Barbagia la societa del malessere
Autres titres: Barbagia / The tough and the mighty
Real: Carlo Lizzani
Année: 1969
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 91mn
Acteurs: Terence Hill, Don Backy, Frank Wolff, Rossana Martini, Helena Ronee, Pietro Martellanza, Gabriele Tinti, Tano Cimarosa, Clelia Matania, Rosalba Neri, Ezio Sancrotti, Franco Silva, Attilio Dottesio, Empedocle Buzzanca, Remo De Angelis, Franco Megna, Giuliano Maielli, Carlo Lizzani, Marco Sancrotti, Giovanni Di Benedetto, Alberto Fedele, Orso Maria Guerrini, Giuliano Quaglia, Costantino Carrozza, Enrico Marciani, Benito Pacifico...
Résumé: Jeune berger de Barbagia en Sardaigne, Graziano Cassitta a été élevé comme le veulent les traditions régionales, considérant l'honneur plus important que la vie. Lorsqu'un de ses frères est assassiné Graziano va le venger en tuant les coupables. Emprisonné il parvient à s'enfuir. Plusieurs repris par les carabiniers il réussit à chaque fois à s'évader. Lors de sa troisième évasion il emmène avec lui un jeune espagnol Miguel Tienza. Ils se réfugient dans les montagnes de Supramonte. Avec les siens, Graziano va dés lors entamer une série d'enlèvements soutenu par un avocat véreux. En échange de leur liberté il demande de considérables rançons qu'il remettra ensuite aux plus pauvres. Pourchassé par la police, Graziano devient extrêmement populaire. Mais sa mégalomanie commence à faire peur. L'avocat et ses hommes vont alors le pousser à commettre une erreur afin de se libérer de son emprise. Ils le poussent à kidnapper un pauvre homme du peuple. Ce rapt provoque l'indignation générale. Graziano est désormais en disgrâce. Il devient l'ennemi du peuple, celui qu'il faut abattre. Tous se lâchent sauf Miguel, son fidèle ami et compagnon de coeur...
Grand spécialiste du film documentaire, plus encore du polar réaliste, Carlo Lizzani après deux grands classiques du genre, les très musclés Lutring... réveille toi et meurs et Bandits à Milan, décide de s'attaquer à une une page de l'histoire sarde en mettant en scène la vie d'un des criminels les plus fameux de l'après guerre Graziano Messina dit Grazianeddu, essentiellement connu pour ses nombreuses évasions, vingt deux ans au total, la première ayant eu lieu alors qu'il n'était âgé que de quatorze ans. Berger de son état comme ses autres frères, Messina s'était retranché dans les montagnes sardes, à Barbagia, une partie
sauvage de la Sardaigne régie par des lois et des règles qui lui sont propres, une partie de l'Europe mais qui cependant ne lui appartient pas, une partie où les lois européennes ne sont jamais arrivées. Si la Sardaigne a très souvent été sous la domination de nombreuses cultures que les envahisseurs romains, africains, espagnols, américains ont apporté, la Barbagia est restée hors d'atteinte des conquérants qui n'ont jamais réussi à s'en emparer. Ses habitants pour la plupart des bergers ont ainsi continué à vivre avec leurs propres lois et règlements dont violence et silence sont dés l'enfance les maitres mots, une région à l'intérieur d'une même région.
Inspiré des aventures aussi violentes que rocambolesques de Graziano Messina rebaptisé ici Graziano Cassitta ainsi que du roman de Giuseppe Fiori "L'età del malessere, Barbagia la societa del malessere est sans nul doute une des oeuvres qui résume le mieux la carrière de son auteur. En grand professionnel qu'il est Lizzani met en scène un film qui alterne réalité et fiction avec une efficacité étonnante dans le but de faire revivre au spectateur (italien) les origines du banditisme sarde, de les faire découvrir aux novices. Comme il l'avait déjà fait pour Bandits à Milan et le refera encore par la suite, Lizzani mélange scènes de fiction et documents d'archives afin de donner une dimension hyper réaliste à l'ensemble.
Avec brio et surtout férocité il parvient à retranscrire toute la barbarie de cette tranche de l'histoire italienne mais également à recréer l'atmosphère bien particulière de ces années noires restées un peu trop méconnues. La réussite est tout simplement exemplaire tant sur le plan historique que sur un plan plus technique. Lizzani signe un film cruel, poignant, rigoureux, mené par l'ambiguïté du personnage de Cassitta, le roi de Supramonte, Plus qu'un film c'est ici une véritable chronique que livre le cinéaste doublée d'une légère réflexion sur le terrorisme sarde même si cette dernière reste peut être un peu trop superficielle. Il s'attaque en effet aux différents noeuds du problème, aux diverses questions non résolues
mais il ne cherche cependant pas vraiment à apporter de réponse comme il ne cherche pas à les analyser, préférant beaucoup plus s'attacher à l'ambiance qu'il veut la plus sincère, la plus réaliste que possible. Et c'est haut la main qu'il y parvient. Barbagia est plus une peinture sévère, concise de ces années sombres qu'une profonde étude du sujet.
Le film doit aussi beaucoup à son interprétation, en tête celle magistrale d'un tout jeune Terence Hill (Mario Giriotti) absolument fabuleux, incroyable dans la peau de Graziano. L'acteur trouve ici un de ses plus beaux rôles, un des plus forts également. Avec Barbagia il prouve qu'il n'était pas seulement qu'un acteur comique mais qu'il pouvait être aussi un
incroyable comédien dramatique, talentueux, émouvant, que ses détracteurs auront du mal à reconnaitre, une performance qu'il réitérera quatre ans plus tard dans Il vero e il falso / Manoeuvres criminelles d'un procureur de la république d'Eriprando Visconti, un film qu'il déclare pourtant détesté. Totalement investi dans sa performance, habité par son personnage, Hill nous offre là une composition sidérante, nerveuse dont on ne compte plus les morceaux de bravoure. On retiendra notamment sa vitalité et son entrainement physique entre les murs de sa prison en vue de sa prochaine évasion et sa fuite effrénée à travers les montagnes durant laquelle il saute telle une puce de rocs en rocs, se faufile telle une taupe
dans les cavités et anfractuosités rocheuses.
A ses cotés on saluera tout autant la jolie et émouvante prestation de Don Backy qui interprète son ami Miguel, Backy qui est aussi responsable d'une partie de la musique du film pour lequel il a composé de superbes chansons auxquelles se mêlent chants sardes traditionnels et morceaux dramatiques. Parmi les autres comédiens on retrouvera quelques grands noms du cinéma italien dans des rôles plus ou moins courts dont Gabriele Tinti, Pietro Martellanza, Tano Cimarosa, Attilio Dottesio, Frank Wolff en avocat corrompu et Rosalba Neri trop brièvement aperçue malheureusement.
Avec Terence Hill un des autres grands personnages du film est le décor lui même puisque Lizzani a fait de la région de Barbagia et des montagnes de Supramonte un personnage presque à part entière, une entité à la fois belle et sauvage, un décor naturel fabuleux témoin d'une guerre sans pitié que se livrent les hommes.
Dans la même veine que Pelle di bandito de Piero Livi sorti quelques mois plus tard, Barbagia la societa del malessere est un docu-fiction indispensable pour qui veut se pencher sur les racines du banditisme sarde et se plonger au coeur de l'Histoire de l'Italie,
une oeuvre dynamique, violente, tragique à mi chemin entre le polar dramatique et le film de guerre récité en partie en dialecte sarde. Cette biographie quelque peu romancée de Graziano Messina, hybride entre Robin des Bois et le pur guérillero, reste un divertissement très efficace, un grand moment de cinéma italien de cette fin d'années 60.
Comme beaucoup trop des pellicules du toujours compétent Carlo Lizzani, Barbagia la societa del malessere est toujours à ce jour oublié des éditeurs DVD. Ne reste malheureusement que la vidéo italienne pour découvrir cette petite perle historique du polar dramatique.