Perros callejeros
Autres titres: Street warriors / Street dogs - I teppisti della strada
Réal: José Antonio De La Loma
Année: 1977
Origine: Espagne
Genre: Drame
Durée: 104mn
Acteurs: Ángel Fernández Franco, Nadia Windel, Miguel Ugal Cuenca, Jesús Martínez, César Sánchez, Francisco J. Sánchez, Basilio Fernández Franco, Miguel Ángel Hernández, Luis Martínez, Manuel Sánchez, Víctor Petit, Frank Braña, Xabier Elorriaga, Marta Flores, Carlos Tristán, Juan Patiño, Rebeca Romer, Carlos Lucena, Linda Lay, Eva Lyberten, Ana Rottier, Juan Torres, Juan Subatella, Javier de la Cima, Antonio Díaz del Castillo, Carlos Ibarzábal, Florencio Calpe, José María Cases, Gaspar 'Indio' González, Juan Viñallonga, Antonio Sarrá, Jaime Mir Ferry, Juan Minguell, Fredy Ripers, Rosa Gil, Alfonso Zambrano, Albert Díaz, Carlos Martos, Joaquim Cardona, José Antonio Vilasaló...
Résumé: A Barcelone un bande de jeunes délinquants d'une quinzaine d'années menée par El torete s'est spécialisée dans le vol de voitures. Chaque jour ces voyous commettent des vols et autres larcins afin de survivre face à la misère dans laquelle ils vivent. Ils défient la police, font des séjours réguliers en maisons de correction mais dés leur sortie ils recommencent...
Qu'est-ce que le cinéma quinqui? Il s'agit d'un genre cinématographique typiquement espagnol qui mettait en scène la jeunesse ibérique. Il y décrivait le quotidien de ces adolescents dans un pays qui lentement sortait d'un régime dictatorial, ravagé par la misère, le chômage, la délinquance, la violence, la drogue... . Les premiers quinqui virent le jour vers 1976 (avec notamment La corea) mais c'est José Antonio De La Loma qui lança véritablement le filon en 1977 avec Perros callejeros (littéralement Chiens errants), un film devenu aujourd'hui culte considéré comme une référence.
A Barcelone une bande d'adolescent âgés d'une quinzaine d'années menée par El Torete s'est spécialisée dans le vol d'automobiles. Ils s'en servent ensuite pour des vols à la tir, pour dévaliser les magasins, voler de la nourriture. Ils se font ainsi de l'argent pour que leur famille survive. La police a bien du mal à mettre la main dessus et lorsqu'ils les arrêtent et les emprisonnent dans des prisons pour délinquants juvéniles ils sont très vite relâchés tant ils ont de la ressource. El Torete est amoureux d'Isabel, la jeune nièce de El Esquinao, un dangereux gitan qui exploite le garçon. Si Isabel a déjà un fiancé elle aime El Torete même si son oncle refuse que l'adolescent s'en approche. Après qu'une partie de ses amis
et complices se soient fait tués lors de vols ratés El Torete s'enfuit avec Isabel après qu'elle lui ait avoué être enceinte de lui. Son oncle les retrouve, kidnappe le garçon et le castre. Précairement soigné par un vétérinaire l'adolescent trouve la force de s'enfuir pour se venger de El Esquinao qu'il réussit à tuer. Pris en chasse par la police El Torete est victime d'un accident. Sa voiture explose dans un précipice.
Véritable instigateur du genre José Antonio De La Loma s'est inspiré pour ce premier film de la vie du célèbre voyou Juan José Antonio Cuenca dit "El Vaquilla", un délinquant devenu en Espagne une icône, le symbole de toute une jeunesse, de toute une époque. Issu d'un
milieu très pauvre il commet son premier vol à 9 ans, commet son premier homicide (involontaire) à 12 puis fera régulièrement des séjours dans des maisons de correction jusqu'à sa majorité. Connu essentiellement des autorités pour sa facilité à voler des voitures il adore défier la police. C'est pourtant son addiction à l'héroïne qui le détruira. Il meurt du Sida à 42 ans. Sa vie fut depuis chantée, mise en images, en poèmes tant elle fut l'incarnation de l'Espagne post-franquiste. Perros callejeros n'est tout bonnement qu'une adaptation quasi parfaite de sa vie. El Vaquilla devient simplement ici El Torete et ce n'est pas Juan José qui joue son propre rôle car en prison au moment du tournage mais le jeune
Angel Fernandez Franco, 17 ans, qui allait devenir l'icône du film quinqui et une véritable star en Espagne.
Plus qu'une simple biographie Perros callejeros est le reflet de tout un pays en cette fin d'années 70, celle d'une Espagne au bord du gouffre tout juste sortie du terrible régime franquiste. Plongée dans la misère elle doit survivre comme elle peut. Pour tous ces jeunes le vol est un échappatoire à cette pauvreté extrême, une manière de fuir un système qui les a condamné à échouer. Ils volent parce qu’ils n'ont rien. Ils volent pour manger et nourrir leur famille. Condamné dés la naissance à être pauvre, condamné à leur perte dés le berceau ils n'ont d'autres choix que de tomber dés leur plus jeune page dans la délinquance ce qui
signifie pour eux le plus souvent maisons de correction, incarcérations dans des prisons pour adolescents mais aussi drogues, prostitution et la confrontation souvent violente avec les forces de police qu'ils défient comme pour se dresser contre le système qui renforce les inégalités et écrase les plus pauvres.
Si De La Loma a quelque peu changé certaines éléments par rapport à la vraie histoire de El vaquilla (El Torete a 15 ans et non pas 12 notamment, rajouter sa relation avec Isabel...) pour faciliter les choses son film n'en demeure pas moins un véritable coup de poing dans l'estomac, une violente peinture de toute une époque filmée et mise en scène avec
intelligence. Le film débute d'ailleurs comme un documentaire. Sur des images d'archives une voix off énumère une liste de jeunes délinquants morts lors de hold-up et autres délits ou simplement emprisonnés dans les grandes métropoles espagnoles. 13 ans, 14 ans, 15 ans... ! Directement après cette effrayante réalité sans aucune transition on fait la connaissance de El Torete et de sa bande composée de El Pijo, El Corneta, El cornetila, El Fitipaldi et El Piruli en pleine action: vols de voiture, vols à la tir, attaques de pauvres badauds, courses-poursuites sur les chapeaux de roue avec la police, échanges de coups de feu... . A partir de là l'action sera omniprésente, pas un seul temps mort, De La Loma suit
l'épopée de ses protagonistes avec un sens étonnant de l'authenticité, du réalisme aidé en cela par le jeu criant de vérité de ses jeunes acteurs pour la plupart non professionnels. Le cinéaste parvient avec brio, avec cohérence et beaucoup de cruauté à recréer le triste quotidien de cette jeunesse. Palpitant d'un bout à l'autre du métrage Une des grandes forces de Perros callejeros outre son réalisme exacerbé est d'avoir su faire de son personnage principal, El torete, un adolescent souvent attachant, qui n'est en rien un héros, juste un garçon comme des milliers d'autres en Espagne que De La Loma nous montre avec ses failles, ses faiblesses, ses peurs, la violence qui est en lui guidée par son
désespoir mais aussi sa douceur notamment lorsqu'il s'enfuit avec Isabel pour élever l'enfant qu'elle porte. Le spectateur peut se sentir proche de lui, s'identifier à lui. Il faut cependant préciser que le réalisateur ne fait pas de ces protagonistes des anges non plus quelque soient leurs qualités, leur humanité profonde, ils restent des voyous qui commettent des fautes graves mais qui souvent agissent sous les ordres d'autres personnes, d'adultes qui les exploitent (El Esquinao).
Malgré les quelques lueurs de joie qui éclairent par instant la pellicule Perros callejeros est foncièrement sombre, particulièrement dur notamment lors du final, totalement inattendu,
d'une cruauté étonnante, en forme de no happy end. C'est bouche-bée qu'on assiste à la castration de El torete, attaché à un poteau, pour avoir mis enceinte Isabel, violant ainsi toutes les valeurs morales d'un pays ultra conservateur qui jettera son pénis aux chevaux, prêt à le dévorer.
Outre le tableau du quotidien de cette jeunesse marginale le film se veut aussi une critique sociale amère des institutions, du système judiciaire et de l'administration espagnole qui condamnent ces mineurs, les enferment souvent comme des bêtes pour les empêcher de nuire mais ne font rien pour qu'ils s'en sortent ou reçoivent simplement une éducation,
souvent par manque d'argent. Quant à la police ou la Garde Civile elle ne fait qu'utiliser la force pour les mater même si parfois certains membres (Manolo) se rangent du coté des délinquants et leur apportent un peu d'affection et de compréhension. Ce point précis ne plut guère aux forces de l'ordre et De La Loma dut supprimer certaines scènes afin de pouvoir continuer à tourner.
La plupart des jeunes acteurs ont été choisis dans la rue par De La Loma parmi de véritables voyous comme ce fut très souvent le cas dans les quinquis. Tous non professionnels ils offrent une interprétation surprenante, tous excellents dans leur propre
rôle. Ils apportent énormément au film d'autant plus que le cinéaste a tiré profit de leur expérience de cette vie qu'ils connaissaient tous que trop bien. Il a passé de nombreuses heures à discuter avec eux et s'est servi de ces entretiens pour ajouter au réalisme du film. Le film fut aussi pour certains d'entre eux, recherchés par la police, un moyen pour échapper à la prison puisque étant sous contrat ils ne pouvaient être arrêtés. Si par la suite ils sont retournés pour la plupart à leur vie d'avant certains ont pu tirer avantage de cet intermède artistique notamment Angel Fernandez Franco, un proche de El Vaquila, devenu une star en Espagne, l'idole d'une génération qu'on put voir par la suite à l'affiche de quatre autres
quinqui. Toxico-dépendant il meurt malheureusement du Sida à seulement 31 ans. Ceux qui ne peuvent résister au charme latino ne seront point déçus, ne sachant où donner des yeux devant cette affiche composée d'anges des rues tous plus séduisants les uns que les autres, quelques plans de nus et de petits slips blancs étant aussi au menu, un soupçon d'érotisme récurrent au genre. Tous ces voyous irrésistiblement macho sont entourés par des acteurs confirmés dont Victor Petit et Frank Brana et quelques incontournables starlettes de l'érotisme ibérique d'alors, Eva Lyberten et Linda Lay.
Perros callejeros fut le plus gros succès commercial du réalisateur mais il fait aussi partie des dix films les plus rentables d'Espagne. Considéré comme une oeuvre culte dans son pays Perros callejeros malgré les défauts qu'on peut lui trouver est un must de ce riche filon, un film amer, dur, un témoignage sans concession de toute une part de l'Histoire de l'Espagne à ranger aux cotés des oeuvres de Eloy de La Iglesia entre autres.
José Antonio De La Loma signera deux suites, Perros callejeros 2 en 1979 et El ultimo golpes del Torete en 1980.