Torino nera
Autres titres: La vengeance du sicilien / Black Turin
Real: Carlo Lizzani
Année: 1972
Origine: Italie
Genre: Drame / Polar
Durée: 98mn
Acteurs: Bud Spencer, Nicola Di Bari, Andrea Balestri, Domenico Santoro, Françoise Fabian, Marcel Bozzuffi, Saro Urzì, Gigi Ballista, Guido Leontini, Elio Zamuto, Mario Pilar, Maria Baxa...
Résumé: Un ouvrier immigré syndicaliste est accusé d'un meurtre qu'il n'a pas commis et condamné à plusieurs années de prison. Trois ans après son arrestation un des hommes qu'il l'a accusé est renversé par une voiture. Il n'en faut pas plus pour que les deux fils de l'ouvrier demande à l'avocat de leur père de réouvrir le dossier et de prouver qu'il a été accusé à tort. Aidés de l'avocat les deux enfants vont mener l'enquête...
Carlo Lizzani s'est souvent inspiré de faits divers dans l'écriture de ses films, devenant ainsi un des spécialistes du film vérité. Pas étonnant qu'une fois de plus à l'instar de Bandits à Milan et Scandale à Rome Torino nera soit tiré d'une histoire vraie qui fit jadis la une de la presse italienne, celle d'un avocat qui aidé des enfants de son client va tout faire pour prouver son innocence dans le cadre d'un homicide.
Lors d'un match de football un homme, ouvrier de profession, est tué. Un de ses collègues de travail, le syndicaliste Rosario Rao est retrouvé en possession de l'arme du crime. Il est
accusé du meurtre et condamné à la prison. Trois ans plus tard Mino, le fils ainé de Rosario, apprend par la presse que Perrera, un des deux hommes qui a accusé son père d'être l'assassin, vient d'être renversé par une voiture. Il n'en faut pas plus pour mettre la puce à l'oreille de l'adolescent décidé à prouver que son père est innocent, victime de la mafia. Avec son petit frère Lello il va trouver Mancuso, l'assesseur de l'avocat qui le défend afin qu'il recueille suffisamment de preuves pour innocenter leur père. Mancuso accepte et commence à investiguer avec l'aide des deux enfants. Ils découvrent que Rosario avait un ennemi, Fridda, ancien contre maitre de son usine devenu depuis un puissant entrepreneur.
Ils rencontrent aussi une prostituée qui connaissait bien Perrera et qui possède une photo prise le jour du meurtre, un cliché qui vient de lui être volé. La putain est tuée après avoir envoyé un double à la police. Un des hommes de la photo est identifié mais lorsque Mancuso le retrouve il est trop tard. Il est abattu. Il a cependant le temps de lui révéler le nom de son agresseur: Mascara. L'homme s'est enfui avec un film qui prouve l'innocence de Rosario. Mino est rossé de coups pour avoir tenté de récupérer la précieuse pellicule. il est hospitalisé entre la vie et la mort. Alors qu'il a reçu la permission de voir son fils agonisant Rosario s'évade déterminé à tuer ceux qui l'ont fait condamner. Il retrouve Mascara et Fridda
et les tuent. Vengé, il se rend à la police.
Difficile de pouvoir classer Torino nera dans une catégorie particulière. Il ne s'agit pas vraiment d'un polar, ni d'un film noir, ni d'un drame policier à proprement parlé. C'est plutôt un mélange de tous ces genres mâtiné de lacrima movie que Lizzani semble ne pas vraiment maitriser. On peut aisément dire que Torina nera est une oeuvre bâtarde qui ne parvient jamais à trouver sa véritable orientation. C'est peut être de là que vient ce sentiment d'échec à la vision de ce film qui ne convainc jamais vraiment. On est ici assez loin du réalisme, de la violence, des aventures politisées de Bandits à Milan, Roma bene et Alzati e uccidi. On est
bien plus ici face à un film populaire, presque familial dont les deux protagonistes principaux sont des enfants qui aidés d'un avocat jouent les détectives dans la grisaille et la pauvreté de la Turin de ce début de décennie. On suit donc les pérénigrinations des deux petits aventuriers en herbe, âgés de 14 et 12 ans, aussi débrouillards que futés, pas toujours très crédibles puisqu'on a un peu de mal à croire que deux enfants réussissent là où la police échoue et puissent ainsi et aussi facilement démanteler un petit gang mafieux coupable de la condamnation de leur père. Torino nera tient donc plus de la fable que du véritable film noir. Malheureusement Carlo Lizzani n'est pas très à l'aise dans cet exercice coincé entre le
lacrima movie et l'oeuvre mafieuse. Il saute d'un genre à l'autre sans grande conviction mais surtout sans grande énergie. Le principal défaut du film est en fait son manque d'intensité dramatique. L'émotion n'est pas forcément au rendez-vous, la corde sensible du spectateur rarement touchée, un comble pour un lacrima movie. Quant à la violence de la partie mafieuse on la cherche encore. Lizzani édulcore au maximum et la rend totalement inoffensive.
Malgré cela Torino nera n'est pas un mauvais film encore moins un film raté. C'est une pellicule simplement divertissante dont on retiendra essentiellement deux points, ces deux
gros atouts. Le premier est la peinture de la Turin industrielle de ce début d'années 70 qui donne au film son coté néo réaliste, une ville grise plongée dans la pauvreté que sublime la magnifique photographie de Pasqualino De Santis. Pas étonnant que l'aspect le plus réussi du film soit dans la description de ses personnages, dans l'humanité qu'ils dégagent. Lizzani soulève avec justesse l'éternelle question de l'immigration, ces travailleurs venus du Sud pour tenter de s'installer dans le Nord, tant du coté de ceux qui en profitent que de ceux qui en pâtissent. De quoi justifier le titre français qui dans l'esprit de beaucoup de spectateurs pourrait faire référence à une bande mafieuse. Certes on a vu bien mieux mais il
faut reconnaitre à Torino nera son coté profondément humain. Son second atout est justement son interprétation notamment celle des deux enfants qui font toute la force du film. Lizzani a reformé pour l'occasion le tandem découvert la même année par Luigi Comencini Andrea Balestri - Domenico Santoro, les deux vedettes des fabuleuses et inoubliables Aventures de Pinocchio. L'osmose est de nouveau parfait. Le jeu des deux jeunes comédiens est parfait, un point d'honneur à Domenico Santoro qui interprétait chez Comencini Lucignolo. Avec naturel et spontanéité il endosse ici la peau de Mino et porte quasiment le film sur ses épaules. Andrea Balestri qui restera à jamais Pinocchio est un
peu plus en retrait cette fois mais il illumine la pellicule de sa petite frimousse blonde et apporte une touche d'humour. Mémorable la scène où il cache le révolver dans son pot de chambre pour faire caca dessus et emporter l'arme à feu au nez et à la barbe des policiers. Françoise Fabian, peu présente, n'est pas Claudia Cardinale mais elle joue à merveille son rôle de mère immigrée désormais seule. Marcel Bozzuffi lui aussi peu présent joue les inévitables méchants mais avec modération cette fois. Quant à Bud Spencer on pouvait l'attendre au tournant. S'il a un peu de mal à faire oublier ses rôles comiques il s'en tire assez bien surtout dans la dernière partie du film, celle de sa vendetta personnelle. Le point
faible reste le compositeur Nicola De Bari, responsable aussi de la bande originale, dans le rôle de l'avocat, peu crédible, invraisemblable et plutôt mauvais acteur.
Entre mélodrame populaire, polar et lacrima movie La vengeance du sicilien est somme toute un petit film agréable, insolite, du moins inattendu, une petite réalisation sympathique, discrète qu'illumine avant tout la présence des deux enfants-comédiens.