéma qu'au théâtre. On trouve aussi au générique Donald Pleasance alors en pleine période italienne, un acteur mythique pour les Vanzina qui souhaitaient l'avoir à tout prix. Choix judicieux puisque pour une fois Donald ni ne cabotine ni ne nous refait pour la énième fois son personnage du docteur Loomis. En commissaire dont c'est l'ultime enquête avant la retraite il est assez discret, joue de manière juste, simple mais
efficace avec un zeste d'humour pour parfumer le tout. Les bissophiles assidus reconnaitront non créditée au générique la présence furtive de Zaira Zoccheddu dans un rôle qui lui sied comme un gant, celle d'une exhibitionniste / voyeuse qui se masturbe sur son lit, une scène qui s'ajoute aux multiples plans de nus que le film offre dont la vision rapide totalement gratuite d'un vagin sous un drap.
Peu sanglant (la plupart des meurtres sont suggérés sauf un) Sotto il vestito niente dont le titre est à double sens (on ne parle pas de la nudité des modèles sous leurs tenues mais de leur superficialité, leur froideur, leur absence d'âme dont elles font preuve derrière leur aspect glamour) est une véritable surprise. Distribué en France en plein été 1987 sous le titre
Où est passée Jessica? mais malheureusement passé totalement inaperçu, voilà un giallo tardif qui sans rien réinventer de très neuf représente pourtant le haut du panier d'un genre moribond depuis bien des années déjà. Il réussit là où par exemple un Lamberto Bava échouait sur toute la ligne avec sa Maison de la terreur, l'exemple même de ce à quoi le thriller à l'italienne ressembla bien trop souvent au cours de cette décennie.
Suite à son succès en Italie le film connut une suite dirigée cette fois par Dario Piana, Sotto il vestito niente 2 / Too beautiful to die, puis une troisième cette fois totalement inutile et ratée, tournée en 2011 (!) en vidéo par les Vanzina eux mêmes, intitulée Sotto il vestito niente : l'ultima sfilata.