La padrona è servita
Autres titres: La padrona / The mistress is served / The boss is served / Die Herrenreiterin / La condesa insatisfecha
Réal: Mario Lanfranchi
Année: 1975
Origine: Italie
Genre: Sexy comédie
Durée: 103mn
Acteurs: Senta Berger, Maurizio Arena, Bruno Zanin, Erika Blanc, Barbara Nascimben, Barbara Vittoria Calori, Pina Cei, Angiolina Quinterno, Luigi Casalini, Bruno Lanzarini, Patricia Weber, Renzo Bianconi, Patrizia De Clara...
Résumé: A la mort de son fils la comtesse Angela et sa famille, soit sa belle-mère et ses trois filles, doivent accueillir sous leur toit un riche industriel aussi cynique que goujat à qui le domaine doit revenir. Daniele, le fils de l'industriel, vient y habiter lui aussi. Encore puceau l'adolescent va faire tourner la tête des trois filles de la comtesse qui entreprennent de lui faire son éducation sentimentale. Mais c'est d'Angela que Daniele s'éprend. La belle veuve le dépucelle. Daniele est aux anges jusqu'au jour où son père l'épouse...
Durant sa longue carrière débutée dans les années 50 Mario Lanfranchi a essentiellement travaillé pour la télévision. Au cinéma on garde surtout à l'esprit son agréable western-spaghetti Sentence de mort qui rassemblait Tomas Milian, Enrico Maria Salerno et Richard Conte. On lui doit également un petit polar aujourd'hui oublié avec Tony Lo Bianco Genova a mano armata / L'homme sans pitié et cette comédie inédite en France mais qui à sa sortie connut en Italie un certain succès, La padrona è servita.
Après avoir fait banqueroute le fils de la prude Comtesse Fanny s'est suicidé. Un de ses créditeurs, un riche industriel grossier et sans moral nommé Domenico Cardona, débarque chez la comtesse afin de prendre possession de sa villa et s'y installer. Mais il accepte cependant qu'elle reste y habiter avec sa séduisante belle-fille Angela, ses trois filles Olga, Claudia et Lina et la domestique Sultana. Le fils de l'industriel, Daniele, un adolescent encore puceau, vient lui aussi habiter à la villa. Il va vite faire tourner la tête des trois filles de la comtesse, toutes plus débauchées les unes que les autres, qui acceptent sans mal de lui faire son éducation sexuelle. Mais c'est d'Angela que Daniele tombe amoureux. Tous
deux finissent par sortir discrètement ensemble mais le père de Daniele a également jeté son dévolu sur la jolie veuve. Angela doit maintenant choisir entre le père et le fils mais elle ne peut décemment pas opter pour l'adolescent. Lors d'un voyage d'affaires à Paris, elle accepte d'épouser l'industriel au grand désespoir de Daniele qui a bien du mal à se remettre du choc et surtout à supporter voir son père dans les bras de celle qui l'aime devenue désormais sa belle-mère. Les trois filles de la comtesse, plus particulièrement Claudia, la plus virulente, profitent de la situation pour séduire en vain le jeune garçon qui se retrouve seul. Son meilleur ami, Leo, avec qui il avait une relation quelque peu particulière a
quitté l'Italie pour l'Australie. Il se jette à fond dans le travail afin d'être un jour à la tête des affaires de son père. Ce dernier meurt d'un infarctus alors qu'il tentait de violer Lina. La comtesse et ses filles ne peuvent que se réjouir du décès du goujat. Deux fois veuve Angela souhaiterait se réconcilier avec Daniele qui a repris l'entreprise de son défunt père. Le jeune homme est devenu aussi intransigeant que ce dernier. Seuls les biens de la jeune femme l'intéressent désormais.
La padrona è servita fut écrit en collaboration avec Mario Lanfranchi par Pupi Avati. On reconnait de suite la griffe du réalisateur dans sa description de la vie campagnarde en
Emilie-Romagne dans les années 50, un des atouts de cette sexy comédie douce-amère qui comme dans les premiers films de Avati a recours au talent de grands acteurs du théâtre bolognais, ici le vétéran Bruno Lanzarini qui interprète le vieil avocat de famille. C'est pour dire que beaucoup de nostalgie émane de cette histoire qui tente pas toujours très bien de se faire s'affronter différentes couches sociales, notamment une aristocratie toujours aussi décadente et un monde plus populaire, plus campagnard. En ce sens le film est assez inégal.
La première partie est certainement la plus faible, la moins bien menée, la plus irritante
mais la plus trash surtout. Irritante car on s'agite, on crie beaucoup plus spécialement le personnage interprété par le girond Maurizio Arena qui devient très vite énervant. Il ne parle pas, il ne cesse de hurler à tout va, caricaturant à l'excès cet industriel goujat qui n'a rien d'attachant encore moins de drôle. Il en va de même pour les trois filles de la comtesse et la servante qui se démènent comme de beaux diables donnant une impression de fouillis plutôt désagréable tandis que Daniele n'est qu'un énième puceau qui tente de se faire déniaiser par des femmes plus âgées que lui. Certes Lanfranchi place ses protagonistes mais on aurait aisément pu se passer de cette cacophonie pour un peu plus de légèreté et
de drôlerie. Plus étonnante voire déroutante est la longue scène du repas où l'industriel, les comtesses et les nobles de la région se gavent comme des oies de la plus répugnante des façons entre deux concours de rots et de pets. Comme quoi l'aristocratie a toujours su s'amuser sans jamais avoir peur d'en faire trop dans l'amoralité. On pense d'une certaine manière aux excès de La grande bouffe, la maitrise en moins, car là encore elle manque par moment d'un peu de cohérence. Dommage!
Bien plus réussie est la seconde moitié du film, de loin la plus intéressante, la plus attachante aussi. La padrone è servita se transforme doucement en une comédie aigre-
douce essentiellement centrée sur la relation interdite entre Daniele et Angela, leur amour naissant, le dépucelage du jeune homme puis leur douloureuse séparation suite au mariage d'Angela avec le père de Daniele. Du mauvais gout on passe à bien plus de tendresse, de douceur voire de poésie. A l'érotisme débridé de la première partie succède une certaine pudeur, une grande beauté tant dans les décors eux-mêmes que dans la force des sentiments de cet adolescent qui est déjà presque un homme et de cette séduisante femme qui préférera l'argent, sa position sociale et un homme cynique et grossier qu'elle n'aime pas au véritable amour. C'est dans ce registre que Lanfranchi semble être le plus à
l'aise bien plus que dans la gaudriole, que sa mise en scène est la plus maitrisée. La beauté des décors campagnards de la Basse-Emilie, la musique absolument superbe de Stelvio Cipriani (peut-être une de ses plus belles compositions), la douce mélancolie dans laquelle baigne le récit et l'interprétation sans faille tant des principaux acteurs que des seconds rôles achèvent de donner au film ses lettres de noblesses. Senta Berger (Angela) est comme d'accoutumée splendide, tout en justesse. Face à elle Bruno Zanin, un habitué du genre puisqu'il fut déjà au générique de La première fois sur l'herbe et La prova d'amore, est un Daniele là encore tout en finesse, parfaitement à l'aise dans ce rôle
d'adolescent transi d'amour pour la belle veuve. Impossible de ne pas citer Erika blanc dans la peau de la libidineuse Olga et la très désinhibée Barbara Nascimben qui nous gratifie de quelques brefs mais jolis nus frontaux mais surtout nous fait jouer au "Tu vois-tu vois pas" sans oublier ce pied masturbateur qui s'égare sur l'entre jambe de l'adolescent afin de l'exciter.
Le mauvais gout sera de retour dans l'ultime partie du métrage lors de la fameuse scène de la course à travers les jardins de l'industriel durant laquelle les nobles tentent de s'attraper, de se sauter dessus, de se déshabiller, et celle de la mort humiliante de Cardona, victime d'une crise cardiaque alors qu'il tente de violer Lina déguisé en pharaon juste après qu'il ait
embroché une bourgeoise débauchée derrière un arbre... ou toute la splendeur d'un personnage odieux!
La padrona è servita n'a rien d'exceptionnel scénaristiquement parlant. Entre arrivisme et éducation sentimentale/sexuelle d'un jeune puceau il donne dans le stéréotype, la caricature et le déjà-vu mais l'érotisme souvent osé, le coté grivois et le mauvais gout de l'ensemble, la splendeur de la partition musicale et des décors émiliens, la vitalité de la narration et l'émotion qui s'en dégage, le duo Berger-Zanin, font de cette sympathique comédie une pellicule aussi divertissante qu'attachante.
Peut-être aurions nous simplement aimé que certains points de l'intrigue soient un peu moins fugaces comme cette parenthèse homosexuelle plutôt obscure entre Daniele et son ami Leo. Pour expliquer ces zones d'ombre et certainement le fouillis de certaines scènes il faut savoir qu'en son temps le film fut bloqué par la censure car jugé obscène sur bien des points. Réalisé en 1975 sous le titre La padrona il ne fut distribué qu'en 1976 sous le titre La padrona è servita après que les ciseaux de Dame censure ait effectué de nombreuses coupes ramenant le métrage original à seulement 103 minutes, soit la version qu'on connait aujourd'hui. Ne soyons pas bégueules! En l'état La padrone è servita reste une intéressante comédie qui mérite l'attention de l'amateur ne serait-ce que pour ses nombreuses qualités.