Beach rats
Autres titres: Les bums de la plage
Real: Eliza Hittman
Année: 2017
Origine: USA
Genre: Drame
Durée: 98mn
Acteurs: Harris Dickinson, David Ivanov, Frank Akaj, Anton Selyaninov, Madeline Weinstein, Kate Hodge, Harrison Sheehan, Neal Huff, Nicole Flyus, Erik Potemka, Douglas Everett Davis...
Résumé: Frankie, 19 ans, passe ses soirées en ligne sur des sites de rencontres gay mais n'a jusqu'à présent jamais osé franchir le pas. Ses journées il les passe à fumer des joints, à sniffer de la cocaïne et trainer avec ses trois amis hétérosexuels. Il doit leur cacher son homosexualité. Un soir il fait la connaissance de Simone qui devient sa petite amie. Malgré son manque de désir pour les femmes Frankie parvient à la satisfaire sexuellement mais elle devient surtout pour lui une couverture. Frankie souffre de devoir réfréner ses envies homosexuelles. Chaque nuit il se fait un homme différent. Cette vie le détruit lentement. Il a de plus en plus de mal à cacher la vérité à ses amis. Il va donc inventer un ultime mensonge...
Second film de la réalisatrice américaine Eliza Hittman Beach rats traite d'une part de la difficulté de vivre ouvertement son homosexualité dans un monde hyper virilisé, d'autre part de l'importance qu'à pris internet et ses sites de rencontres en ligne dans la vie d'hommes en quête d'amour ou simplement de sexe dans le plus parfait anonymat. Après sa jeune héroïne éprise de bad boys de son premier film, It felt like love, Hittman s'intéresse cette fois à un garçon qui a de plus en plus de mal à cacher son homosexualité et ses désirs profonds dans un univers qui malheureusement ne lui permet pas de coming out.
Frankie a 19 ans. Il vit avec sa mère qui voudrait qu'il trouve une petite amie. Les jours de son père atteint d'un cancer sont comptés. Frankie a un secret. Il écume les sites de rencontres en ligne homosexuels. Il est gay mais ne peut l'avouer. Il doit jouer l'hétérosexuel parfait lorsqu'il traine avec ses trois amis. Sportifs, en débardeur, les muscles saillants ils aiment trainer sur la plage, dans les rues de Brooklyn, passent leur temps à fumer des joints et sniffer de la coke. Frankie leur ressemble en apparence mais une fois dans sa chambre il se laisse draguer par tous ces inconnus derrière leur webcam. Un soir Frankie décide de passer le cap et d'avoir sa première expérience gay. A partir de cet instant il va multiplier les
rencontres avec des hommes toujours plus âgés que lui. Lorsqu'il fait la connaissance de Simone à un feu d'artifice elle devient pour lui une couverture idéale tant aux yeux de sa mère que de ses amis. Mais c'est aussi pour Frankie le début d'un dangereux engrenage. Il doit feindre une relation normale avec la jeune fille tout en continuant de vivre son homosexualité la nuit. Petit à petit Frankie sombre dans une sorte de dépression. La drogue est son refuge. Il a de plus en plus de mal à vivre sa double vie et réfréner ses désirs homosexuels. Lorsque sa route croise celle de Jeremy qui éprouve pour lui plus que de l'estime tout bascule. Il avoue à ses amis qu'il drague des hommes en ligne mais uniquement pour leur acheter de
la drogue. Si cet ultime mensonge fonctionne il va être le déclencheur d'une vague de violence inattendue mais inéluctable lorsque les trois garçons accompagnent Frankie à son rendez-vous nocturne sur la plage.
Beach rats pourrait être un film de plus sur un coming out difficile d'un jeune garçon de 19 ans qui derrière une virilité d'esbroufe copiée sur celle de ses camarades cache plus ou moins bien son attirance pour les hommes. Le second film de Hittman est un peu plus que cela. Beach rats est une peinture peu étincelante d'une certaine jeunesse de Brooklyn, ni embourgeoisée ni délinquante, une simple jeunesse qui s'ennuie dans les rues de sa ville,
se perd dans le faste artificiel des lumières flashy de Coney island, sa foire, ses feux d'artifice qui se ressemblent tous et donnent le sentiment de se distraire. La drogue elle aussi n'est jamais qu'une façon de s'amuser même si elle peut devenir dangereuse lorsqu'elle devient un prétexte, une excuse, le centre d'intrigues et qu'on perd doucement pied. Ses jeunes héros évoluent dans un monde hyper virilisé. La petite bande traine en débardeur, casquette vissée sur la tête, expose ses muscles, se rase le crâne, fait du sport et drague. Hittman filme le tout sans fioriture pour mieux décrire la banalité de ce quotidien noyé dans les inégalités sociales, le malheur (la lente agonie du père de Frankie atteint d'un
cancer, un élément peu utilisé mais qui renforce la fragilité de Frankie). Son jeune protagoniste se fond dans cet univers, indolent, cachant du mieux possible sa véritable sexualité derrière un tissu de mensonges et d'apparences feintes pour mieux se libérer de ce carcan une fois devant son écran d'ordinateur où il peut enfin laisser exploser ses fantasmes et désirs.
La réalisatrice évite le glauque et le coté voyeur, facilement complaisant que de telles situations auraient pu engendrer. Les scènes de webcam sont plutôt ludiques, gaies, jamais scabreuses mais toujours naturelles. Il en va de même pour les scènes de sexe pas si
nombreuses au final. Elles ont certes un coté brut. Les rencontres se font de nuit à l'abri des regards, dans des lieux exigus, sombres dans ce Brooklyn anxiogène. Le sexe pour le sexe. On se soulage le temps d'un corps à corps viril puis on se quitte pour passer au suivant. Il n'y a ni beaux gosses ni beauté sublimée pas même celle du héros pourtant charmant et fort sexy qui préfère les hommes bien plus âgés. Une manière peut être de combler ce vide laissé par un père agonisant.
Avec habileté et intelligence Hittman met en scène ses jeunes mâles un peu paumés qu'on n'arrive jamais vraiment à détester malgré ce machisme de pacotille mais on parvient sans
mal à se prendre d'affection pour Frankie, de plus en plus perdus dans ses choix, dans sa vie, sa sexualité tant et si bien qu'il finit par se murer dans un silence pathogène, lentement détruit par ses propres mensonges et cette fausse vie qu'il s'est construite. Ne reste qu'à attendre de voir comment il va s'en sortir. La réalisatrice réussit à entretenir un agréable suspens, une lente montée dramatique jusqu'à la scène finale où les machinations de Frankie sur la toile risque de mettre en péril Jeremy, une violence qu'elle contient cependant sans pour autant en édulcorer l'aspect tragique qui mènera à un no happy end peut être frustrant pour certains car ouvert à l'imagination du spectateur. Il n'y a pas vraiment de fin un
peu comme si Frankie, de manière plus générale, les garçons comme lui, ne verront peut être jamais le bout du tunnel, ne pourront jamais vivre leur vie normalement.
Beach rats doit aussi beaucoup à son interprétation, en tête celle du jeune anglais Harris Dickinson découvert dans l'intéressant et très homo-érotique Postcards from London et le canadien Matthias et Maxime. Tout en justesse, nuances et introspection son jeu loin du stéréotype rend son personnage attachant, émouvant, toujours sincère. Il lui apporte une profondeur souvent touchante. Point surprenant alors que les plus belles scènes soient celles où il se retrouve seul, face à lui même, face à ses tourments, à sa solitude. Autre atout
et non des moindres son charme en fera succomber plus d'un, séduit par son regard triste, sa jolie petite moue, ses lèvres douces et son torse musclé si joliment dessiné. Ses scènes de nu restent quant à elles pudiques mais on aura cependant le temps d'admirer quelques magnifiques dos dorsaux plus précisément son fessier et surtout d'apprécier la scène où il s'épile le pubis afin d'être fringant frais à son tout premier rendez-vous.
Récompensée de multiples fois, cette deuxième réalisation de Eliza Hittman est une oeuvre
sombre, opaque, introspective qui derrière sa coming out story dépeint surtout une société conformiste à laquelle la jeunesse a bien du mal à s'extirper, la condamnant au malaise (mal être?), au mensonge, une situation où même les plages de Brooklyn ne réussissent plus à redonner le sourire à ces jeunes paumés au torse viril. En définitive Beach rats (connu aussi sous son titre canadien Les bums de la plage) se rapprochent assez des films de Larry Clark (notamment Kids) mais en plus sensuel, plus poétique.