Gente d'onore
Autres titres: People of honour
Réal: Folco Lulli
Année: 1967
Origine: Italie
Genre: Polar / Noir
Durée: 85mn
Acteurs: Folco Lulli, Saro Urzì, Rosemary Dexter, Halina Zalewska, Piero Lulli, Leopoldo Trieste, Franco Giornelli, Mirko Valentin, Franco Marletta, Saverio Laganà, Nino Musco, Renato Terra, Enrico Salvatore, Gaetano Dell'era, Gaetano Tomaselli, Giulio Maculani...
Résumé: Recherchés par la police sept mafiosi doivent quitter la Sicile pour éviter que leurs chefs ne soient découverts. Ils partent donc à pied et commencent une longue traversée du pays afin de rejoindre la côte ouest pour embarquer sur un bateau. Au cours de leur voyage ils trouvent tour à tour la mort. Cette expédition est-elle un traquenard?
Le colossal Folco Lulli est surtout connu comme acteur puisque du milieu des années 40 jusqu'à sa mort en mai 1970 il est apparu au générique de plus d'une centaine de films, tout genre confondu. En 1967 il décide pour la seule et unique fois de sa carrière de passer derrière la caméra. Il écrit, produit et réalise ce petit mafia movie sicilien méconnu pas forcément transcendant mais pas totalement inintéressant non plus.
Sept mafieux siciliens dont l'imposant Turi apprennent un soir qu'ils sont recherchés par la police de tout le pays qui ainsi pense mettre la main sur les boss de l'Organisation. Les sept hommes prennent immédiatement la fuite. Ils vont traverser la Sicile à pied à travers champs et montagnes arides afin de rejoindre une embarcation sur la côte ouest et pouvoir ainsi échapper aux autorités et protéger l'Organisation. A peine leur voyage a t-il commencé qu'ils trouvent la mort chacun leur tour. Accident? Malchance? A moins que cette odyssée ne soit qu'un traquenard. Au bout du compte seul Turi en sortira vivant bien décidé à se venger de ceux qui les ont piégés.
Pour sa seule expérience comme réalisateur on ne peut pas dire que le jovial acteur ait eu la main heureuse. Quelques soient ses qualités Gente d'onore reste un film décevant. Tourné comme une sorte de western-spaghetti dont il reprend certains des codes ce mafia movie, ce "mafia road movie" pourrait-on dire si on voulait lui inventer une dénomination spécifique, souffre de ses nombreuses invraisemblances, en premier lieu ses personnages. Difficile d'imaginer qu'on est ici en présence de mafiosi puisque la plupart ressemble à de braves paysans ou chasseurs siciliens, plus crédibles dans des rôles de bergers qu'en dangereux bandits mafieux traqués par les carabiniers. C'est la première
erreur de Lulli, le choix de ses acteurs (hormis le toujours excellent Leopoldo Trieste et Saro Urzi) dont une partie non professionnels qui ont du mal à être convaincants, à donner un minimum de consistance à leurs personnages qui jamais ne dépassent le stade du stéréotype. Ils font ce qu'on leur dit de faire, consciencieusement, mais cela ne suffit malheureusement pas. Difficile de s'attacher à eux, de tout simplement s'intéresser à eux et à leur périple à travers le pays. Car voilà bien ce qu'est Gente d'onore, un joli voyage, une traversée à pied d'un bout à l'autre de la Sicile, de Palerme à la côte occidentale du pays, d'où le terme road movie régulièrement employé par la critique pour qualifier le film. Malgré
l'insipidité de l'interprétation le film aurait pu être captivant si Lulli avait su lui insuffler un minimum de suspens ce qui n'est pas le cas. Une telle intrigue n'en était pourtant pas dépourvue. C'aurait pu être un voyage sous tension qui avait tout pour tenir le spectateur en haleine. Sous la houlette de Lulli il se transforme surtout en une visite guidée de la Sicile, en une promenade bucolique à travers le pays ponctuée par la mort des compagnons de Turi qui l'un après l'autre sont mystérieusement tués, un peu comme les dix petits indiens d'Agathie Christie sauf qu'ici ce sont sept petits mafiosi. Mystérieusement est là encore un
bien grand mot puisque leur mort, souvent stupide, est comme le reste du film platement mise en scène et qu'on comprend très vite qu'ils sont tombés dans un piège, victimes d'un traquenard. Reste juste à découvrir qui est à l'origine du piège, de quelle façon ils seront tués et qui sera le prochain même si une fois encore il est facile de savoir dés le départ qui restera en vie... ou pas. On pourra cependant garder en tête la scène du téléphérique artisanal qui avouons-le possède un certain potentiel pour le peu qu'on soit un brin émotif cela va de soi.
Quant au final il prend assez rapidement une tournure involontairement comique. Il faut en
effet voir Turi s'échapper sur une moto aussi petite qu'il est imposant, une scène qu'on pourrait facilement imaginer droite sortie d'une comédie française à la De Funès. L'ultime séquence certes originale mais complètement naïve est cependant loin d'avoir l'impact recherché. Après quelques brefs instants de surprise elle risque surtout de faire sourire, voire beaucoup rire. Travesti en veuve éplorée Turi, imperturbable, abat en pleine rue ceux qui ont commandité le meurtre de ses compagnons. On se rapproche du film noir traditionnel, on devine l'effet que voulait créer Lulli, le résultat n'est vraiment pas à la hauteur! Il frise même les limites du ridicule absolu.
Loin des chef d'oeuvres mafieux de Damiano Damiani et Elio Petri, grands prêtres du genre à cette même époque, le film de Lulli est bien plus un drame paysan archaïque merveilleusement invraisemblable, superbement improbable, un drame à la Franco et Ciccio qui mélange à tout va vendetta, embuscade, vengeance de veuve inconsolable et de mauvaise épouse, qu'un véritable mafia movie dont il n'a quasiment rien si ce n'est une vague intrigue qui pourrait s'appliquer à n'importe quel autre film. Malgré l'aspect involontairement comique du scénario, l'incohérence de l'ensemble, la platitude de la mise en scène et de l'interprétation et le manque visible de moyens Gente d'onore se laisse
regarder sans trop de mal grâce avant tout à la beauté des paysages siciliens que Lulli nous fait visiter durant 90 minutes non stop. Des montagnes aux terres arides en passant par les champs baignés de soleil sans oublier la découverte de fêtes folkloriques voilà un fabuleux tour du pays qui donnera des envies de vacances et apportera un peu de rêve dans la grisaille du quotidien. Les superbes musiques de Lallo Gori subliment cette visite touristique gratuite. Voilà deux éléments qui font que Gente d'onore mérite une petite vision auxquels s'ajoute la présence de Rosemarie Dexter dont le personnage est là semble t-il
que pour uniquement se déshabiller (le but d'une strip-teaseuse) et donner au film son quota d'érotisme. Halina Zalewska quant à elle n'a malheureusement qu'un rôle assez bref qui ne la met guère à son avantage, la jeune veuve vengeresse, et aucune scène érotique à la clé. En résumé on pourrait dire de Gente d'onore: géographiquement superbe, cinématographiquement dispensable. Si Folco Lulli était un excellent acteur il fut un piètre réalisateur.