Pianese Nunzio 14 anni a maggio
Autres titres: Sacred silence / Pianese Nunzio Vierzehn im mai
Real: Antonio Capuano
Année: 1996
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 114mn
Acteurs: Fabrizio Bentivoglio, Emanuele Gargiulo, Tonino Taiuti, Rosaria De Cicco, Oscar Di Maio, Antonella Stefanucci, Livia Imparato, Teresa Saponangelo, Alessandra Borgia, Vincenzo Salomone, Gaetano Amato, Vincenzo Merolla, Monica Assante Di Tatisso, Riccardo Zinna, Ferdinando Triola, Luigi Sirico, Manuela Martinelli, Manuela Bracale, Antonio Buonopane, Massimo Napolitano, Susanna Poole, Bruna Sarno, Anna Troise, Luigi Longobardi, Roberto Nigro, Tommaso Palladino, Vittorio Petito...
Résumé: Naples. Nunzio a 13 ans et demi. Il vit chez sa tante depuis que son père alcoolique a quitté le domicile conjugal. Mais Nunzio passe plus de temps chez le père Don Lorenzo, un prêtre ouvertement antimafieux, qui s'est donné pour mission de combattre la mafia et de venir en aide aux jeunes napolitains désoeuvrés. La relation qu'entretiennent Nunzio et le prêtre dépasse cependant la simple amitié. Ils ont régulièrement des relations sexuelles. Si le plus le temps passe plus Don Lorenzo se met à dos la mafia plus les gens commencent surtout à trouver étrange le fait que Nunzio passe autant de temps chez lui. Une enquête sociale est ouverte...
Découvert en 1991 avec Vito e gli altri, un film sur la jeunesse napolitaine contrainte de vivre de la drogue, de la prostitution dans un contexte de violence quotidienne le réalisateur napolitain Antonio Capuano revient cinq ans plus tard en adaptant cette fois à l'écran un fait divers, celui d'un prêtre antimafieux accusé de pédophilie sur un de ses jeunes protégés, Nunzio Pianese, un adolescent à la situation familiale difficile qui fêtera ses 14 ans en mai prochain.
Nunzio a 13 ans et demi. Garçon introverti il vit chez sa tante Rosaria depuis que ses parents
se sont séparés. Sa mère est absente et n'a pas les moyens de l'élever. Son père est alcoolique et tente de survivre en vendant des légumes dans les rues de Naples. Nunzio a un véritable talent de chanteur dont il se sert pour enregistrer des cassettes de contrebande pour une maison de disque illégale. Il souhaiterait signer dans une maison de disques. Il aime aussi jouer de l'orgue dans l'église du Père Lorenzo Borrelli. Le prêtre et l'adolescent sont devenus inséparables. Nunzio passe ainsi plus de temps à l'église que chez sa tante. Il y mange, il y dort. Leur relation est cependant bien plus qu'amicale. Si aux yeux de tous Nunzio n'est qu'un des nombreux protégés du prêtre qui s'est donné pour mission de venir
en aide et d'abriter toute cette jeunesse napolitaine en détresse ils ignorent que Borrelli et Nunzio ont régulièrement des rapports sexuels. Même s'il a une petite amie de 12 ans avec qui il n'a pas encore couché, l'adolescent trouve en lui le réconfort, la tendresse, l'amour qu'il n'a pas ailleurs. A Naples Borrelli est surtout connu pour ses positions antimafieuses. Depuis qu'il a repris l'église dans laquelle il officie il se bat ouvertement contre la Camorra jusqu'à refuser de célébrer une messe pour un important boss. Plus le temps passe plus le prêtre se met à dos la mafia. Lorsque certains commencent à trouver suspicieux que Nunzio passe plus de temps avec le Père que chez lui la mafia trouve là un bon moyen pour s'en
débarrasser. Une enquête des services sociaux est ouverte mais Nunzio refuse de dénoncer Borrelli qui lui a souvent répété qu'ils ne faisaient rien de mal hormis se donner de l'amour mutuel. Nunzio finit pourtant par craquer. Il avoue avoir été abusé par le prêtre.
L'homosexualité est un sujet très peu traité au cinéma en Italie si ce n'est à travers la comédie. Rarement elle fut traitée de manière sérieuse, profonde. Il faut donc reconnaitre à Capuano d'avoir eu le courage d'aborder le thème et non pas de la façon la plus facile qui soit puisqu'il met en scène une histoire de pédophilie dans le milieu clérical, celle d'un prêtre un peu particulier et d'un adolescent qui fit grand bruit en Italie lorsque les faits relatés furent
révélés au grand jour. Le sujet était donc délicat, le pari difficile. On a encore en tête le sublime El sacerdote de Eloy de La Iglesia dont ce film s'apparente dans un certain sens mais l'approche et le discours de Capuano est pourtant bien différente ne serait-ce déjà par le fait de mélanger deux thèmes bien distincts, celui de la mafia et celui donc des voeux de chasteté, de la sexualité (l'homosexualité) dans le clergé, qui au final n'en font plus qu'un seul. C'est peut être le défaut majeur du film car malgré la sobriété de la mise en scène, l'étude psychologique plutôt mien menée du père Lorenzo Pianese Nunzio 14 anni a maggio ne fonctionne qu'à moitié. La grande réussite du film tient avant tout dans sa peinture
particulièrement réaliste de Naples, ses rues bondées, sa misère, sa jeunesse à l'abandon vouée aux délits et à la petite violence, cette fourmilière régie par la Camorra qui contrôle tout, a main mise sur tout. Les dialogues en pur dialecte napolitain qui sans sous titres seront difficilement accessibles ajoutent à ce réalisme stupéfiant tout comme les ritournelles chantées pour la plupart du temps par Nunzio lui même. Cette véritable authenticité est une des grandes forces du film. Capuano connait Naples et sait parfaitement la mettre en scène.
On ne peut en dire autant de la partie qui traite de pédophilie, de cette relation interdite qu'entretiennent le prêtre et l'adolescent. Ceci est du en grande partie par un choix de
documentariser cette relation, un choix qui casse la force dramatique de l'intrigue. Chaque personnage se présente donc face à la caméra, décline son identité, sa profession, ses activités... une technique étrange qui donne l'impression que soudain on assiste à un débat télévisé ou une pièce de théâtre. Cette option est d'autant plus regrettable que l'interprétation de Fabrizio Bentivoglio (Don Lorenzo) et Emanuele Gargiulio (Nunzio) est en tout point remarquable et l'aspect psychologique des deux personnages principaux fort bien dessiné. D'un coté on a un enfant introverti, souffrant de sa déchirure familiale, un adolescent qui trouve en Don Lorenzo non seulement une oreille attentive, amicale, fraternelle mais
également l'affection qui lui fait défaut. De l'autre on a un homme au parcours émotionnel difficile, un orphelin qui a choisi la voie de Dieu plus par nécessité que dévotion et dont les convictions sont incroyablement puériles contrairement à son combat, sa colère, sa rage contre l'injustice donc la Mafia. C'est là que le bât blesse. D'une part Camorra et sexualité ne font pas bon ménage surtout lorsque le cinéaste ne parvient pas à réellement marier les deux. On a souvent l'impression de voir deux films en un sans trop jamais savoir lequel on suit. D'autre part le discours de Capuano reste ambigu quant aux agissements pédophiles. S'il la condamne il semble aussi parfois la légitimiser, l'excuser sous couvert d'un amour
d'une pureté divine. Don Lorenzo de redoutable combattant anticamorriste se transforme soudain en enfant innocent qui pour justifier ses actes évoque des citations liturgiques, un discours équivoque qui se lit sur deux plans d'autant plus que l'attitude de l'enfant est elle aussi ambigüe puisqu'il apparait souvent consentant, se jetant de lui même dans les bras de son protecteur. Ce traitement pourra donc choquer, scandaliser certains. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle Pianese Nunzio fit grand bruit à sa sortie en Italie la critique, très partagée, le qualifiant de scabreux, de provocateur.
Si son coté désarticulé empêche le film de vraiment fonctionner et surtout toucher, si Antonio
Capuano s'est fourvoyé en voulant jouer sur deux sujets à la fois, si la trame narrative reste confuse, équivoque, Pianese Nunzio reste cependant un film audacieux, téméraire. Il fallait en effet oser aborder le sujet et surtout montrer sans faux-semblants cette relation interdite. Les scènes intimes sont toujours très pudiques, poétiques par instant même lorsqu'il suggère une fellation entre un adulte et un jeune adolescent. Capuano a réussi à ne pas rendre obscène un tel plan même s'il pourra en heurter certains. Difficile également de ne pas saluer la prestation du jeune et séduisant Emanuele Gargiulio, véritable révélation, dont ce sera pourtant le seul et unique film.
Malgré ses défauts et cette ambiguïté Pianese Nunzio 14 anni a maggio est une jolie oeuvre que l'amateur de cinéma transgressif se fera un petit plaisir de découvrir et d'apprécier selon ses propres opinions.