Vai gorilla
Autres titres: Profession garde du corps / Hired gun / Go gorilla go
Réal: Tonino Valerii
Année: 1975
Origine: Italie
Genre: Polizesco
Durée: 94mn
Acteurs: Fabio Testi, Renzo Palmer, Al Lettieri, Claudia Marsani, Antonio Marsina, Saverio Marconi, Giuliana Calandra, Adriano Amidei Migliano, Luciano Catenacci, Maria D'Incoronato, Salvatore Billa, Omero Capanna, Ernesto Colli, Furio Meniconi, Riccardo Petrazzi, Angelo Ragusa, Simone Santo, Franca Scagnetti...
Résumé: Marco Sartori, un jeune garde du corps, se fait embaucher par un chef d'entreprise publique qui depuis quelques temps ne cesse de recevoir des menaces anonymes sous forme d'appels téléphoniques et de lettres. Il assurera désormais sa protection. Il ne tarde pas à être confronté aux voyous, une bande de motards dirigée par l'impitoyable Berto. Afin qu'il comprenne qu'il ne doit pas se mêler de leurs affaires Sartori est passé à tabac par les hommes de Berto. Cela n'arrête pas le gorille bien décidé à mettre un terme aux exactions de Berto. Il met au point un stratagème avec l'aide de son petit frère...
C'est dans le western spaghetti que Tonino Valerii s'est essentiellement illustré en signant dés la fin des années 60 quelques fleurons du genre dont Le dernier jour de la colère. Originaire des Abruzzes le réalisateur s'est également laissé aller à la mise en scène d'un drame adolescent troublant et castrateur malheureusement trop méconnu, Une jeune fille nommée Julien, et d'un remarquable giallo post-argentesque (Folie meurtrière). Avec Vai gorilla, sa seule et unique incursion dans l'univers du polizesco, Valerii nous livre une pellicule bougrement efficace qui confirme le talent et le professionnalisme de son auteur.
Rome - Gaetano Sampioni, un chef d'entreprise publique, est victime d'une agression. Alors qu'il passait justement par là est il sauvé in extremis par Marco Sartori, un jeune et fougueux garde du corps qui entretient de bonnes relations avec le commissaire Vanuzzi. Il fait fuir les assaillants. En fait c'est Sartori lui même qui a organisé ce faux kidnapping afin que Sampioni l'engage comme gorille personnel. Cela tombe plutôt bien car l'entrepreneur reçoit depuis quelques temps des menaces anonymes soit par courrier soit par téléphone. Sampioni accepte de l'engager et lui demande de veiller aussi sur sa fille Vera victime d'une menace d'enlèvement. Malgré l'interdiction du père Sartori se rapproche de Vera. Très vite
Sartori est pris à parti par ceux qui menacent et font chanter Sampioni, une bande de voyous dirigée par Berto, un énigmatique homme qui porte un blouson de moto et des santiags. Ils passent Sartori à tabac pour qu'il se tienne loin de leurs affaires. Avec l'aide de son jeune frère notre gorille décide alors de passer à l'action. Afin de mettre à l'abri l'entrepreneur ils font croire à son kidnapping. Seule sa fille est au courant. Sampioni ainsi protégé son garde du corps pourra se concentrer sur la bande de Berto et mettre définitivement fin à leurs exactions lors d'un affrontement particulièrement nerveux et échevelé.
En ce milieu d'années 70 le polizesco est à l'honneur en Italie, avec lui sa cohorte de flics
justiciers jamais très orthodoxes. On a parmi les plus connus Maurizio Merli et Luc Merenda, Franco Nero également, Leonardo Mann à un degré moindre. Voici maintenant le solide Fabio Testi dans cette variante du justicier qui prend la relève d'une police inefficace dépassée par la violence à laquelle elle doit faire face dans un pays plongé dans la terreur du terrorisme, des kidnappings et autres demandes de rançon. Pourquoi une variante? Tout simplement car Valerii a décidé de faire de son héros protagoniste non pas un flic énergique mais un garde du corps, un ex-acrobate devenu gorille, une profession injustement oubliée des scénaristes habituels tout à fait en adéquation avec le thème du
film très ancré dans la réalité d'alors (1975 fut l'année où en Italie il y eut le plus de séquestrations et de demandes de rançon): la protection du bon citoyen menacé par la délinquance et le banditisme. Voilà donc la petite originalité de Vai gorilla qui pour le reste se contente de reprendre la trame usuelle de ce type de polizeschi. Afin de protéger celui qui le paie pour sa protection notre gorille (aidé par son jeune frère) va tout mettre en oeuvre sans jamais hésiter à enfreindre la loi pour découvrir l'identité du chef de cette bande de malfrats sans foi ni loi et le mettre hors d'état de nuire. Tous les coups sont permis et Sartori ne va pas s'en priver. Rien de très neuf scénaristiquement parlant, Vai gorilla connu chez nous sous le titre très explicite Profession garde du corps serait même anodin si Valerii ne
compensait ce manque d'originalité par une mise en scène alerte, diablement efficace et un sens de l'action, du suspens à toute épreuve agrémentée d'une bonne dose de violence particulièrement graphique, totalement jouissive. En grand spécialiste du western Tonino Valerii s'y connait en scène d'action. Mené tambour battant, ne laissant place à aucun temps mort Vai gorilla n'est ni plus ni moins qu'un western urbain qui enchaine quatre vingt dix minutes durant courses poursuites, bagarres, passages à tabac, meurtres, cascades et scènes d'anthologie dont une, époustouflante, qui en laissera pantois plus d'un: une course poursuite entre un train et une voiture de police aujourd'hui culte. Cette séquence délirante
comporte un passage hallucinant particulièrement réussi, celui où un pauvre cycliste se fait écraser par le train lancé à toute vitesse. Elle se terminera par un fabuleux duel entre Fabio Testi et Berto, transposition moderne des des faces à faces qui souvent concluent les westerns. Valerii ne recule devant rien pour clouer son spectateur à son fauteuil et satisfaire les amateurs de violence pure et dure, renvoyant par instant les Umberto Lenzi et autre Sergio Martino gentiment sur la touche. Profession garde du corps se clôturera d'ailleurs sur un effet gore saisissant: la mort de Berto, l'oeil explosé par une balle.
Inspiré du cinéma américain Valerii réalise une oeuvre certes simple sur le point de l'intrigue mais aussi spectaculaire qu'efficace, toujours crédible, un western-polar rythmé par la redoutable musique signée du trio Tempera-Frizzi-Bixio dont l'interprétation est purement magistrale. Fabio Testi est particulièrement investi dans son rôle de gorille-Superman, très convaincant et surtout en grande forme. Il apporte au film toute son énergie entouré d'une pléiade d'acteurs tous aussi excellents dans leurs rôles respectifs. Antonio Marsina est un un truand cruel, un chef de bande impitoyable (psychopathe?) sous cocaïne amoureux des Harley Davidson et des santiags (un clin d'oeil aux bottes des cow-boys)
passé maitre dans l'art de manier la carabine. L'italo-américain Al Lettieri passé du coté obscur incarne avec force l'amitié trahie. Lettieri mourra d'une cirrhose quelques mois plus tard. Ce fut son ultime film. Un tout jeune Marco Saverio, habitué aux personnages de délinquants, se glisse avec talent dans la peau du petit frère de Fabio Testi. Quant à Renzo Palmer il incarne à merveille un entrepreneur taciturne, bougon, un peu rude mais au fond très gentil donc attachant. La touche féminine est apportée par la candide Claudia Marsani (Vera), jeune actrice découverte par Lucchino Visconti habituée aux rôles de hippie qui
étrangement tourna très peu. Elle apporte son sourire et sa fraicheur à ce film brutal qui de temps à autre a besoin d'un zeste de douceur.
Chez nous en France le film ne bénéficia malheureusement que d'une discrète sortie uniquement dans les salles de province durant l'été 1978. Quel dommage pour tous les amateurs de polars musclés qui transpirent des fesses mais se feront un plaisir de le (re)découvrir via les éditions DVD italiennes.