Los amantes de la isla de los diablo
Autres titres: Quartier de femmes / Violences érotiques dans une prison de femmes / Violenze erotiche in un carcere femminile / Lovers of devil's island
Real: Jesus Franco
Année: 1974
Origine: Espagne / France
Genre: WIP
Durée: 77mn
Acteurs: Genevieve Deloir, Andres Resino, Josiane Gibert, Dennis Price, Howard Vernon, Britt Nichols, Jean Louis Collins, Rosa Palomares, Luis Barboo, Danielle Godet, Gogo Rojo, Anne Libert...
Résumé: Sur son lit de mort, le gouverneur Mensoza fait venir l'avocat Lindsay qui jadis défendit le cas de Beatriz et Raimondo, un jeune couple d'amants condamnés à la prison à vie sur l'île du Diable. Il avoue avoir menti et fomenté avec sa maitresse un diabolique complot pour les faire accuser de meurtre. Emilia, sa maitresse et belle-mère de Raimondo, entretenait une relation coupable avec son beau-fils qui lui préféra la jolie Beatriz. Folle de jalousie, elle mit au point le complot qu'exécuta ensuite le gouverneur. Si Raimondo subit régulièrement des maltraitances de la part de gardiens sadiques, Beatriz, cible d'une gardienne chef lesbienne cruelle, est quant à elle attirée par Lola qui finira par l'aider à s'évader avec Raimondo. Lindsay arrivera t-il à temps afin d'éviter leur mise à mort?
Supposé se dérouler quelque part sous une dictature sud américaine mais tourné à Alicante au superbe château de Santa Barbara, Los amantes de la isla del diablo connu en France sous deux titres tout aussi alléchants, Quartier de femmes et surtout Violences érotiques dans une prison de femmes, fait partie des quelques WIP que Jesus Franco réalisa dans les années 70 dont le fameux 99 women / Les brûlantes. Loin d'être le pire film de son étonnante filmographie, ce genre étant peut être même ce que l'insatiable cinéaste fit de mieux, Los amantes de la isla del diablo vaut certainement plus pour le soin apporté à la mise en scène et la beauté des décors que pour l'histoire elle même.
Jess Franco semble s'être en effet contenté de reprendre le scénario de l'exotique Femmes en cage de l'américain Gerry De Leon qu'il a simplement transféré en Amérique du Sud sous une hypothétique dictature pour lentement sombrer dans une intrigue amoureuse et érotique doucereuse par le biais de l'impossible romance entre ses deux principaux protagonistes, la tendre Beatriz et le charmant Raimondo, victimes de la jalousie et de la perversion d'un vieux couple de dignitaires dépravés. Autant dire que ni l'un ni l'autre ne parvient réellement à convaincre. D'une part Franco tente de dénoncer les abus et les pratiques honteuses de la police et des autorités sous un régime dictatorial fort inspiré par le régime franquiste d'alors mais sans jamais vraiment s'impliquer, d'autre part l'éternel thème des amoureux maudits fut souvent traité de manière plus pertinente.
Si on peut plus ou moins croire à ce complot machiavélique fomenté par une redoutable femme, Emilia, la belle-mère de Raimondo, et exécuté par l'impitoyable gouverneur Mendoza, le traitement manque sérieusement d'énergie et surtout de piquant pour qu'on puisse y adhérer. Los amantes de la isla del diablo ressemble plus à un joli mélodrame érotique sur fond de complot diabolique et de sadisme édulcoré qu'à un véritable WIP où violences, tortures et lesbianisme se mélangeraient allègrement. Certes on retrouve l'ombre de Sade si chère à Franco au détour de quelques scènes de maltraitance dont est victime Raimondo au fond de sa prison et les attirances saphiques souvent troubles ici entre Beatriz et Lola, sa
compagne de cellule, ainsi que la méchanceté de la gardienne chef lesbienne qui aime voir souffrir la belle innocente mais Franco reste cependant fort sage. Le réalisateur préfère s'attarder sur le plan psychologique mais vite balayé, le résultat final sonne légèrement creux. Ce manque de virulence érotique risque donc d'en décevoir plus d'un. On ne dépasse jamais le stade d'une trop gentille bande dessinée pour adultes et c'est donc frustré qu'on ressort de la vision du film. A la décharge de Franco on mentionnera les différences notoires qui existent entre la version espagnole dénuée de toute violence et nudité exagérée et la version française beaucoup plus explicite quant aux scènes de sexe et de nu. Cette dernière apporte également quelques précisions sur les personnages ce qui leur confèrent une dimension un brin plus consistante que dans la version originale.
Malgré tout, Quartier de femmes, monté en un long flash-back, demeure un WIP agréable à suivre et joliment mis en scène, surprenant venant de la part d'un incapable trublion tel que Franco. On se laissera séduire par la beauté des décors et le soin apporté à la photographie ainsi que par le jeu souvent juste d'une brochette d'acteurs plutôt convaincants, la canadienne Geneviève Deloir, belle et sensuelle, chose rarissime chez Franco, Dennis Price plutôt touchant dans sa décrépitude, Britt Nichols, les yeux verts de Andres Resino qui séduisit une Gloria Guida encore mineure dans La ragazzina, la perfide Danielle Godet et l'indispensable Howard Vernon en tête. On appréciera également la très belle partition musicale signée Bruno Nicolai très inspiré et un no happy end inattendu, trop rare dans ce style cinématographique, qui aurait peut être demandé à être un peu plus développé à l'image même de l'aspect politique traité de manière trop superficielle.
Los amantes de la isla del diablo n'est jamais qu'une version romantique de 99 women, un petit WIP plus psychologique que réellement brutal qu'on prendra plaisir à découvrir en saluant pour une fois l'effort fourni par un cinéaste aussi désespérant que prêcheur de l'inesthétique. Voilà un de ses rares travaux qui mérite d'être découvert.