La encadenada
Autres titres: Perversione / Diary of a murderess
Real: Manuel Mur Oti
Année: 1975
Origine: Italie / Espagne
Genre: Thriller
Durée: 86mn
Acteurs: Marisa Mell, Richard Conte, Anthony Steffen, Carla Calò, Beni Deus, Richard Baron, Juan Ribó, Lili Murati, Ketty Ariel, Carmen Maura...
Résumé: Depuis la mort de sa mère, le jeune Marco, fils d'un millionnaire d'âge mûr, Sir Alexander, est en proie à des crises de violence récurrentes et incontrôlées. Son père fait venir une ravissante jeune femme, Gina, afin qu'elle s'occupe de lui. Gina semble être de suite à l'aise avec l'adolescent qui tombe sous son charme. Gina découvre assez rapidement le carnet intime de la mère de Marco dans lequel elle décrit les perversions de son mari qu'elle déteste et envisage de tuer pour enfin être libérée de cet être odieux. Gina, machiavélique et intéressée, a alors l'idée de suivre les directives de la défunte femme et de commettre ainsi le meurtre parfait afin d'hériter de la fortune du châtelain. Elle entreprend également de séduire l'adolescent pour devenir l'héritière à part entière...
Vétéran du cinéma espagnol des années 50 dont il fut un des plus talentueux représentant, Manuel Mur Oti se retira des feux de la rampe au milieu des années 70 juste après avoir signé un petit thriller injustement oublié et méconnu, La encadenada, aussi surprenant que machiavélique malgré sa simplicité.
Une ravissante jeune femme, Gina, se fait embaucher au manoir d'un millionnaire d'âge mûr, Sir Alexander, afin qu'elle s'occupe de son fils, Marco, qui depuis la mort de sa mère souffre de graves crises de violence incontrôlées. Devenu également muet, il vénère cette mère qui
le choyait et joue inlassablement un air de piano qu'elle avait l'habitude de lui interpréter. Dés son arrivée Marco tombe sous le charme de Gina qui en plus de le comprendre ressemble étrangement au portrait de la défunte femme. Le vieil homme tente de séduire Gina dont il s'est épris mais elle refuse ses avances plus intéressée semble t-il par une partie du trésor des templiers, des bijoux inestimables et un ciboire, que garde au manoir Sir Alexander. Elle apprend également qu'une réplique du trésor est enfermée à l'église du village et gardée par la Mère Supérieure. Un soir Gina découvre le carnet intime de la mère de Marco. Au fil des pages elle perce le secret de cette épouse forcée d'épouser un homme odieux qu'elle n'a
jamais aimé et qui a fait d'elle son esclave, sa chose, afin de réaliser ses fantasmes les plus pervers. Seul leur fils lui donne une raison de vivre et c'est pour les sauver tout deux des griffes de ce père et mari indigne qu'elle projette de l'assassiner en l'empoisonnant. Gina va alors s'inspirer des écrits de la femme pour assassiner Alexander en commettant le meurtre parfait après avoir séduit l'adolescent et succombé à ses avances. C'est alors que le mari de Gina réapparait et la fait chanter. Gina, de son vrai nom Elisabeth est en fait une voleuse professionnelle qui a escroqué son mari. Celui ci lui réclame la somme qu'elle lui doit en échange de son disparition. Elle devra lui donner une partie des bijoux. Elle lui remet un
bracelet de grande valeur, assassine Sir Alexander, étale au grand jour son amour pour l'adolescent et devient ainsi l'héritière direct des biens et de la fortune du vieil homme. Enfin riche et libre, Gina peut envisager un avenir radieux au manoir. C'est sans compter le retour impromptu de Charles, le frère de Marco, fils illégitime d'Alexander, qui a mis à jour les manigances de Gina et compte bien la déshériter après avoir fait enfermer Marco dans un asile. Charles l'oblige à l'épouser en échange de son silence. Elle accepte mais un soir elle découvre le cadavre de Charles, assassiné de la même manière qu'elle avait tué Alexander. C'est à cet instant que Gina se rend compte avec effroi de la véritable personnalité de
l'adolescent ainsi que la manière dont sa mère est réellement morte, une abominable vérité qui la conduira vers la plus horrible des morts, un destin d'une cruauté sans nom.
Et c'est lors de ce final aussi inattendu que violent que le titre espagnol prend tout son douloureux sens, terrible, brutal. Sur un canevas vu et revu Manuel Mur Oti est parvenu à réaliser un film efficace qui n'est pas sans rappeler les thrillers à l'anglaise dont il semble s'inspirer tout comme il tend vers les thrillers à la Lenzi pour le machiavélisme de son personnage central et la folie qu'il distille parcimonieusement. Certes il ne se passe pas grand chose durant 90 minutes, de quoi rebuter et décevoir les amateurs d'effets sanglants
et de meurtres sadiques, mais une des grandes forces de La encadenada est justement d'avoir su poser lentement mais surement et surtout avec intelligence les différentes pièces de l'intrigue afin de mieux amener les différents rebondissements dés la seconde moitié du film. Oti a de plus su créer une certaine atmosphère ne serait ce que par son décor, ce vieux manoir ancestral, et quelques éléments propre à un certain cinéma gothique: carnet secret, tableau et secrets familiaux, domestiques dévoués, air de musique entêtant, le tout sur fond de perversion et de folie latente.
Plus pernicieuse mais tout aussi agréable est la relation quelque peu sulfureuse que tissent
progressivement Gina et Marco, jeune homme tout juste sorti de l'adolescence, muet et psychologiquement perturbé, un amour factice et intéressé pour l'un, empreint de jalousie morbide pour l'autre.
Marisa Mell qui avait déjà tourné auparavant pour des coproductions italo-hispaniques (Alta tension, Historia de un traicion, Marta), tout en justesse, est une Gina/Elisabeth parfaite, délicieusement diabolique mais jamais nue cette fois au grand désespoir de ses admirateurs, entourée de Richard Conte, vieux châtelain qui souhaite refaire sa vie dont on retiendra plus particulièrement l'image de la mort, Anthony Steffen, mari détestable et
violent, implacable maitre-chanteur victime de la perfidie de sa femme sans oublier la beauté très années 70 du jeune Juan Libo, futur grand comédien de théâtre espagnol, mi-ange mi-démon, souvent impressionnant dans un rôle peu évident et pièce maitresse de ce puzzle familial dont les victimes ne sont pas toujours celles qu'on croit.
Joliment accompagné d'une partition musicale signée Carlo Savina, tourné à Rome et à Pontevedra, la région d'origine du cinéaste, La encadenada malgré quelques invraisemblances (le retour impromptu du fils bâtard en fin de bande) et facilités scénaristiques, est un très honnête thriller aujourd'hui bien oublié qui mérite amplement d'être (re)découvert par l'amateur qui doucement s'imprégnera de cette atmosphère gentiment délétère, mortifère, jusqu'à l'inoubliable image finale, abrupte, cruelle, scellant ainsi de manière définitive le triste sort de Gina prise dés le départ dans un piège que personne n'aurait pu soupçonner.
La encadenada est en tout cas un exemple de film fort bien réussi sur l'enfance ou l'adolescence perturbée diaboliquement meurtrière... et mis en scène.