Nel cerchio
Autres titres:
Réal: Gianni Minello
Année: 1976
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 77mn
Acteurs: Giorgio Mascia, Edy Biageti, Biuseppe Bella, Dino Magno, Luanne Canziani, Renato Forte, Giuglielmo Ferraiola, Adriano Budinelli, Antonio longo, Bruno Marini, Salvatore Lener, Salvatore Gentile, Roberto Tassi, Riccardo Barrison, Vito Cofrancesco...
Résumé: Giorgio, un jeune sarde de 17 ans, quitte la Sardaigne pour trouver du travail à Venise. Il en trouve assez rapidement chez un souffleur de verre mais les conditions de sécurité précaires, le mal du pays, la solitude vont avoir raison de l'adolescent. Suite à un vol il se retrouve emprisonné dans un centre de détention pour jeunes voyous. Il y découvre la vie carcérale, la violence, l'homosexualité...
Très peu connu et pour cause le vénitien Gianni Minello, un grand ami de Giuseppe Ferrara dont il a produit bon nombre de films, aura très furtivement traversé l'univers d'un certain cinéma de genre marginal. En l'espace de 23 ans il n'aura réalisé que quatre films, aujourd'hui bien oubliés, mais qui cependant méritent notre attention. A travers eux Minello tenta comme il le pouvait de dépeindre la jeunesse italienne dans l'Italie des années 70 puis 80, sa misère, sa souffrance dans un pays miné par la pauvreté. Drogue, prostitution, homosexualité, prison pour adolescents tel était le cadre de ses films qui se voulaient être réalistes, proche d'un certain cinéma réalité. Nel cerchio, réalisé en 1976, est le premier des quatre.
A la mort de son père Giorgio, 17 ans, quitte sa Sardaigne natale pour aller vivre chez sa vieille tante à Venise, à Murano, et tenter d'y trouver du travail. Il en trouve chez un souffleur de verre. Giorgio survit comme il peut dans une Venise froide à mille lieues de son île baignée de soleil. Suite à un vol sur son lieu de travail Giorgio est arrêté et emprisonné dans un établissement pénitencier pour jeunes délinquants. Il y découvre la rudesse, la violence de la vie carcérale mais également l'homosexualité. Il est libéré quelques mois plus tard, suivi par un instructeur. Giorgio traine dans les bars, retrouve des copains. Il sort avec une jeune
fille mais la misère et le souvenir de ce qui l'a vécu en prison ont raison de lui.
Le cinéma de Minello c'est celui de jeunes qui se battent contre le monde dans lequel ils vivent, un monde qui n'est pas le leur et ne le sera jamais. Ils sont seuls, désespérément seuls et doivent faire face à la violence avec de temps à autre quelques moments de tendresse illusoire. Minello se veut l'oeil de ces adolescents qui n'ont aucune chance de fuir, de s'en sortir. Nel cerchio en est un exemple.
On suit l'itinéraire d'un jeune sarde venu à Venise pour y tenter sa chance comme beaucoup d'autres italiens qui ont quitté le sud du pays, sa misère, pour essayer de faire fortune au
nord. C'est un des thèmes du film, très présent dans le cinéma néo-réaliste italien des années 70, mais entre le mal du pays, la difficulté d'insertion, la difficulté de survivre dans une société où il ne semble pas y avoir sa place le garçon se retrouve seul face à une cruelle réalité. Dans un premier temps Giorgio va travailler dans une petite usine de verre où les normes de sécurité sont plus que précaires. Les ouvriers y travaillent à leurs risques et périls et doivent se taire s'ils ne veulent pas être renvoyés. C'est un des autres sujets traités, un de ceux auquel Giorgio va être confronté durant la courte période où il sera employé par le souffleur de verre. Seul dans une Venise froide et peu accueillante l'adolescent se
retrouve mêlé à de petits délits qui le conduisent en prison, dans un centre de détention pour mineurs, où il découvre la vie carcérale. C'est le troisième thème que Minello traite ici, celui de la violence dans ces maisons de correction pour délinquants où circulent la drogue sous les yeux de gardiens qui n'ont que faire des abus que subissent ces jeunes, que ce soit par leurs collègues ou par les codétenus. Giorgio va en être victime violé en pleine nuit. L'homosexualité fait évidemment partie du quotidien de ces adolescents.
Autant de sujets sociaux forts que le metteur en scène tente tant bien que mal de développer. On pense au cinéma de Rosselini mais également à Pasolini mais Minello n'a
ni l'expérience encore moins les moyens de ces illustres cinéastes. Nel cerchio, entre amateurisme et ambitions auteuriales, est un film quelque peu étrange tourné comme un sombre documentaire sur le parcours de cet adolescent, reflet de toute une Italie et de ses tares. Malheureusement Minello rate à demi son objectif. Ses intentions sont nobles, le travail également mais hormis de son budget aussi misérable que les quelques sous que gagne le pauvre Giorgio Nel cerchio souffre d'un réel manque d'émotion, d'intensité dramatique. Difficile en effet de s'attacher à son personnage (et de ceux qui l'entourent) tant il reste à l'état de simple stéréotype, peu aidé par la rigidité de son interprète Giorgio
Mascia, acteur non professionnel qui deviendra la mascotte du réalisateur, présent dans ses trois autres films. Dommage aussi que Giorgio soit bien plus vieux que le garçon qu'il interprète. Minello à l'instar de ses films suivants mais aussi comme le faisaient Pasolini et bien d'autres de ses confrères aurait du confier ce rôle à un véritable adolescent. Contrairement aux jeunes pasoliniens Giorgio perd donc en innocence, un élément indispensable à ce type de drame social. L'absence d'émotion nuit à l'ensemble, désamorce en partie le coté humain du film. On pourra aussi lui reprocher d'être resté trop superficiel tant dans le fond que dans la forme. On devine ses ambitions freinées par son
manque de moyens. A aucun moment il ne développe vraiment ses arguments, étaie ses considérations idéologiques et la morale qu'il en tire. Il montre, informe, constate sans approfondir les idées de fond. Malgré une conclusion certes attendue mais déchirante, d'un pessimisme à l'image de l'intrigue, c'est un peu frustré qu'on ressort du visionnage de cette pellicule d'une tristesse surprenante.
C'est justement cette tristesse qui rend le film attachant, curieux, par moment fascinant. C'est cet aspect qui fait oublier tous ses défauts. On pourrait même qualifier Nel cerchio de morbide. Rarement avait-on présenté Venise de manière aussi morne, une Venise grise,
hivernale, glaciale, quasi sans vie, qui arrive à devenir angoissante, oppressante. Tout est sale, vieux, triste, des rues aux habitations en passant par la prison qui semble tombée en ruine. Les jeunes détenus ont froid, vivent dans la pénombre. Ils font penser à des rats qui le temps de leur sortie quotidienne jouent au ballon dans la grisaille. Au froid, à la vétusté, au désespoir qui suinte de cette bande s'ajoute la brutalité, le passage à tabac de jeunes par des gardiens sans pitié entrainant la mort soigneusement couverte par l'administration. L'ajout d'images d'émeutes, de manifestations contre la misère sociale empruntées aux archives télévisées achève de donner le ton tout en appuyant sur le coté documentaire du
film. C'est dans sa morbidité que Nel cerchio puise sa force, que réside son intérêt aidé par la médiocrité du son (il fut enregistré en prise directe), ses images crasses et le jeu des acteurs tous non professionnels (à l'exception du générique Edy Biagetti), un détail que Minello a pensé bon de préciser lors de l'ouverture du film.
Plus étrange mais l'idée est originale Minello utilise à plusieurs reprises des cartons, des dessins très réalistes (signés Gianni Pegoraro) pour illustrer la vie en prison et surtout les scènes de sexe homosexuel entre prisonniers. Peut-être est ce là une solution de facilité ou une manière d'éluder des séquences trop crues sans pour autant les passer sous silence.
Le procédé est intéressant, fait son effet sans pour autant nous priver de nudité juvénile masculine. Nel cerchio contient quelques plans de nu frontal notamment sous les douches et une gentille scène de viol avec baisse de slip.
Récité en dialecte sarde et vénitien, Nel cerchio qu'accompagne une partition musicale aussi sombre que le film lui même peine quelque peu à se hisser au niveau des cinéastes et des oeuvres dont il s'inspire. Nonobstant ses défauts il n'en reste pas moins un film authentique, touchant dans la lignée du cinéma néo réaliste italien que l'amateur saura apprécier à sa juste valeur. Plus de moyens et un peu plus de professionnalisme dans la
mise en scène aurait fait de Nel cerchio un petit écrin d'une tristesse, d'un pessimisme à vous scier le moral.
Comme le film suivant de Minello qu'il réalisera sept ans plus tard, Un ragazzo come tanti, Nel cerchio est devenu au fil du temps une véritable rareté quasi invisible aujourd'hui. Il fut parfois programmé en Italie lors de festivals dans une copie rongée par le temps, en France également (au festival du film italien de Villerupt en 2016). La seule chance de le découvrir est d'essayer de se procurer la très vieille et rarissime VHS italienne, un Graal pour le collectionneur malgré la médiocrité de l'image.
Entre deux films Minello enseignait l'histoire du cinéma, la récitation et la mise en scène. Il s'occupait aussi de diriger les castings, toujours très investi dans le domaine culturel et social.