El grand amore del conde Dracula
Autres titres: Le grand amour du comte Dracula / I diabolici amori di Nosferatu / Count Dracula's great love / Dracula's great love / Cemetery girls
Real: Javier Aguirre
Année: 1972
Origine: Espagne
Genre: Horreur
Durée: 83mn
Acteurs: Paul Naschy, Haydee Politoff, Rosanna Yanni, Mirta Miller, Victor Alcazar, Ingrid Garbo, Julia Pena, Susana Latour...
Résumé: Alors qu'ils traversent une forêt un groupe dee voyageurs a un accident de carrosse. Ils sont obligés de passer la nuit dans un sanatorium réputé maudit situé non loin du château où fut tué Dracula. Ils sont accueillis par le maitre des lieux, le séduisant docteur Marlowe qui très vite s'éprend de la belle Karen. Ils ignorent qu'en fait le bon docteur n'est autre que le comte Dracula qui a besoin du sang d'une vierge pour entamer le rituel magique qui redonnera vie à sa fille. Tomber amoureux n'était donc pas au programme du comte...
Figure incontournable du cinéma espagnol, auteur du fameux Bossu de la morgue, un des fleurons du cinéma d'horreur ibérique des années 70, le prolifique et talentueux Javier Aguirre dont la carrière s'étala sur quelques quatre décennies offre en 1972 sa vision du mythe de Dracula avec ce petit film d'épouvante romantico-gothique dans lequel le célèbre comte a pour l'occasion pris les traits d'un docteur reclus dans un sanatorium perdu en pleine campagne.
Un groupe de voyageurs, quatre splendides jeunes femmes, Karen, Elke, Senta, Marlene, et
un jeune homme Imre, traverse en carrosse la campagne déserte. Pour passer le temps, Imre leur raconte les terribles légendes qui courent dans le pays notamment concernant un sanatorium aujourd'hui abandonné qui se dresse non loin du château où Van Helsing tua autrefois Dracula. Victimes d'un accident dans lequel leur cocher trouve la mort les voyageurs sont contraints de devoir aller à pied jusqu'au sanatorium où ils devront passer la nuit. Ils y sont accueillis par le charmant docteur Windell Marlowe qui leur offre gîte et couvert le temps nécessaire pour que leur carrosse soit réparé. Les jeunes femmes sont sous le charme de leur hôte plus particulièrement Karen dont la beauté ne semble pas laisser le docteur
indifférent. Durant la nuit Imre est attaqué et vampirisé par un des croques-morts mordu par Dracula. Il vampirise à son tour Marlene qui vampirise Elke puis Senta. Les quatre vampires errent dans les bois en quête d'une vierge à offrir à Dracula afin que se réalise la prophétie. Dracula a besoin du sang d'une vierge pour que sa fille Rodna reprenne forme humaine puis lors d'un rite magique elle reviendra ensuite à la vie perpétuant ainsi la lignée des Dracula. Le comte n'avait pas prévu de tomber éperdument amoureux de Karen quitte à renoncer à sa condition de vampire et laisser s'éteindre son nom. Lorsque les quatre vampires apportent la jeune vierge à leur maitre après l'avoir torturée puis égorgée ce dernier met un terme à la
cérémonie puis tuent les vampires avant de s'empaler lui même sur un pieu par amour pour Karen.
Aux débordements sanglants et autres effets gore du Bossu de la morgue Javier Aguirre opte pour cette variation du thème du vampirisme plus précisément le mythe de Dracula pour un coté certes tout aussi sanglant mais beaucoup plus érotique proche de la bande dessinée pour adultes notamment dans sa seconde partie. La première moitié du film très classique dans son déroulement ne fait que reprendre les divers éléments du cinéma de vampire traditionnel. Après un prologue prometteur et surtout sanglant dans la crypte du sanatorium, la mort brutale des deux croques-morts, Javier Aguirre introduit ses cinq
principaux protagonistes, quatre jolies femmes et un homme, très vite victimes d'un accident de carrosse en pleine forêt alors que la nuit tombe lentement. Ils sont donc contraints de se rendre au sanatorium désormais réputé maudit afin d'y passer la nuit. Ils y rencontrent le maitre des lieux, l'étrange mais séduisant Dr Marlowe qui ne laisse aucune des quatre femmes indifférentes. Quelques faits effrayants dont l'apparition d'une créature monstrueuse au détour d'un couloir qui fait s'évanouir Karen, l'arrivée de l'inévitable orage, quelques déambulations nocturnes le long de corridors vides, le décor est tracé. Rien ne diffère El grand amor del conde Dracula d'une quelconque pellicule de vampires jusqu'au moment où
un par un les invités sont vampirisés. A partir de cet instant le ton change. Aguirre joue sur deux registres. Celui tout d'abord d'un érotisme exalté plutôt surprenant où plane sans cesse l'ombre du lesbianisme. Particulièrement belles et osées sont les scènes où les vampires femelles s'ébattent entre elles tout en plantant leurs crocs dans leur chair blanche et tendre lors de jeux saphiques poussés aux couleurs psychédéliques où le sang se mêle au plaisir dont Aguirre nous avait déjà donné un aperçu lorsque Imre mord Marlene, maculant sensuellement son corps de ses lèvres ensanglantées. Aguirre n'a pas son pareil pour marier sensualité et horreur lors de scènes aussi horrifiques que lascives, voluptueuses,
très sexuelles qui trouvent leur écho dans l'abondance des effets sanglants très réussis créant un savoureux et envoutant cocktail sexe et violence qui définit si bien le vampire. Cet audacieux mélange surtout pour son époque n'est pas sans rappeler l'univers interdit des bandes dessinées pour adultes qu'un soupçon de sadomasochisme (la violente flagellation de la vierge enchainée dans la crypte par les deux vampires qui elles mêmes seront également enchainées puis détruites par la lumière solaire) vient renforcer.
Cette déferlante de brutalité et de sexe tranche avec l'atmosphère romantique à laquelle Dracula épris de Karen aspire. C'est le second registre sur lequel Aguirre joue. Le cinéaste
crée en effet un Dracula à l'opposé du personnage de Bram Stocker. Pour la toute première fois à l'écran, peut être la seule, et c'est là l'originalité du film, le roi des vampires est un être puritain, moraliste qui refuse et repousse les avances de l'incandescente Senta brulante de désir pour le comte, tout simplement car elle a connu d'autres hommes dans sa vie! Dracula n'a d'yeux que pour Karen avec qui il vit non seulement un amour impossible mais pour qui il est aussi prêt à se sacrifier et sacrifier sa descendance. C'est un peu Roméo et Juliette en Transylvanie, un rapprochement d'autant plus vrai lors des scènes finales où Dracula se suicide par amour pour sa belle. Entre romantisme et violence Aguirre ne cesse d'osciller
tout en sachant cependant doser les deux parties.
Bénéficiant de magnifiques couleurs chaudes privilégiant les tons jaunes rouges et oranges sublimés par une superbe photographie, El grand amore del conde Dracula devenu dans la traduction italienne Nosferatu doit également beaucoup à son interprétation notamment féminine, un quatuor d'actrices pulpeuses et sensuelles composé de l'incendiaire beauté de l'insolente Rosanna Yanni dont on appréciera les nus, Mirta Miller, Ingrid Tarbo et la française Haydée Politoff dans le rôle de Karen même si dans son cas on a un peu de mal à l'imaginer vierge. Haydée comme pour la plupart des films italiens qu'elle a tourné déteste
cette pellicule qu'elle traite d'horreur totale, une honte qu'elle a accepté de faire par besoin d'argent. Egalement co-scénariste aux cotés de Aguirre c'est Paul Naschy qui incarne ce Dracula romantique. Sans être mauvais il manque à Naschy cette prestance nécessaire pour personnifier le comte. Trapu, un brin pataud, il ne possède pas le coté altier du personnage, ce charme hypnotique qui envoute. Son physique est bien plus adapté aux rôles de lycanthrope qui l'ont rendu célèbre.
El grand amore del conde Dracula sans être une pièce maitresse du cinéma d'horreur ibérique n'en est pas moins un très bon exemple qui prouve le talent d'un metteur en scène
éclectique. Si on sourira face à bien des improbabilités scénaristiques, si on n'accrochera pas forcément à l'aspect romantique de l'intrigue comme on aura peut être du mal à accepter que Aguirre détruise à jamais ce personnage mythique, cette version vampiresque de Roméo et Juliette en Transylvannie n'en est pas moins un excellent petit film d'horreur gothique aussi sexuel que sanglant, visuellement superbe, aussi envoutant que l'impression de flottement, de glissement lorsque les vampires de Aguirre se déplacent dans d'inquiétants ralentis.
Il faut signaler que le film fut tourné en deux versions, une soft sans aucun plan de nu et une intégrale, plus pointue, contenant toutes les séquences sexuelles et de nudité. Il va sans dire que c'est cette dernière qu'il faut visionner.