Violenza al sole
Autres titres: La partenaire / Quatre face à l'amour / Un'estate in quattro / Un'estate in 4 / Blow hot blow cold / Obsession In den hadern heisses blut
Réal: Florestano Vancini
Année: 1969
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 87mn
Acteurs: Bibi Andersson, Gunnar Björnstrand, Giuliano Gemma, Rosemary Dexter, Amos Davoli, Arturo Pallandino, Elisabetta Bonino, Moriones Francisco Javier, Brizio Montinaro, Paola Natale, Antonella Squadrito...
Résumé: Giulio et Laetizia, un jeune couple hédoniste, passe ses vacances d'été dans une station balnéaire sur les iles Tremiti. Ils font très vite la connaissance d'un couple suédois plus âgé, Gunnar et Margit qui n'a de cesse de les observer, les épier. Leur amour semble à la fois les déranger mais aussi les exciter. Margit a jadis vécu un drame. Elle est tombée amoureuse d'une jeune homme qui s'est suicidé. Son mari lui a pardonné et le couple a survécu grâce à leur psychanalyse. La présence de Giulio et Laetizia réveille en eux un passé douloureux. Entre les deux couples débute une tragique histoire d'amour et de mort...
Auteur d'une vingtaine de films étalée sur quelques cinquante ans de carrière Florestano Vancini s'est surtout spécialisé dans les oeuvres historiques et politiques parfois inspirées par la littérature. Fort d'une filmographie souvent contestée car sulfureuse qui n'a jamais laissée indifférent Vancini fait partie des cinéastes qui ont marqué l'histoire du cinéma italien. Après Bronte: cronica di un massacro longtemps considéré comme maudit et un western crépusculaire invisible de longues années Les derniers jours de la vengeance
Vancini tourne en 1970 Violenza al sole, un film d'inspiration bergmanienne qui s'avère être une petite réussite.
Giulio et Laetizia sont jeunes mariés. Ils passent leurs vacances dans les splendides îles Tremiti au large des Pouilles. Ils sont libres, s'aiment et n'ont pas peur d'exposer leur amour aux yeux de tous. A l'hôtel où ils logent ils font la connaissance d'un couple de suédois d'un certain âge déjà, Margit et Gunnar. Lui est psychanalyste, elle est un peu plus jeune que son mari. Gunnar et Margit observent le jeune couple avec envie. Leur amour ostentatoire
semble les déranger tout en les excitant. Depuis déjà des années leur couple traverse une crise. Ils ne semblent plus faire l'amour. Giulio et Laetizia font resurgir chez Margit de lointains souvenirs. Elle a jadis trompé son mari avec un beau jeune homme qui s'est suicidé. Margit ne s'est jamais remise de ce drame même si son couple a survécu à cette infidélité grâce à la psychanalyse. Au cours du séjour les deux couples se rapprochent. Déchirés entre envie et jalousie, leurs sentiments deviennent confus jusqu'au jour où Giulio disparait. Laetizia est désespérée. La police enquête jusqu'au jour où Gunnar avoue l'avoir assassiné. Accompagné par sa femme Gunnar conduit les policiers sur les lieux du crime. Il y reconstitue son horrible acte.
En ce tout début de nouvelle décennie les drames conjugaux vont se faire de plus en plus nombreux sur les écrans et devenir un genre incontournable du cinéma italien de l'époque. Violenza al sole fait partie de cette longue liste de films. On y retrouve tous les éléments inhérents à ce type de tragédies: un cadre idyllique à savoir les iles Tremiti, belles et sauvages, resplendissantes sous le soleil d'été, une station balnéaire, de l'amour, du sexe, la confusion et le trouble des sentiments et un drame surgi d'un lointain passé au coeur même de l'intrigue. Si la plupart du temps se forme très vite un triangle amoureux, déclencheur de tous les problèmes, c'est ici un carré amoureux que nous présente Vancini.
Deux couples diamétralement opposés. D'un coté nous avons deux jeunes mariés fou amoureux, hédonistes, libres qui exposent leur amour aux yeux de tous. De l'autre nous avons un couple plus âgé, taciturne, en pleine crise conjugale. Ils ne font plus l'amour et doivent surmonter un grave problème, un secret à l'origine de cette distance qui s'est installée entre eux. Ils épient, observent les deux jeunes mariés, à la fois jaloux, troublés, dérangés, excités par leur fougue et leur audace. Lentement ils vont s'immiscer dans leur vie, jeter sur eux le voile noir de la mort qui chaque jour les recouvre un peu plus.
La majeure partie du film se focalise sur la relation qu'entretiennent les deux couples. Gunnar et Margit observent, épient, tentent un rapprochement, de quoi intriguer le spectateur quant à leur objectif. Vancini oppose l'insouciance de Giulio et Laetizia à la froideur de leurs ainés. Tout se joue sur des regards, une attitude, des observations plus ou moins discrètes, l'ensemble entrecoupé de flashbacks où Margit revit les instants de bonheur qu'elle a connu avec son bel amant dans les plaines enneigées de Suède jusqu'au jour du drame, le suicide de l'homme qui s'est jeté sous un train. Tout prend lentement un sens. Le couple que forment Giulio et Laetizia, leur amour, rappelle à Margit ce douloureux passé,
les sentiments et le bonheur de ces moments révolus. Margit souffre. La présence du couple fait également ressurgir chez Gunnar ce passé mais c'est bien plus un sentiment de colère, de haine qu'il l'envahit. Contrairement aux apparences, l'homme n'a jamais réussi à oublier cette infidélité ni le mal qui l'a alors ressenti d'autant plus que son épouse ne peut toujours pas lui faire l'amour. Violenza al sole est un douloureux mélange de drame conjugal et de drame humain qui n'a d'égal que la complexité des sentiments que le cinéaste tente d'explorer dans un climat malsain. C'est un exercice difficile d'autant plus dur
qu'il faut maintenir l'intérêt de cette histoire aux yeux du spectateur puisqu'il ne se passe quasiment rien durant 90 minutes. C'est pourtant avec un certain brio que Vancini relève le défi.
On se laissera tout d'abord subjuguer par la beauté des décors naturels des iles Tremiti, un cadre insulaire idyllique où l'amour et la mort vont entrer en duel. Le cinéaste nous invite à un magnifique voyage au coeur de ce site méditerranéen enchanteur, de ses criques au monastère qu'il cache, des lieux parfois énigmatiques qui non seulement collent parfaitement à l'histoire baignée de mélancolie mais ont tous un lien avec l'intrigue. Vancini
joue avec les contrastes, les oppositions, les doubles sens, le passé et le présent qui n'ont de cesse de se chevaucher. Il fait se mêler, s'entremêler, interférer les vies des deux couples, l'ensemble empreint de temps à autres d'une touche d'onirisme presque troublante comme le rêve triste et sinistre que fait Laetizia après la disparition de Giulio et la scène très étrange de l'observation de la parade amoureuse nocturne des oiseaux sur l'ile qui fait monter chez les deux couples une tension sexuelle palpable. Le sexe, l'érotisme, jouent bien entendu un rôle très important. Même si Vancini reste très sage, époque oblige, il parvient cependant à créer une atmosphère moite, très sensuelle à travers bon nombre de
séquences qui on le suppose durent quelque peu faire frémir Dame censure mais surement émoustiller le spectateur. Les scènes intimes entre Laetizia et Giulio, intérieures et extérieures, sont toutes très belles, très excitantes sans jamais être vulgaires, définissant parfaitement l'alchimie qui existe entre eux. De quoi en effet troubler le public mais surtout ce couple rongé par ce passé coupable qui explosera enfin lors d'un final violent, cruel, en forme d'exorcisme, une conclusion vécue comme un exutoire, un cérémonial libérateur fort de tout un symbolisme. Aucun happy-end cette fois c'est sur une image d'une grande
tristesse que se termine ce drame balnéaire, les deux femmes cote à cote quittent l'ile, laissant derrière elle leur passé, leur vie, chacune à leur façon.
L'interprétation est quant à elle tout simplement excellente et participe à la réussite du film, en tête Bibi Andersson et Gunnar Björnstrand, deux présences qui plus que jamais rappellent Bergman puisqu'il s'agit de ses deux acteurs fétiches. Giuliano Gemma et Rosemary Dexter ont quant à eux la beauté et la fougue de leur rôle. S'il n'était peut-être pas évident pour les deux jeunes acteurs italiens d'être à la hauteur du duo bergmanien il faut avouer qu'ils y réussissent haut la main. Dernier atout et non des moindres, la splendide partition musicale signée Bruno Nicolai, triste, tellement mélancolique qui se répète à l'infini.
Violenza al sole discrètement sorti en France trois ans après sa réalisation sous le titre passe-partout La partenaire fait partie de ces films aujourd'hui oubliés, difficiles à visionner, ce petit bijou bergmanien n'ayant jamais fait l'objet d'éditions vidéo encore moins DVD. Seule une copie télévisée fort heureusement de bonne qualité permet aujourd'hui de découvrir cette bande malheureusement en allemand, la version italienne ayant semble t-il disparue. C'est donc avec un plaisir non dissimulé que l'amateur de drames conjugaux se laissera entrainer aux Trémites pour y découvrir cette bien sombre Partenaire. Serait-on à deux pas de crier au chef d'oeuvre?