OK mister!
Autres titres:
Réal: Parviz Kimiavi
Année: 1979
Origine: Iran France / Allemagne
Genre: Fantastique
Durée: 75mn
Acteurs: Erika Maas, Farokh Ghafari, Yadolla Shirandami, Charlie Penton, Terry Graham, Asghar Saida, Hossein Shavoshi...
Résumé: Quelque part en Iran non loin de Persepolis un colon millionnaire, Willian Knox D'Arcy, a l'intention de mettre la main sur un petit village et d'exploiter toutes ses richesses naturelles. Aidé d'un journaliste, d'un anthropologue et de Cendrillon elle même il va occidentaliser les autochtones pour mieux les asservir...
Né à Téhéran, ex-étudiant en photographie et en cinéma à l'IDHEC de Paris, l'iranien Parviz Kimiavi fait ses premiers pas derrière la caméra à la fin des années 60 en réalisant documentaires et courts-métrages. Il met en scène son premier film en 1970, Bazar- e mashhad, mais c'est en 1973 avec Les mongols qu'il obtient son premier grand succès. En 1979 peu de temps avant qu'il ne travaille pour l'ORTF il met en scène le surréaliste OK mister une coproduction franco-germano-iranienne qui trouve bel et bien sa place au sein de notre antre pour son coté loufoque complètement barré que pour la présence d'Erika Maaz à jamais associée à La papesse de Mario Mercier.
Il était une fois... quelque part en Iran non loin de Persepolis dans un petit village perdu joliment nommé "la terre des roses et des rossignols" les paysans vivaient heureux et tranquilles jusqu'au jour où un fidèle sujet britannique progressiste et millionnaire Sir William Knox D'Arcy fit son apparition dans la ferme intention de coloniser ces terres et d'exploiter ses ressources dont ses puits de pétrole. C'était sans compter la résistance des indigènes qui n'allaient pas se laisser assujettir aussi facilement. Knox fait donc appel à trois compatriotes afin qu'il l'aident dans ses noirs desseins. Débarquent alors en ballon l'anthropologue Sir Henry, le journaliste Stanley et la fascinante Cendrillon. La fabuleuse
beauté de la jeune femme va jeter un sort aux autochtones qui étourdis par sa magnificence vont se laisser envouter et obéir aveuglément aux ordres de Knox qui désormais peut en faire ce qu'il veut. L'occidentalisation du pays a commencé. Le petit village se transforme en une véritable petite ville américaine dominée par l'envahisseur mais la révolution ne va pas tarder à gronder...
Comme il l'avait déjà fait avec Les mongols, une curieuse comédie à la Godard sur les grands mythes iraniens, c'est de nouveau par le biais de l'absurde et d'une bonne dose de surréalisme que Kimiavi traite cette fois de l'occidentalisation des pays sous-développés
représentés ici par un petit village perse perdu au beau milieu du désert. Dés les premières images le premier mot qui vient à l'esprit pour définir OK mister est loufoque ne serait-ce que par l'apparition du personnage principal, le fameux William Knox D'Arcy, un colon britannique qui tel un zébulon surgit de tout orifice et autres trous dont ceux qui l'a creusé dans le désert tant et si bien que les indigènes l'assimilent au Diable. Et l'arrivée de ses trois compatriotes est aussi absurde puisqu'ils débarquent en ballon multicolore, parmi eux Cendrillon elle même! Ok mister s'inspire des idées de l'écrivain iranien Jamal El-e Ahmad, de sa vision et du danger que représente l'Occident. Kimiavi traite ici de l'impérialisme, de
l'occidentalisation sauvage, et de la manière dont l'envahisseur va progressivement détruire toute une culture non seulement en imposant la sienne mais en imposant également sa langue, ses idées, sa religion (on donne l'hostie à des musulmans) en effaçant l'identité même du pays pour mieux le rendre dépendant. Pour signifier cette invasion Kimiavi truffe son film de symboles représentant tous notre société capitaliste, l'American way of life, (T-shirts, intrusion de média tels la télévision, la radio, les inévitables canettes de Coca cola, des peluches de foire, des filets à papillons qui serviront à chasser non pas les papillons mais l'indigène(!), des motos, des talkie-walkie, de l'électro-ménager, le golf, le rock bien sûr
et les hamburgers...), qui vont permettre de facilement convertir la population. La présence de Cendrillon n'est pas anodine non plus. Personnage féerique de base elle représente le rêve, l'illusion, le miroir aux alouettes, celle qui envoute et aveugle le peuple pour mieux le soumettre. Et tous succombent. L'envahisseur autrement dit l'impérialiste, le colon, aidé par quelques autochtones rangés de son coté va ainsi pouvoir prendre possession des terres convoitées et assouvir ses désirs de conquêtes et sa soif de pétrole. Cendrillon n'est pas le seul personnage emprunté aux contes. Kimiavi fait aussi référence aux sept nains de Blanche-Neige (une autre héroïne Disney, incarnation là encore de l'Amérique) non
seulement en utilisant la chanson des nains (Sifflez en travaillant) mais en transformant de jeunes autochtones en "nains" qui repeignent tout le village en couleurs vives.
On s'amusera donc de ces trouvailles bizarres, grotesques. OK mister c'est un peu le croisement entre Les 1001 nuits, Les dieux sont tombés sur la tête et une bande dessinée. Décors en carton pâte multicolores qui se mêlent aux fabuleux décors naturels iraniens (Pasolini n'aurait pas mieux fait pour ses 1001 nuits justement), costumes délirants, gadgets (lunettes et crayons géants...), bulles incrustées dans l'image, personnages idiots, Kimiavi plonge son spectateur dans un contexte totalement surréaliste,
une sorte de rêve éveillé absurde, une loufoquerie où le réalisme de l'intrigue comme son aspect satirique ne sont cependant jamais vraiment altérés. L'histoire demeure claire, limpide, et garde sa pleine signification. L'humour est certes omniprésent. Mais si on sourit régulièrement rire est peut être un peu plus difficile car aussi sympathique et bon enfant que soit l'esprit, le ton du film de façon générale, Kimiavi ne maitrise pas toujours très bien un sens de l'humour parfois bancal. L'absurde, le ridicule est un art pas toujours évident à manier où il est parfois facile de tomber dans la puérilité. L'effet voulu peut faire flop. C'est par moment le cas ici comme lors de l'américanisation du village qui ressemble à une
grande cour de récréation. On se divertit, le ton est grinçant mais on est loin du fou rire. Mais il faut reconnaitre qu'il fallait oser certaines choses comme aborder subrepticement l'homosexualité (au son du subversif "Love to love you baby" de Donna Summer), l'appel à la mosquée où l'image se fixe sur des musulmans déguisés en clowns ricains se gavant de hamburgers et de Coca avant que les cloches du Vatican retentissent, les diverses techniques de recherche pour découvrir qui est le mystérieux Prince Charmant de Cendrillon comme mesurer le sexe des prétendants ou leur mettre une ampoule dans les fesses!
L'interprétation est aussi décalée, loufoque que la pellicule elle même, dominée par le
réalisateur-scénariste-comédien iranien Farokh Ghafari (William Knox D'Arcy) et la belge Erika Maaz dans le rôle de Cendrillon, trois ans après son inoubliable interprétation de Litra, le bras droit de La papesse. Hormis le film de Mercier ce sera le seul rôle principal que la mutine Erika, excellente ici, interprétera dans sa carrière. Elle enchainera par la suite les téléfilms et quelques sexy comédies franchouillardes avant de se tourner vers une carrière d'humoriste et surtout de coanimer auprès d'Eddy Mitchell La dernière séance. Ils sont entourés de Charlie Penton (également scénariste ici), de Terry Graham (dont ce furent les seuls rôles à l'écran) et d'autochtones (tous très bons) qui jouent leur propre rôle.
OK mister (ce que ne cessent de dire les indigènes en signe de soumission) sans un être un chef d'oeuvre de la satire est une véritable petite curiosité inédite en France. Cette revisitation de Cendrillon est une amusante loufoquerie, une farce acide qui outre son sujet traité par l'absurde, ses petites trouvailles, est également intéressante lorsqu'on la replace dans le strict cadre du cinéma iranien d'alors puisqu'elle dénote carrément par rapport à ce qui pouvait alors se faire. Sorti juste quelques mois avant la révolution iranienne de 1979 OK mister annonce à sa manière les nouveaux courants de pensée qui accompagnèrent cette révolution sociale. Et c'est d'ailleurs par une révolution que se termine OK mister, les villageois chassant l'envahisseur qui, vaincu, rentre penaud chez lui!