La notte dell'ultimo giorno
Autres titres:
Réal: Adimaro Mala
Année: 1973
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 89mn
Acteurs: Tony Kendall, Erna Schurer, Fiorenzo Fiorentini, Marina Malfatti, Enrico Maria Salerno, Franco Fabrizi, Corrado Pani, Marina Bartella, Bruno Boschetti, Alessandro Perrella, Caterina Speradio...
Résumé: Beppe Banti, un réalisateur bissexuel génial, prépare son nouveau film qu'il considère être l'oeuvre de sa vie. Il rencontre malheureusement de gros problèmes pour financer son projet. Son producteur refuse de lui donner l'argent nécessaire s'il refuse d'en faire une pellicule commerciale. Parallèlement Beppe traverse une grave crise existentielle. Lorsque son amant se suicide il perd la raison. Il tue d'abord sa petite amie qu'il rend responsable de ce suicide. Débute pour Beppe une longue descente aux enfers...
Très peu connu du public Adimaro Mala n'a réalisé que quatre films durant sa courte carrière de scénariste-metteur en scène et producteur, quatre dramatiques existentielles aujourd'hui bien oubliées qui pourtant méritent l'attention. La notte dell'ultimo giorno est la dernière des quatre après donc La violenza e l'amore, E stato bello amarti et La pelle a scacchi.
Le réalisateur Beppe Banti travaille sur son dernier projet qui lui tient particulièrement à coeur, un film intitulé La fiammetta. Ce film devrait être pour lui l'apothéose de sa carrière.
Malheureusement le producteur qui le finance, Giorgio Barelli, ne croit pas au potentiel du film et saborde le projet en refusant à Banti l'argent dont il a besoin pour le mener à terme. Excédé par les entraves qu'il ne cesse de rencontrer le réalisateur devient nerveux, agressif. Il compte bien se faire entendre par quelque moyen que ce soit. Il s'en prend à ses acteurs, les maltraitent sur le plateau. Lorsque Sandro, un ami écrivain, se suicide le metteur en scène perd pied. Sandro était plus qu'un ami, c'était aussi son amant. Une longue nuit commence alors pour Beppe. Il s'empare d'un pistolet et tue tout d'abord Francesca, sa petite amie qu'il rend responsable du suicide de Sandro. Francesca supportait de moins en
moins ce triangle amoureux. Puis Beppe tue le producteur. Il fuit dans les rues de Rome. La police est à ses trousses. Il trouve refuge dans un village abandonné planté au beau milieu d'un décor de western. Il y rencontre une jeune femme qui comme lui n'attend plus rien de la vie. Leurs états d'âme les rapprochent. La police finit par encercler le village. Ils tentent d'échapper aux forces de l'ordre. La jeune fille est tuée. La police finit par abattre Beppe.
Quel étrange film que voilà! La notte dell'ultimo giorno est une tentative de cinéma à tendance auteurisante, un exercice stylistique qui prend pour thèmes le conformisme et
l'anticonformisme, le désir de créativité chez un auteur face au pouvoir de l'argent et des exigences commerciales auxquels se mêle la profonde crise existentielle d'un metteur en scène bissexuel que le suicide de son ami-amant et l'abandon de son projet de film par un producteur vénal pousseront à la folie meurtrière. La notte dell'ultimo giorno s'ouvre sur la répétition d'une scène cruciale du film de Banti, celle où s'exprime sur scène la Mort, une sorte de film dans le film qui pose les bases du sujet à travers ses dialogues. Banti est une sorte de génie, un cinéaste génial qui avec son dernier scénario est au summum de sa créativité. Avec sa nouvelle oeuvre il a atteint l'apothéose de sa carrière et compte bien en
faire profiter le public. Mais s'il veut vendre le fruit de son génie il doit se soumettre aux exigences du producteur qui veut le transformer en un produit commercial destiné à la masse autrement dit un simple produit de consommation. La notte dell'ultimo giorno est une critique qui se veut virulente du cinéma commercial, un apologue sur les difficultés que rencontrent les artistes quelque qu'ils soient à faire valoir leurs idées, leur travail dès lors qu'ils sortent des sentiers battus et jouent la carte de l'extraordinaire, du hors du commun. C'est un des sujets abordés par Mala, le consumérisme qui s'attaque même à la culture, la créativité tant qu'à la clé il y a de l'argent à se faire au détriment même du talent, de l'aspect
artistique aussi épatant soit-il.
A ce sujet s'ajoute celui de la fine frontière qui très souvent sépare le génie de la folie parfaitement incarnée par Banti, un metteur en scène hyper talentueux las du monde, de la médiocrité dans laquelle il vit et qui profite de son génie. Par la force des choses ses actes deviennent inconsistants, irraisonnés. Il tente de faire changer les choses à sa façon, se bat (il entre en guerre et, pistolet en main, tue cette médiocrité) mais c'est la masse qui a toujours raison et c'est vaincu d'avance que partent ceux qui s'y opposent. La bissexualité du personnage n'arrange pas les choses. C'est un autre combat plus intime auquel il doit se
livrer. Dissimuler les sentiments homosexuels qu'il éprouve pour Sandro derrière une forte amitié virile. Son suicide le déstabilise encore plus mais il laisse enfin parler son coeur en déposant un baiser sur les lèvres de son cadavre (une scène pleine d'émotion) avant son odyssée meurtrière.
A la fois étrange, déconcertant et fascinant beaucoup se demanderont où veut en venir Mala. En fait la première partie du film est assez obscure. Rien ne semble très net. Film dans le film? Projection? Réalité? On se perd dans une certaine confusion certainement voulue par Mala puis au fur et à mesure, dés la seconde partie, tout s'éclaire et prend doucement un
sens jusqu'au final, extraordinaire, dans le sens premier du terme. Après une longue errance nocturne dans les rues, hagard, pistolet en main, Banti se retrouve devant un décor de cinéma représentant un village de western abandonné. C'est dans un saloon que se déroulera l'ultime scène du film, point de non retour pour Banti qui vient de perdre toute notion de réalité, d'atteindre le point de rupture définitif de son équilibre émotif au moment où il rencontre l'énigmatique femme qui comme lui est lasse de vivre, son double féminin en quelque sorte. On ne saura jamais pourquoi, ni qui elle est mais seule la mort peut désormais les délivrer de leur lassitude. La boucle est bouclée. La film se clôt sur le
soliloque de la Mort qui l'ouvrait.
Porté par une partition lounge particulièrement bien adaptée signée Stelvio Cipriani La notte dell'ultimo giorno bénéficie également d'une solide interprétation, Tony Kendall en tête dans la peau de Banti. Epaisse lunettes vissées sur le nez il trouvait là le rôle de sa carrière, parfaitement crédible dans ce personnage tourmenté en pleine crise/démence existentielle. Il est entouré de grands noms du cinéma de genre italien dont la lumineuse Erna Schurer (la femme du saloon), la toujours excellente Marina Malfatti (Francesca), Enrico Maria Salerno en producteur vénal dont on appréciera les répliques et le toujours séduisant Corrado Pani (l'ami-amant de Banti).
Même si on sent le manque évident de budget, même si on imagine facilement à quoi un tel film aurait pu ressembler entre les mains d'un autre metteur en scène La notte dell'ultimo giorno est une intéressante réflexion, une dénonciation plutôt bien menée sur le consumérisme, du pouvoir de l'argent, dans le cadre ici du domaine artistique à laquelle s'ajoute d'autres thèmes alors en vogue dans la cinéma italien: crise existentielle, sexualité/homosexualité, folie... Le film très probablement inspiré de la propre expérience de son auteur n'est pas parfait mais il est suffisamment curieux, bizarre, inattendu pour attirer l'attention et en faire une véritable petite nacre du cinéma transalpin des années 70. Elle est malheureusement devenue pratiquement invisible aujourd'hui comme les trois autres films de Sala, tous oubliés des éditeurs y compris vidéo, pourrissant au fond des oubliettes où ils furent jetés. Cette rareté la rend encore plus délectable. A découvrir absolument.