La colonna infame
Autres titres:
Réal: Nelo Risi
Année: 1972
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 100mn
Acteurs: Vittorio Caprioli, Pierluigi Aprà, Francisco Rabal, Andrea Aureli, Martin Balsam, Helmut Berger, Lucia Bosé, Bruna Cealti, Ernesto Colli, Feodor Chaliapin, Giuseppe Colombo, Teodoro Corrà, Francesco D'Adda, Filippo De Gara, Daniele Dublino, Pietro Fumelli, Dada Gallotti, Gengher Gatti, Ettore Geri, Philippe Hersent, Annabella Incontrera, Rossano Jalenti, Danika La Loggia, Roberto Maldera, Francesco Malo, Evar Maran, Dino Mele, Monica Monet, Luigi Montini, Franco Moraldi, Jocelyne Munchenbach, Ferdinando Murolo, Lorenzo Piani, Salvo Randone, Mariano Rigillo, Pupino Samonà, Sergio Serafini, Sergio Tofano, Steffen Zacharias, Angelo Boscariol...
Résumé: En 1630 Milan est ravagée par une épidémie de peste qui terrifie la population. Chacun réagit à sa manière, certains étant prêts à accuser des innocents pour trouver une explication à ce fléau. C'est ce qui va arriver à deux pauvres hommes qui vont se retrouver face aux juges et à leurs méthodes de tortionnaires pour leur faire avouer un crime qu'ils n'ont pas commis...
Réalisateur méconnu Nelo Risi, le frère de Dino Risi, n'a jamais réellement su trouver sa place dans l'univers cinématographique italien, la plupart de ses films, sept en tout si on excepte ses documentaires, ayant aujourd'hui quasiment disparu, oubliés de tous malgré leur originalité. Est-ce justement cette originalité, leur hermétisme qui condamnèrent leur auteur à l'oubli? Redécouvrir la courte filmographie de Nelo Risi étalée sur presque trente années, est une chance pour le cinéphile même si ses pellicules sont aujourd'hui visibles uniquement par le biais de copies antiques ou via de rares passages télévisés sur les
chaines italiennes d'hier. Parmi ses oeuvres les plus abordables il y a La colonna infame qu'il réalisa en 1972 juste après le sombre et freudien Journal d'une jeune schizophrène, l'étrange et envoutant Ondata di calore / Vague de chaleur et l'adaptation d'une partie de la vie de Rimbaud, celle qui passa en Afrique, Una stagione all'inferno / Une saison en enfer.
Milan an de grâce 1630. La ville est contaminée par une terrible épidémie de peste qui terrifie la population. Chacun réagit à sa façon. Certains sont même prêts à accuser des innocents pour simplement désigner un coupable. Un jour, une vieille lavandière prétend avoir vu le commissaire à la santé Guglielmo Piazza répandre sur un mur une étrange pâte
jaune qui pourrait être à l'origine de l'épidémie. Celui ci se défend comme il peut et sous la torture avoue que cette pâte lui a été vendue le barbier Gian Giacomo Mora qui la fabriquerait chez lui pour ensuite la vendre. Il est à son tour arrêté par l'intransigeant capitaine Arconetti. Piazza et Mora vont être soumis à la torture afin qu'ils avouent être les "infecteurs", les responsables du fléau. Un long et retentissant procès va alors s'ouvrir au bout duquel les deux hommes seront condamnés à mort... pour rien! L'échoppe de Mora sera détruite. Sur les décombres sera alors érigée ce qui sera désigné comme la colonne infâme, un funeste monument dressé comme un avertissement aux citoyens.
Pour son cinquième long métrage Nelo Risi a choisi d'adapter le célèbre roman de Alessandro Francesco Manzoni, Storia della colonna infame / Histoire de la colonne infâme, qui retrace une des plus dramatiques périodes de l'histoire de Milan, celle qui vit une épidémie de peste ravager la ville alors qu'elle était sous domination espagnole. C'est une adaptation fidèle du roman que Risi propose ici, un film sans concession qui met en avant la férocité, la bêtise du pouvoir mais aussi les abus dont font preuve les juges, les tribunaux et aussi l'Eglise qui tous se veulent tout puissants profitant non seulement de la peur engendrée par le fléau mais aussi des croyances populaires. Il pointe du doigt la cruauté
dont peut faire preuve ce pouvoir, ces juges qui se veulent tout puissants qu'on peut sans problème rapprocher de l'inquisition. De cette dénonciation nait une bande d'une grande froideur. L'ouverture avec ses scènes de charniers, ces plans de cadavres mutilés dévorés par les chiens... donne le ton. Le film tourné avec rigueur par un Risi aussi implacable que ses juges est d'un incontestable réalisme ce qui lui donne un coté documentaire historique non déplaisant.
Le long et accablant procès qui suit l'arrestation du pauvre barbier et du commissaire à la santé est un grand moment de cinéma à l'instar de certaines scènes de tortures (appelés
par les bourreaux "les tourments") étonnamment impressionnantes et elles aussi tout autant réalistes. Il aurait été facile pour Risi de vite sombrer dans le sanguinolent et la complaisance mais il a su justement éviter ces écueils sans pour autant édulcorer ni leur violence ni leur cruauté. L'intensité dramatique ne cesse de croitre au fil des minutes jusqu'au tragique final, la condamnation à mort des deux hommes, deux innocents conduits à la potence lors d'une procession funeste rythmée par une musique martiale alors que s'abat soudain sur la ville une pluie torrentielle, une scène qui devrait marquer les esprits comme devrait toucher l'émouvante scène du pardon du barbier avant l'exécution.
L'interprétation est à la hauteur, aussi froide que le film lui même, dominée par un Helmut Berger glacial dans la peau du capitaine de justice. Vittorio Caprioli (le commissaire à la santé) est purement extraordinaire, son jeu est d'une intensité remarquable. Accusateur puis victime il est de toute évidence le personnage central du film. Le film doit beaucoup à sa prestation. Francisco Rabal (le barbier) est tout aussi bon. Le trio est entouré de noms aussi prestigieux que Lucia Bosé, Annabella Incontrera, Savatore Randone, Daniele Dublino, Feodor Chaliapin, Philippe Hersent, Andrea Aureli, Martin Balsam et Dino Mele inoubliable dans l'excellent drame de Giuseppe Patroni Griffi, Il mare, un des premiers films ouvertement gay italien.
Tourné presque uniquement en intérieur La colonna infame est avec Una stagione
nell'inferno le film le plus accessible de son auteur pour ceux qui aimeraient découvrir sa filmographie surtout s'ils ne sont guère amateurs d'oeuvres cérébrales ou trop philosophiques. C'est d'autant plus évident que La colonna infame est un des rares si ce n'est son seul film sorti en DVD en Italie.
Même si la reconstruction de l'époque peut sembler un peu pauvre, un peu théâtrale également, tant la mise en scène que la narration sont quant à elles simplement très bonnes tout comme le message que Nelo Risi délivre, toujours autant d'actualité malheureusement.
Ce sera son ultime long métrage du moins pour cette décennie. Il ne reviendra au cinéma qu'en 1987 puis une ultime fois en 1997.