The orphan
Autres titres: Marqué par le diable / Friday the 13th: The orphan / Viernes 13: David / David: the orphan
Réal: John Ballard
Année: 1977
Origine: USA
Genre: Horreur / Fantastique
Durée: 74mn
Acteurs: Mark Owens, Joanna Miles, Peggy Feury, Donn White, Stanley Church, Eleanor Stewart, Jane House, Afolabi Ajayi, David Foreman, Jim Brody, Malachy Machourt, Dennis Watlington, Gregory Duviler, Jeanne Graham, Lynn Kirchoff...
Résumé: Le jeune David a vu sa mère tuer son père avant de se suicider. Désormais orphelin il part vivre dans l'immense manoir isolé en pleine campagne de sa tante Martha, une femme pieuse et rigide qui devient sa tutrice. David souffre de plus en plus du suicide de ses parents. Petit à petit il s'isole dans un univers qu'il s'est crée où il peut donner vie à ses fantasmes les plus impurs. Il s'est inventé un dieu, un singe empaillé qu'il a trouvé au manoir à travers duquel il fait revivre son père. L'enfant, trahi par les adultes qui l'entourent, sombre lentement dans une folie schizophrène. Il libère alors ses pulsions meurtrières...
Seul et unique film du réalisateur-scénariste américain John Ballard The Orphan appartient définitivement à la longue liste des enfants tueurs. Le jeune David, principal protagoniste du film, rejoint notamment les petits héros de Our mother's house / Chaque soir à 9 heures de Jack Clayton et des Innocents, quelques uns des oeuvres auxquelles The orphan fait référence. Il signe là un film essentiellement basé sur l'analyse psychanalytique d'un jeune orphelin qui petit à petit va se créer tout un univers de rêves, de fantasmes afin de tenter d'échapper à une réalité trop cruelle et de rejoindre ses parents fraichement décédés.
David, un jeune garçon d'une douzaine d'années, vient successivement de perdre sa mère puis son père, tous deux décédés sous ses yeux de manière violente. Sa mère a assassiné son père avant de se suicider. Désormais orphelin c'est sa tante Martha qui devient sa tutrice. David part donc vivre chez elle dans un manoir isolé en pleine campagne anglaise. Si au départ les choses semblent plutôt bien se passer pour David l'absence de ses parents lui devient chaque jour de plus en plus difficile. Il déteste sa tante, une femme aigrie très pieuse. Il trouve du réconfort auprès de la séduisante cuisinière Mary qui lui promet d'être toujours là pour lui. C'est surtout avec l'homme à tout faire africain Akin que David s'entend le
mieux. Akin lui fait découvrir certaines drogues hallucinogènes qu'il lui donne à fumer. Grâce à elles David peut s'échapper et retrouver son père par delà la mort. L'enfant commence à renier Dieu et refuse l'hostie que lui tend le prêtre, un geste que ne peut tolérer sa tante. Elle ignore encore que David s'est construit une sorte d'autel dans un coin inaccessible de la vieille grange. Il y vénère un singe empaillé, Charly, qu'il a trouvé au manoir. Le singe devient son Dieu. David bascule doucement mais surement dans une irréversible folie qui s'aggrave lorsque sa tante renvoie Akin après qu'elle ait découvert qu'il le faisait fumer ses drogues. Tout s'écroule pour David lorsqu'il surprend Mary, hilare, confier au vieux docteur
qu'elle n'a que faire du garçonnet avant de lui faire l'amour. David va tuer la cuisinière puis sa tante avec l'aide de Charly qui a soudainement pris vie.
Le scénario n'est pas nouveau. Ballard ne fait que reprendre le thème désormais classique de l'enfant traumatisé par la mort de ses parents qu'il part retrouver par delà la mort à travers une succession de rêves, de cauchemars, de fantasmes. On pense notamment au futur Phantasm de Don Coscarelli dont le film se rapproche mais sans son coté torturé, sinueux. Aux visions terrifiantes de Mike Ballard a préféré une intrigue plus classique, plus sobre mais tout aussi terrifiante mais plus dérangeante. Point d'analyse psychanalytique cette fois
juste le désespoir d'un enfant qui ne se remet pas de la disparition d'un père qu'il aimait tant et qui chaque jour s'enfonce un peu plus dans un monde qu'il s'est crée afin d'échapper à sa tante aussi pieuse que cruelle et infidèle (elle n'hésite pas à tuer le petit chien de David et coucher avec son beau-frère) qu'il déteste puis de ces adultes qui le trompent, lui mentent. Tout est ici linéaire, très simple, présenté sous forme de tableaux tous très visuels, empreints d'une grande mélancolie (les souvenirs de David des moments passés avec ses parents). Une fête d'anniversaire, des jouets, des photographies, des objets ramenés de divers voyages... autant d'instants forts qui font souffrir l'enfant tout en lui apportant un peu de
joie. Nous sommes dans les années 30 au coeur d'un huis-clos d'une bourgeoisie engoncée dans ses valeurs morales dépassées. Autour de l'enfant des adultes qu'il déteste, ne le comprennent pas que Ballard présente comme tous hideux par le biais de gros plans sur des visages blêmes, rigides, des cernes noires, des cols amidonnés, des regards sévères, moqueurs ou méprisants qui l'écrasent. Ballard donne à sa caméra le regard de David, tout petit dans cet immense domaine isolé dont il est impossible de s'évader. Tout semble disproportionné, démesurément grand, déformé, terrifiant comme vu à travers un prisme déformant. C'est cette réalité que l'orphelin contemple, les yeux
écarquillés de peur, le plus souvent dans une semi-obscurité qui ne fait que cacher la décadence d'une aristocratie pourrissante dissimulée derrière le faste des réceptions, les bonnes manières, la dévotion et les décorations clinquantes. Tout prend l'allure d'un cauchemar et c'est pour y échapper que David va s'abandonner à ses fantasmes les plus secrets, les plus impurs.
De plus en plus désaxé, déçu et trompé (caché sous le lit de Mary, la seule personne en qui elle avait confiance, non seulement il l'entend dire qu'elle n'a que faire de lui mais il la surprend entrain de faire l'amour avec le gros docteur rougeaud), meurtri par les vérités
qu'on lui inflige puisque jugé trop bête pour comprendre (on le force à regarder le corps de ses parents sans vie), épuisé de ne pouvoir s'exprimer (il rêve que sa tante lui coupe la langue), David se rebelle et puise sa force dans les drogues que lui donne le serviteur noir. De quoi mettre mal à l'aise certains spectateurs choqués de voir un enfant en plein délire hallucinogène, témoignage d'un cinéma qui en ces années bénies pouvait se permettre ce qui est aujourd'hui serait condamné. Il se met alors célébrer un étrange culte païen dans un abri de la grange où il a installé son Dieu, un singe empaillé qu'il vénère et à travers duquel il fit revivre son père (qui a sa fête d'anniversaire portait un costume de chimpanzé, hasard?).
Ballard s'est semble t-il inspiré du Seigneur des mouches mais il y ajoute une dose d'horreur et de démence qui trouve son point culminant lors de l'ultime partie du film. Rongé par la haine, pris dans un tourbillon de folie qu'il ne semble plus contrôler si ce n'est par ce singe effrayant, la violence de l'enfant explose lors d'un final hallucinant (délirant?) lors duquel, travesti en sa tante, il se lacère le bras au rasoir avant de jeter ses habits dans les toilettes qui bien ironiquement les recrachent. Cette fabuleuse séquence annonce le meurtre de Mary dans le lavoir tendu de draps blancs, la lame du couteau tenu par une main gantée de noir (impossible de ne pas penser aux fameux giallis italiens ou à la scène du
dortoir de fortune du futur Suspiria de Dario Argento) s'enfonçant dans l'abdomen de la pauvre femme ligotée à l'intérieur d'un drap, immonde boudin blanc qui se tortille et lentement se recouvre de rouge. La mort de la tante est bien plus curieuse puisque c'est le singe qui après avoir pris vie la tue. Rêve, réalité tout se confond dans un climat de violence déchainée juste avant que le silence ne retombe sur l'immense demeure. Tout est calme, David est désormais seul. Le film se clôt sur une image glaçante. L'enfant comme si de rien n'était se prépare une tartine grillée et entame un solide petit déjeuner. Une fin ouverte amère qui laisse vagabonder l'imagination du spectateur quant à la schizophrénie de
l'adolescent. Tout cela était-il réel ou n'était-cet en fait qu'un long cauchemar issu de l'esprit altéré d'un enfant traumatisé par le suicide de ses parents?
Outre sa magnifique photographie, sa mise en scène soignée, intelligente, parfois troublante (le miroir brisé, référence à Alice au pays des merveilles, des cauchemars ici, qui reflète le visage du père et du fils pour finalement ne plus en faire qu'un) The orphan doit beaucoup à son jeune interprète Mark Owens, 14 ans à l'époque du tournage, absolument étonnant dans le rôle très difficile de David. Son visage très expressif, ses regards, la justesse de son jeu toujours impeccable, l'hystérie dont il fait preuve rendent son
personnage particulièrement crédible. Ce fut le seul et unique film du jeune et talentueux Mark mais il aura définitivement laissé son empreinte indélébile dans le cinéma consacré aux enfants meurtriers. Il entouré de deux figures incontournables des séries télévisées sur plus de trente ans, la toujours excellente Peggy Feury (tante Martha) et Joanna Miles (la mère de David) ainsi qu'une jolie brochette d'acteurs (tous très bons) dont ce fut l'unique apparition à l'écran.
Oeuvre difficile, étonnante, inquiétante, terriblement cohérente puisqu'aucun détail n'est laissé au hasard, toutes les pièces du puzzle trouve ici leur place, The orphan est une petite
nacre curieusement oubliée qui au fil du temps semble s'être perdue dans les oubliettes du 7ème art. Présenté à la neuvième édition du Festival du film fantastique de Paris en 1979 le film de Ballard ne reçut étrangement aucun prix. Il ne bénéficia d'aucune sortie salles. Notre orphelin disparut ainsi très vite pour ne jamais réapparaitre si ce n'est via une vidéo américaine de très bonne qualité (et intégrale) devenue aujourd'hui très difficile à trouver et une abominable vidéo française honteusement mutilée de plus de 10 minutes, dotée d'une version française exécrable qui en outre revisita les dialogues originaux sans parler de la superbe et très mélancolique partition musicale de Teo Macero (et la jolie chanson phare "I
need to live alone again" de Janis Ian) gâchée par d'incongrus ajouts musicaux aux sonorités synthétiques de fort mauvais gout. Une honte pour un tel petit bijou du cinéma consacré à l'enfance tourmentée qui plus de cinquante après sa réalisation est toujours aussi impressionnant. Rien que pour cela, pour les thèmes abordés et sa rareté The orphan avait sa place sur le Maniaco. Espérons qu'un jour un éditeur lui donne une seconde vie grâce à une sortie numérique.
Pour la petite information le film fut bêtement retitré en 1979 Friday the 13th: the orphan, un retitrage qui ne plut guère à Sean Cunningham qui dut trouver un accord à l'amiable pour
que Ballard puisse utiliser ce titre.
Il faut également préciser que l'idée de The orphan naquit dans l'esprit de Ballard en 1968, année où il tourna l'essentiel du métrage. Suite à de nombreux problèmes de production il dut l'interrompre avant de le reprendre quelque temps plus tard. Une fois mis en boite le projet dut être de nouveau abandonné avant que les producteurs ne se décident à le ressortir deux ans plus tard à condition que Ballard y intègre quelques plans sanguinolents. Il tourne donc les plans les plus sanglants du film dont ceux de Mary (assez évident lorsqu'on voit la main tenir le couteau visiblement plus celle de Mark qui lors de quelques plans semble légèrement plus âgé et arbore une coupe de cheveux légèrement différente). Le montage définitif du film fut présenté en 1977. Quant au film lui même il ne fut distribué qu'en 1979 soit plus de dix ans après son tournage!