Maniaco Deprebis

Enzo Trapani, scénariste-réalisateur qui se suicidera d'une balle dans la tête en novembre 1989, n'aura guère laisser de traces dans l'univers du septième art. S'il a essentiellement travaillé pour la télévision jusqu'à l'aube des années 90, il n'aura durant toute sa carrière réalisé que cinq longs métrages aujourd'hui bien oubliés, tous entre 1950 et 1965. On trouve un polar, Labbra bianca, un film d'aventures, Turri il bandito, une comédie intitulée Viva il cinema!, un film à sketches sur le thème des revues musicales, Viva la rivista! et ce

Altassima pressione, un musicarello, autrement dit le nom donné aux comédies musicales italiennes alors très en vogue sur les écrans.
Il n'est pas très facile de résumer ce film car d'intrigue il n'y en a quasiment pas. On fait simplement connaissance avec Roberto, un jeune chanteur-compositeur fauché qui rêve de faire de la musique son métier mais également de créer une boite de nuit qui serait le lieu à la mode pour lui et ses amis, de manière plus générale pour tous les jeunes de la ville. Il parvient à convaincre le père d'un ami, un brave charcutier un peu bougon, d'investir dans ce

projet. Nait ainsi Le Catacomba club. Tout le film repose donc sur cette trame ultra mince qui en fait n'est qu'un gentil prétexte à enchainer des morceaux de musique, de faire performer sur scène les grands noms de la chanson italienne de ce milieu d'années 60. En fait Altassima pressione, un titre trompeur car il n'y a ni pression encore moins de hautes pressions si ce n'est météorologiquement parlant car le soleil brille sur Rome durant 90 minutes, est plus une sorte de film documentaire qu'un véritable film. Pendant quasiment tout le métrage Trapani filme ses acteurs dans leur quotidien afin d'illustrer l'insouciance de

cette jeunesse éprise de liberté qui ne songe qu'à s'amuser, chanter et danser sur les chansons, les musiques à la mode. Le film s'ouvre d'ailleurs sur une série d'interviews assez drôles où les jeunes répondent à des questions du type: "Pourquoi ne vous coupez vous pas les cheveux" (Parce que j'ai d'autres choses à faire avec mon argent!), "Faites vous le signe de croix avant de dormir?" (Non, seulement quand j'ai peur de mourir), "Monteriez vous dans la voiture d'un inconnu?" "Avez vous les clés de chez vos parents?" "A quoi reconnait-on qu'un garçon vieillit?" "Qui sont les plus idiots, les filles ou les garçons?" et tant d'autres.

Musicalement parlant adieu les yéyés débarquent en force le jerk et le rock. Se produisent ainsi devant la caméra de Trapani des célébrités italiennes haut de gamme telles que l'incontournable idole de ces années 60, le toujours aussi séduisant italo-libanais Ricky Shayne, qui en fit s'évanouir plus d'un et d'une. Il interprète l'excellent "Uno dei mods" au célèbre Piper club puis cède sa place à Gianni Morandi (également acteur ici), la star des adolescents Dino qui interprète aussi le rôle principal (Roberto), Nicola di Bari, Anna Maria Izzo, Lucio Dalla, Edoardo Vianello, The Rokes, Michele etc... auxquels s'ajoutent les belles

compositions de Ennio Morricone. Pour les plus chauvins on a même droit à une prestation de notre Françoise Hardy nationale qui chante "Devi ritornare". On sera un peu étonné de son apparition lorsqu'on sait qu'elle fut une amie de Dino à cette époque.
Pas de musicarello sans histoire d'amour. On suit ici les amours de notre petite bande de jeunes mais plus particulièrement celle de la pauvre Lia (Micaela Esdra revue par la suite dans Opération peur) qui a bien du mal à être heureuse auprès de Roberto qui lui a pourtant écrit une belle chanson, "Un ragazzo di ghiaccio". Le souci est que Lia est jalouse

de la relation qu'il entretient avec Serenella (interprétée par une toute jeune Rosemary Dexter ultra sexy), une jeune fille qui a la possibilité de lui ouvrir bien des portes dans le métier. Mais tout se terminera très bien pour eux. Le titre sera un succès et les deux tourtereaux seront réunis en fin de pellicule entourés de tous leurs amis rassemblés pour l'occasion.
Tourné dans un splendide noir et blanc Altissima pressione n'est certes pas un grand film, il peut même paraitre très anodin. Malgré l'extrême minceur de son scénario il n'en est pas

pour autant déplaisant. Loin de là. C'est tout simplement une petite bulle d'air frais, un joli rayon de soleil dont la seule ambition est de joliment illustrer l'insouciance, la joie de vivre de la jeunesse de ce milieu d'années 60. Ni plus ni moins. Tous les nostalgiques de cette époque apprécieront outre la fraicheur de l'interprétation les looks (les cheveux s'allongent chez les garçons qui arborent coupes au bol à la Beatles et franges rebelles, les filles sortent les mini jupes et affectionnent la choucroute mais restent encore sages) et se régaleront des fort nombreux numéros musicaux, des tubes italiens tous fort bien choisis et très bien insérés qu'ils fredonneront surement tout en tapant du pied et en remuant surement en rythme leur fessier.