Inhibition
Autres titres: Carine
Real: Paolo Poeti
Année: 1976
Origine: Italie
Genre: Drame / Erotique
Durée: 104mn
Acteurs: Claudine Beccarie, Ilona Staller, Ivan Rassimov, Cesare Barro, Patrizia Gori, Adolfo Caruso, Mattia Macchiaveli, Bruno Bertucci...
Résumé: Carol aurait tout tout pour être heureuse. Malheureusement, malgré sa fortune et son train de vie bourgeois, elle est marquée par son passé amoureux. Sa vie sexuelle est influencée par les maltraitances qu'elle dut subir de la part de son époux, un homme pervers mort d'une crise cardiaque durant une séance de sadomasochisme dont Carol était régulièrement victime. Elle est aujourd'hui une femme dominatrice C'est ainsi qu'elle aime dominer Anna, sa jeune secrétaire, qu'elle considère comme sa propriété. Un jour Carol rencontre Peter, un homme totalement libre, tandis qu'Anna tombe amoureuse d'un jeune aventurier. Si tout va bien pour Anna, Carol sent qu'elle perd sa puissance dominatrice avec Peter. Déstabilisée, jalouse de la relation qu'entretient Anna avec son jeune amant, Carol perd pied...
Si on peut aisément classer Inhibition dans la catégorie des films exotico-érotiques, il s'agit avant tout d'une oeuvre qui une fois de plus traite de la décadence et des vicissitudes d'une certaine bourgeoisie incarnée ici par Claudine Beccarie, l'ex-porn star du X français qui tentait là sa reconversion dans un cinéma plus classique. Tentative réussie même si des scènes hardcore furent par la suite rajoutées au grand dam de Claudine qui, à la sortie du film, entama une grève de la faim en guise de protestation.
C'est au coeur de somptueux décors tunisiens que Poeti situe cette histoire qui narre les tourments d'une femme, Carol, hantée par le souvenir des humiliations sexuelles qu'elle dut subir de la part de son défunt époux, un homme paralytique et pervers, adepte du sadomasochisme. A sa mort, enfin libérée de son emprise, ses frustrations se sont transformées en une sorte de pouvoir dominateur qu'elle exerce sur sa jeune secrétaire, Anna. L'arrivée d'un jeune aventurier et d'un homme, Peter, invétéré joueur et supposé archéologue, totalement libre, dans leur vie va déstabiliser Carol qui lentement sent qu'elle perd sa puissance dominatrice, prête à céder aux avances de Peter.
C'est de nouveau l'incontournable équation bourgeoisie = perversion que Poeti illustre ici par le biais de cet homme paraplégique qui offre sa jeune épouse aux plaisirs sadomasochistes lors de séances très particulières où elle est la proie d'invités tout aussi spéciaux. A sa mort, si elle a hérité de sa fortune, elle a surtout décidé de recommencer sa vie en se lançant dans les affaires se jurant de ne plus jamais tombée amoureuse. Lucide et cynique, elle passe ainsi du statut de femme soumise à celui de dominatrice qui à travers l'emprise qu'elle à sur Anna tente d'exorciser toutes ces années de passivité tout en masquant cette solitude qui la fait tant souffrir.
Voilà bien un intéressant sujet que Poeti traite pourtant avec trop de légèreté. Le traumatisme de Carol et les sévices subis se résument malheureusement à un bref flash-back, une trop courte orgie bourgeoise, étrange et malsaine, qui aurait mérité d'être plus détaillée pour en renforcer l'impact, et quelques lignes de dialogues pris ça et là qui trahissent le mal être de cette femme brisée.
Le spectateur aura un peu trop de mal à éprouver la moindre émotion pour cette épouse meurtrie d'autant plus que tous les personnages qui l'entourent se résument quant à eux à de simples silhouettes trop peu ou mal définies. Inhibition, titre trompeur qui renvoie insidieusement au film documentaire sur Claudine, Exhibition, sorti l'année précédente, échoue donc dans sa tentative de créer une quelconque force dramatique d'où ce léger sentiment d'ennui qui plane tout au long du film.
Ce traitement trop superficiel est fort heureusement gommé par la beauté de la photographie et le soin apporté à l'aspect visuel. Outre la magnificence des décors naturels de cette Tunisie de rêve et les splendides tenues portées par Claudine Beccarie, dignes d'un conte des mille et une nuits, on retiendra surtout la prestation d'Ilona Staller que Poeti sublime tout bonnement. Plus angélique que jamais, quasi solaire, Ilona, radieuse, n'a que rarement été si bien mise en valeur, exception faite de L'éveil des sens d'Emy Wong de Bitto Albertini, a des années lumière de la vulgarité du personnage de la Cicciolina qu'elle créera deux ans plus tard. Elle parviendrait presque ironiquement à voler la vedette à Claudine, incarnation d'une certaine maturité, avec qui elle a de superbes scènes saphiques, tendres et sensuelles.
A leurs cotés, on reconnaitra l'infatigable Ivan Rassimov dans le rôle de Peter, le jeune et fort séduisant Cesare Barro pour son premier rôle à l'écran, aussi désinhibé que ses deux partenaires féminines, et l'apparition trop furtive de Patrizia Gori.
Jamais vulgaires ou osées, les scènes érotiques sont quant à elles souvent superbes, portées par la très jolie partition musicale de De Angelis.
Si dans le fond Inhibition représente à un certain degré l'apothéose de l'exotico-érotisme à l'italienne, dans sa forme le film en lui même ne s'élève malheureusement jamais plus haut qu'un simple roman d'amour dramatique anti bourgeois et féministe que la transparence de la réalisation rend trop inoffensif. Dommage que Poeti ait raté son objectif par son indigence car il avait tous les ingrédients pour délivrer un excellent film érotico-exotique tout empreint d'une jolie dose de souffre.